Les mille et un fantomes | Page 6

Alexandre Dumas, père
il retomba, comme si les os de ses jambes eussent ��t�� bris��s.
--Allons donc! tu es fou! dit le maire.
--Regardez mes mains, r��pondit-il.
Et il leva deux mains sanglantes, auxquelles leurs doigts crisp��s donnaient la forme de deux serres.
En effet, la gauche ��tait rouge jusqu'au-dessus du poignet, la droite jusqu'au coude.
En outre, �� la main droite, un filet de sang frais coulait tout le long du pouce, provenant d'une morsure que la victime, en se d��battant, avait, selon toute probabilit��, faite �� son assassin.
Pendant ce temps, les deux gendarmes s'��taient rapproch��s, avaient fait halte �� dix pas du principal acteur de cette sc��ne et regardaient du haut de leurs chevaux.
Le maire leur fit un signe; ils descendirent, jetant la bride de leur monture �� un gamin coiff�� d'un bonnet de police et qui paraissait ��tre un enfant de troupe.
Apr��s quoi ils s'approch��rent de Jacquemin et le soulev��rent par-dessous les bras.
Il se laissa faire sans r��sistance aucune, et avec l'atonie d'un homme dont l'esprit est absorb�� par une unique pens��e.
Au m��me instant, le commissaire de police et le m��decin arriv��rent; ils venaient d'��tre pr��venus de ce qui se passait.
--Ah! venez, monsieur Robert!--Ah! venez, monsieur Cousin! dit le maire.
M. Robert ��tait le m��decin, M. Cousin ��tait le commissaire de police.
--Venez; j'allais vous envoyer chercher.
--Eh bien! voyons, qu'y a-t-il? demanda le m��decin de l'air le plus jovial du monde; un petit assassinat, �� ce qu'on dit.
Jacquemin ne r��pondit rien.
--Dites donc, p��re Jacquemin, continua le docteur, est-ce que c'est vrai que c'est vous qui avez tu�� votre femme?
Jacquemin ne souffla pas le mot.
--Il vient au moins de s'en accuser lui-m��me, dit le maire; cependant, j'esp��re encore que c'est un moment d'hallucination et non pas un crime r��el qui le fait parler.
--Jacquemin, dit le commissaire de police, r��pondez. Est-il vrai que vous ayez tu�� votre femme?
M��me silence.
--En tout cas, nous allons bien voir, dit le docteur Robert; ne demeure-t-il pas impasse des Sergents?
--Oui, r��pondirent les deux gendarmes.
--Eh bien! monsieur Ledru, dit le docteur en s'adressant au maire, allons impasse des Sergents.
--Je n'y vais pas!--je n'y vais pas! s'��cria Jacquemin en s'arrachant des mains des gendarmes avec un mouvement si violent, que, s'il e?t voulu fuir, il e?t ��t��, certes, �� cent pas avant que personne songeat �� le poursuivre.
[Illustration:--Qu'ai-je besoin d'y aller, puisque j'avoue tout, puisque je vous dis que je l'ai tu��e?]
--Mais pourquoi n'y veux-tu pas venir? demanda le maire.
--Qu'ai-je besoin d'y aller, puisque j'avoue tout,--puisque je vous dis que je l'ai tu��e, tu��e avec cette grande ��p��e �� deux mains que j'ai prise au Mus��e d'artillerie l'ann��e derni��re? Conduisez-moi en prison; je n'ai rien �� faire l��-bas, conduisez-moi en prison!
Le docteur et M. Ledru se regard��rent.
--Mon ami, dit le commissaire de police, qui, comme M. Ledru, esp��rait encore que Jacquemin ��tait sous le poids de quelque d��rangement d'esprit momentan��,--mon ami, la confrontation est d'urgence; d'ailleurs il faut que vous soyez l�� pour guider la justice.
--En quoi la justice a-t-elle besoin d'��tre guid��e? dit Jacquemin; vous trouverez le corps dans la cave, et, pr��s du corps, dans un sac de platre, la t��te; quant �� moi, conduisez-moi en prison.
--Il faut que vous veniez, dit le commissaire de Police.
[Illustration: Et, s'��tant baiss��, il ramassa une ��p��e �� large lame.]
--Oh! mon Dieu! mon Dieu! s'��cria Jacquemin, en proie �� la plus effroyable terreur; oh! mon Dieu! mon Dieu! si j'avais su...
--Eh bien! qu'aurais-tu fait? demanda le commissaire de police.
--Eh bien! je me serais tu��.
M. Ledru secoua la t��te, et, s'adressant du regard au commissaire de police, il sembla lui dire: Il y a quelque chose l��-dessous.--Mon ami, reprit-il en s'adressant au meurtrier, voyons, explique-moi cela, �� moi.
--Oui, �� vous, tout ce que vous voudrez, monsieur Ledru, demandez, interrogez.
--Comment se fait-il, puisque tu as eu le courage de commettre le meurtre, que tu n'aies pas celui de te retrouver en face de ta victime? Il s'est donc pass�� quelque chose que tu ne nous dis pas?
--Oh! oui, quelque chose de terrible.
--Eh bien! voyons, raconte.
--Oh! non; vous diriez que ce n'est pas vrai, vous diriez que je suis fou.
--N'importe! que s'est-il pass��? dis-le-moi.
--Je vais vous le dire, mais �� vous. Il s'approcha de M. Ledru.
Les deux gendarmes voulurent le retenir; mais le maire leur fit un signe, ils laiss��rent le prisonnier libre.
D'ailleurs, e?t-il voulu se sauver, la chose ��tait devenue impossible; la moiti�� de la population de Fontenay-aux-Roses encombrait la rue de Diane et la Grande-Rue.
Jacquemin, comme je l'ai dit, s'approcha de l'oreille de M. Ledru.--Croyez-vous, monsieur Ledru, demanda Jacquemin �� demi-voix, croyez-vous qu'une t��te puisse parler, une fois s��par��e du corps?
M. Ledru poussa une exclamation qui ressemblait �� un cri, et palit visiblement.
--Le croyez-vous? dites, r��p��ta Jacquemin.
M. Ledru fit un effort.--Oui, dit-il, je le crois.
--Eh bien!... eh bien!... elle a parl��.
--Qui?
--La t��te... la t��te de Jeanne.
--Tu dis?
--Je dis qu'elle avait les yeux ouverts,--je dis qu'elle a remu�� les l��vres.
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