quelques années probablement, quand les docks 
projetés par M. Young seront exécutés, le port de Montréal s'étendra de 
la rue Bonsecours, à l'entrée du faubourg Québec, jusqu'à la pointe 
Saint-Charles, tête du pont Victoria. 
[Note 16: Pour l'étymologie de ce nom, voir la Huronne.] 
Alors, les quartiers sous-jacents se dépeupleront au profit des quartiers 
nouveaux qui s'installeront en amont. Cela s'explique facilement: quand 
une colonie se fixe près d'un cours d'eau, elle défriche les terres en 
s'acheminant vers la source. S'il survient d'autres membres à la colonie, 
ils ne planteront pas leurs tentes au-dessous des précédents parce que 
les pouvoirs d'eau ont été utilisés d'une façon ou d'une autre par le 
drainage des campagnes ou le jeu des machines, mais ils s'établissent 
au-dessus où rien ne les gêne et ne les embarrasse. 
Les terres inférieures étant ainsi les premières mises en culture
acquièrent un prix que n'ont pas les terres supérieures, laissées vierges 
et improductives. Il résulte de là que les manufacturiers, fabricants et 
entrepreneurs s'échelonnent graduellement devant une ville, en 
refoulant son cours d'eau, sûrs qu'ils sont d'acheter meilleur marché les 
emplacements nécessaires à l'établissement de leurs usines ou entrepôts 
et d'obtenir des forces motrices plus considérables. 
Mais ces entrepreneurs, fabricants et manufacturiers sont les 
avant-coureurs du commerce. Celui-ci ne peut pas plus vivre sans eux, 
qu'ils ne peuvent vivre sans lui. Autour des usines se groupent 
promptement les magasins; car, pour éviter les frais de transport, le 
consommateur se rapproche constamment du producteur. Bientôt les 
terrains enserrés par la manufacture montent: ils doublent, ils triplent 
de valeur. Non-seulement le propriétaire ou directeur comprend qu'il 
aurait avantage à vendre son emplacement et à transférer plus haut ses 
ateliers, mais il s'aperçoit de l'impossibilité pour lui d'augmenter ses 
moyens de production par un agrandissement de local, à cause de la 
cherté excessive des lots avoisinants. 
Il déloge; les chantiers l'accompagnent. La navigation, forcée de 
déposer ou prendre son fret près de ces chantiers, la navigation bon gré 
mal gré suit leurs mouvements. Le cours d'eau est-il trop peu profond, 
on le creuse; est-il semé de rochers, on le drague; est-il hérissé de récifs, 
de cataractes, on perce un canal, comme celui de Lachine au pied des 
rapides du Sault Saint-Louis ou Caughnawagha. 
Et toujours, toujours la ville va refluant vers la source. Se serait-il pas 
possible de découvrir dans ce phénomène la preuve de notre marche 
ascensionnelle aussi bien que la preuve de notre penchant à remonter 
des effets aux causes? 
Quant à la cité, elle subit autant de métamorphoses que de progressions. 
La manufacture est supplantée par le magasin, qui sera supplante à son 
tour par la maison bourgeoise, et peut-être en dernier lieu par la ferme. 
Montréal nous en présente un exemple frappant. Il y a un siècle, les 
comptoirs du commerce ne dépassaient pas la rue des Commissaires. 
La rue des Communes, qui s'annexe à elle, n'existait même pas. Mais là 
où prend pied le quartier Sainte-Anne, des moulins, des scieries, des
fonderies, des forges fonctionnaient du matin au soir. Maintenant 
forges, fonderies, moulins immigrent, et des stores, des warehouses 
leur succèdent partout. Le négoce s'enfuit à tire d'ailes du marché 
Bonsecours vers les rues Saint-Paul, Notre-Dame, Saint-Jacques, et se 
précipite dans la rue Mac-Gill. 
Avant vingt ans, il aura, nous en avons la conviction, déserté ses vieux 
foyers et inondé le quartier Sainte-Anne. Ses révolutions passées sont 
un critérium pour préciser ses révolutions à venir. L'abaissement lent 
mais continu du prix des loyers dans le faubourg Québec et leur 
élévation inusitée du côté du faubourg Saint-Antoine suffisent déjà à 
démontrer d'une façon concluante la justesse de cette assertion. 
L'achèvement du pont Victoria et l'établissement à la pointe 
Saint-Charles d'une gare centrale pour la compagnie du chemin de fer 
du Grand-Tronc, n'ont fait que bâter le transfert du centre commercial 
au quartier Sainte-Anne ou Griffinton, ce bourbier infect, cette 
léproserie où grouille une population irlandaise, sordide, déguenillée, 
fanatique, prête à tous les crimes, la honte et l'effroi de la métropole 
canadienne, comme les Cinq-Points de New-York, la Cité de Londres 
ou de Paris, le Ghetto de Rome, furent longtemps la honte et l'effroi des 
nobles capitales qui recelaient ces clapiers dans leur sein. 
Le Griffinton, une fois assaini, purgé des bandes de misérables qui 
rendent son séjour dangereux autant que dégoûtant, Montréal, avec ses 
maisons bien bâties, ses grand édifices publics, civils ou religieux, ses 
rues régulières parfaitement aérées, ses nombreux instituts, son riche 
musée de géologie, son jardin botanique, son magnifique port, ses 
prodigieuses ressources maritimes, industrielles et agricoles, et les 
splendides campagnes qui se déploient à ses portes, Montréal prendra 
définitivement rang parmi les villes les plus favorisées et les plus 
agréables des deux hémisphères. 
 
CHAPITRE III 
LES DERNIER IROQUOIS
Quoique Montréal ne possédât pas, en 1837, la moitié de la population 
et des embellissements dont elle    
    
		
	
	
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