tra?ner une vie obscure et cacher notre infortune.? Schahzenan n'approuvait pas cette résolution; mais il n'osa la combattre dans l'emportement où il voyait Schahriar.?Mon frère, lui dit-il, je n'ai pas d'autre volonté que la v?tre; je suis prêt à vous suivre partout où il vous plaira; mais promettez-moi que nous reviendrons, si nous pouvons rencontrer quelqu'un qui soit plus malheureux que nous. - Je vous le promets, répondit le sultan; mais je doute fort que nous trouvions personne qui le puisse être. - Je ne suis pas de votre sentiment là-dessus, répliqua le roi de Tartarie; peut-être même ne voyagerons-nous pas longtemps.? En disant cela, ils sortirent secrètement du palais, et prirent un autre chemin que celui par où ils étaient venus. Ils marchèrent tant qu'ils eurent du jour assez pour se conduire, et passèrent la première nuit sous des arbres. S'étant levés dès le point du jour, ils continuèrent leur marche jusqu'à ce qu'ils arrivèrent à une belle prairie sur le bord de la mer, où il y avait, d'espace en espace, de grands arbres fort touffus. Ils s'assirent sous un de ces arbres pour se délasser et pour y prendre le frais. L'infidélité des princesses leurs femmes fit le sujet de leur conversation. Il n'y avait pas longtemps qu'ils s'entretenaient, lorsqu'ils entendirent assez près d'eux un bruit horrible du c?té de la mer, et des cris effroyables qui les remplirent de crainte: alors la mer s'ouvrit, et il s'en éleva comme une grosse colonne noire qui semblait s'aller perdre dans les nues. Cet objet redoubla leur frayeur; ils se levèrent promptement, et montèrent au haut de l'arbre qui leur parut le plus propre à les cacher. Ils y furent à peine montés, que, regardant vers l'endroit d'où le bruit partait et où la mer s'était entr'ouverte, ils remarquèrent que la colonne noire s'avan?ait vers le rivage en fendant l'eau. Ils ne purent dans le moment démêler ce que ce pouvait être; mais ils en furent bient?t éclaircis.
C'était un de ces génies[4] qui sont malins, malfaisants, et ennemis mortels des hommes: il était noir et hideux, avait la forme d'un géant d'une hauteur prodigieuse, et portait sur sa tête une grande caisse de verre, fermée à quatre serrures d'acier fin. Il entra dans la prairie avec cette charge, qu'il vint poser justement au pied de l'arbre où étaient les deux princes, qui, connaissant l'extrême péril où ils se trouvaient, se crurent perdus.
Cependant le génie s'assit auprès de la caisse; et l'ayant ouverte avec quatre clefs qui étaient attachées à sa ceinture, il en sortit aussit?t une dame très-richement habillée, d'une taille majestueuse et d'une beauté parfaite. Le monstre la fit asseoir à ses c?tés; et la regardant amoureusement: ?Dame, dit-il, la plus accomplie de toutes les dames qui sont admirées pour leur beauté, charmante personne, vous que j'ai enlevée le jour de vos noces, et que j'ai toujours aimée depuis si constamment, vous voudrez bien que je dorme quelques moments près de vous; le sommeil, dont je me sens accablé, m'a fait venir en cet endroit pour prendre un peu de repos.? En disant cela, il laissa tomber sa grosse tête sur les genoux de la dame; ensuite, ayant allongé ses pieds, qui s'étendaient jusqu'à la mer, il ne tarda pas à s'endormir, et il ronfla bient?t de manière qu'il fit retentir le rivage.
La dame alors leva la vue par hasard, et apercevant les princes au haut de l'arbre, elle leur fit signe de la main de descendre sans faire de bruit. Leur frayeur fut extrême quand ils se virent découverts. Ils supplièrent la dame, par d'autres signes, de les dispenser de lui obéir; mais elle, après avoir ?té doucement de dessus ses genoux la tête du génie, et l'avoir posée légèrement à terre, se leva et leur dit d'un ton de voix bas, mais animé: ?Descendez, il faut absolument que vous veniez à moi.? Ils voulurent vainement lui faire comprendre encore par leurs gestes qu'ils craignaient le génie.? Descendez donc, leur répliqua-t-elle sur le même ton; si vous ne vous hatez de m'obéir, je vais l'éveiller, et je lui demanderai moi-même votre mort.?
Ces paroles intimidèrent tellement les princes, qu'ils commencèrent à descendre avec toutes les précautions possibles pour ne pas éveiller le génie. Lorsqu'ils furent en bas, la dame les prit par la main; et, s'étant un peu éloignée avec eux sous les arbres, elle leur fit librement une proposition très-vive; ils la rejetèrent d'abord; mais elle les obligea, par de nouvelles menaces, à l'accepter. Après qu'elle eut obtenu d'eux ce qu'elle souhaitait, ayant remarqué qu'ils avaient chacun une bague au doigt, elle les leur demanda. Sit?t qu'elle les eut entre les mains, elle alla prendre une bo?te du paquet où était sa toilette; elle en tira un fil garni d'autres bagues de toutes sortes de fa?ons, et

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