et prendre justement le roman par la 
queue ; encore un coup, mon père, il ne se peut rien de plus marchand 
que ce procédé ; et j'ai mal au coeur de la seule vision que cela me fait. 
- Gorgibus - 
Quel diable de jargon entends-je ici ? Voici bien du haut style. 
- Cathos - 
En effet, mon oncle, ma cousine donne dans le vrai de la chose. Le 
moyen de bien recevoir des gens qui sont tout à fait incongrus en 
galanterie ! Je m'en vais gager qu'ils n'ont jamais vu la carte de Tendre, 
et que Billets-Doux, Petits-Soins, Billets-Galants et Jolis-Vers sont des 
terres inconnues pour eux (6). Ne voyez-vous pas que toute leur 
personne marque cela, et qu'ils n'ont point cet air qui donne d'abord 
bonne opinion des gens ? Venir en visite amoureuse avec une jambe 
toute unie, un chapeau désarmé de plumes, une tête irrégulière en 
cheveux, et un habit qui souffre une indigence de rubans ; mon Dieu, 
quels amants sont-ce là ! Quelle frugalité d'ajustements, et quelle 
sécheresse de conversation ! On n'y dure point, on n'y tient pas. J'ai 
remarqué encore que leurs rabats (7) ne sont pas de la bonne faiseuse, 
et qu'il s'en faut plus d'un grand demi-pied que leurs hauts-de-chausses 
ne soient assez larges. 
- Gorgibus - 
Je pense qu'elles sont folles toutes deux, et je ne puis rien comprendre à 
ce baragouin. Cathos, et vous, Madelon... 
- Madelon - 
Eh ! de grâce, mon père, défaites-vous de ces noms étranges et nous 
appelez autrement. 
- Gorgibus - 
Comment, ces noms étranges ? Ne sont-ce pas vos noms de baptême ? 
- Madelon - 
Mon Dieu, que vous êtes vulgaire ! Pour moi, un de mes étonnements, 
c'est que vous ayez pu faire une fille si spirituelle que moi. A-t-on 
jamais parlé, dans le beau style, de Cathos ni de Madelon, et ne 
m'avouerez-vous pas que ce serait assez d'un de ces noms pour décrier
le plus beau roman du monde ? 
- Cathos - 
Il est vrai, mon oncle, qu'une oreille un peu délicate pâtit furieusement 
à entendre prononcer ces mots-là ; et le nom de Polyxène que ma 
cousine a choisi, et celui d'Aminte que je me suis donné, ont une grâce 
dont il faut que vous demeuriez d'accord. 
- Gorgibus - 
Ecoutez, il n'y a qu'un mot qui serve. Je n'entends point que vous ayez 
d'autres noms que ceux qui vous ont été donnés par vos parrains et 
marraines ; et pour ces messieurs dont il est question, je connais leurs 
familles et leurs biens, et je veux résolument que vous vous disposiez à 
les recevoir pour maris. Je me lasse de vous avoir sur les bras, et la 
garde de deux filles est une charge un peu trop pesante pour un homme 
de mon âge. 
- Cathos - 
Pour moi, mon oncle, tout ce que je vous puis dire, c'est que je trouve le 
mariage une chose tout à fait choquante. Comment est-ce qu'on peut 
souffrir la pensée de coucher contre un homme vraiment nu ? 
- Madelon - 
Souffrez que nous prenions un peu haleine parmi le beau monde de 
Paris, où nous ne faisons que d'arriver. Laissez-nous faire à loisir le 
tissu de notre roman, et n'en pressez point tant la conclusion. 
- Gorgibus - 
(à part.) 
Il n'en faut point douter, elles sont achevées. 
(Haut.) 
Encore un coup, je n'entends rien à toutes ces balivernes : je veux être 
maître absolu : et pour trancher toutes sortes de discours, ou vous serez 
mariées toutes deux avant qu'il soit peu, ou, ma foi, vous serez 
religieuses ; j'en fais un bon serment. 
----------- 
SCÈNE VI. - Cathos, Madelon. 
- Cathos - 
Mon Dieu, ma chère, que ton père a la forme enfoncée dans la matière ! 
que son intelligence est épaisse, et qu'il fait sombre dans son âme ! 
- Madelon - 
Que veux-tu, ma chère ? J'en suis en confusion pour lui. J'ai peine à me
persuader que je puisse être véritablement sa fille, et je crois que 
quelque aventure un jour me viendra développer une naissance plus 
illustre. 
- Cathos - 
Je le croirais bien ; oui, il y a toutes les apparences du monde ; et, pour 
moi, quand je me regarde aussi... 
----------- 
SCÈNE VII. - Cathos, Madelon, Marotte. 
- Marotte - 
Voilà un laquais qui demande si vous êtes au logis, et dit que son 
maître vous veut venir voir. 
- Madelon - 
Apprenez, sotte, à vous énoncer moins vulgairement. Dites : Voilà un 
nécessaire qui demande si vous êtes en commodité d'être visibles. 
- Marotte - 
Dame ! je n'entends point le latin : et je n'ai pas appris comme vous, la 
filophie dans le grand Cyre. 
- Madelon - 
L'impertinente ! Le moyen de souffrir cela    
    
		
	
	
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