caverne. 
--Qu'y a-t-il? Qu'avez-vous? interrogea Poignet-d'Acier, en le voyant 
entrer tout effaré. 
--Les Nez-Percés ont assailli votre brick! Ils sont plus de deux cents! 
--Qu'allons-nous faire? répondit Nick. 
 
CHAPITRE II 
POIGNET-D'ACIER.--NICK WHIFFLES.--OLI-TAHARA. 
--Les Nez-Percés ont assailli le brick! répéta l'aventurier en tressaillant 
d'étonnement. 
--Oui, capitaine; je viens de les voir, ils étaient en train de monter à 
l'abordage. 
--Mais comment, comment cela? 
--Ma foi, je l'ignore; tout ce que je puis vous dire, c'est qu'en arrivant 
au-dessus du gros cap, j'ai entendu des cris, et puis j'ai aperçu ces 
vermines qui tuaient nos gens. 
--Qui les tuaient, tandis que le brick a du canon à son bord! 
--Vous savez bien que, d'après votre ordre, on avait enivré les matelots. 
--Mais le capitaine, le second, et, Louis-le-Bon, et nos trappeurs?
--Ah! eux, c'est différent; ils se battent comme de beaux diables sur le 
tillac. Ça ne leur servira guère, à moins d'un prompt secours, car... 
--Combien, dites-vous, sont ces sauvages? 
--Plus de deux cents, capitaine, ô Dieu oui! 
--Deux cents! Mais par quel moyen ont-ils pu surprendre le bâtiment? 
--Oh! fit Nick, ça n'a pas dû être difficile. Ils seront arrivés durant la 
nuit, se seront cachés dans les îles voisines, et, au jour, ils auront tout 
d'un coup cerné le vaisseau. Peut-être bien aussi qu'ils ont des 
complices parmi les hommes de l'équipage. 
--Non, tous les hommes me sont dévoués, dit Poignet-d'Acier. Il faut 
aller à leur aide: les armes pendues à cette muraille sont chargées. 
Prenez-en autant que vous en pourrez porter, et suivez-moi. 
Après cet ordre donné d'un ton ferme et qui déjà ne trahissait plus 
aucune indécision, le capitaine passa à sa ceinture plusieurs pistolets 
dont il renouvela les amorces, saisit un fusil à deux coups, et sortit avec 
Nick Whiffles de la chambre souterraine. 
Un quart d'heure ne s'était, pas écoulé lorsqu'ils atteignirent la petite 
esplanade dont nous avons parlé dans le chapitre précédent. Depuis la 
retraite du trappeur le tableau avait singulièrement changé d'aspect. A 
présent les canots étaient vides et amarrés, les uns aux flancs du brick, 
les autres à la poupe des premiers. Ainsi attachés, ils couvraient 
littéralement le fleuve aussi loin que le rayon visuel pouvait s'étendre, 
car pendant l'absence de Nick, une nouvelle escadrille d'embarcations 
était venue renforcer celle qu'il avait d'abord distinguée. Tous ces 
bateaux, peints de couleurs tranchantes et décorés à leur poupe d'un 
hibou les ailes déployées, avaient une apparence fantastique et 
redoutable, qu'assombrissaient encore les légions de sauvages dont le 
navire était encombré. On eût dit, à les voir se démener, gesticuler, 
vociférer, une bande de démons vomis par l'enfer. Non-seulement ils 
envahissaient, le pont d'une extrémité à l'autre, mais ils chargeaient les 
agrès du vaisseau au point que les mâts en pliaient. Autour des
écoutilles, la presse était plus compacte. Ils se foulaient, se 
bousculaient et se battaient souvent mortellement pour pénétrer dans 
l'entrepont, d'où ils ne ressortaient plus, une fois entrés. Aux trous 
réservés aux cabillots le long du bastingage, ils avaient attaché les 
malheureux marins qui, revenus de leur ébriété, contemplaient avec 
effroi ce hideux spectacle. Leur sort ne pouvait être douteux; ils 
seraient emmenés par les Peaux-Rouges, scalpés, puis brûlés à petit feu, 
après avoir essuyé d'horribles cruautés. Les cadavres du capitaine et de 
quelques autres blancs, qu'on apercevait dépouillés de leurs chevelures, 
sur la dunette, et contre lesquels les vainqueurs exerçaient encore leur 
barbarie disaient assez qu'il ne serait pas fait de quartier aux 
prisonniers. 
Tapi avec Nick derrière un rocher, Poignet-d'Acier considérait 
attentivement cette scène affreuse. Ils étaient tout au plus à une 
demi-portée de fusil du brick. Mais, quoiqu'ils pussent saisir 
parfaitement tous les détails du drame, ils échappaient entièrement à la 
vigilance inquiète des Indiens qui, de temps en temps levaient les yeux 
du côté du cap, comme s'ils appréhendaient la venue d'un ennemi. 
--Les vermines! dit Nick Whiffles, je gagerais que c'est par hasard 
qu'ils ont découvert le navire. Ils étaient sans doute partis pour une 
expédition contre les Seummaques ou les Clallomes, ô Dieu oui! 
--Vous n'y êtes pas, dit Poignet-d'Acier, ils sont en guerre avec les 
Chinouks. Je l'ai appris par Oli-Tahara. Je savais même que les deux 
tribus devaient se rencontrer dans ces parages; mais je ne pensais pas 
que les Nez-Percés pussent arriver avant demain, sans quoi j'aurais levé 
l'ancre hier. 
--Mais, capitaine, allez-vous les laisser égorger ainsi tout votre monde, 
piller le vaisseau, et peut-être bien l'incendier? 
--Non, répliqua résolument le chasseur. 
--Alors, repartit Nick, je m'en vas commencer par faire parler la poudre, 
oui bien, je le jure, votre serviteur!
--Gardez-vous-en bien! fit vivement Poignet-d'Acier, en abaissant la 
carabine que le trappeur allongeait par-dessus la roche pour tirer. 
--Pourtant..., insista-t-il surpris. 
--Pas encore, pas encore! Les coquins sont descendus dans l'entrepont, 
ou probablement ils se gorgent de viandes et de liqueurs, suivant leur 
habitude.    
    
		
	
	
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