le demande, aller au Canada? 
Votre or ne vous y servira pas à grand'chose, car vos ennemis ont là, 
dans leurs citadelles et dans leurs forts, des troupes nombreuses et 
aguerries auxquelles il vous sera peut-être bien difficile de résister. 
Quelles ressources, quels hommes aurez-vous à leur opposer? Nos 
compatriotes ne sont sans doute pas aussi bien préparés à la révolte que 
vous vous l'imaginez. Ce n'est pas que je veuille médire des 
Canadiens-Français. Castors et loutres, pour courageux et hardis, ils le 
sont; ce sont aussi les plus intrépides chasseurs du désert. Ils dirigent 
leurs canots mieux que qui que ce soit au monde, et comme tireurs, il 
n'y a guère que Nick Whiffles qui puisse les égaler; mais voyez-vous, 
capitaine, je les connais, les Canadiens-Français, tout Irlandais que je 
suis Dans leurs villages, sous la main de leurs prêtres, ils ne valent pas 
une vieille chique (excusez l'expression). Aujourd'hui ils seront avec 
vous, et demain, ils marcheront contre vous, si leur curé le commande. 
Dans notre île, en Irlande, c'est la même chose. Dans mon temps, moi 
aussi j'ai voulu faire des révolutions. Ça m'a presque valu la corde. On 
ne m'y reprendra plus, ô Dieu non! Suivez mon conseil, capitaine; 
moquez-vous des Anglais du Canada, et la guerre, une guerre à mort à 
ceux de la baie d'Hudson! Oh! pour cela, vous pouvez compter sur moi, 
ma carabine et mes chiens; deux fines bêtes qui ont horreur des Anglais 
comme un chat de la moutarde, vous savez! 
Cette comparaison du bon trappeur amena un sourire sur les lèvres de 
Poignet-d'Acier.
--Je vous suis reconnaissant de votre proposition, Nick, repartit-il, mais 
je ne puis pour l'instant l'accepter. Plus tard... car vous avez dit vrai, je 
reviendrai. Mes pressentiments m'en avertissent. Oui, je reverrai encore 
le désert. Pour le moment, il faut se rendre là-bas et faire un effort. Mon 
devoir, ma vengeance me l'ordonnent! Je réussirai. N'ai-je pas cet or 
qui aplanit tous les obstacles? cet or que j'ai cherché si longtemps, dont 
la découverte a coûté la vie aux seules créatures qui m'aient 
sincèrement aimé, et dont l'extraction, l'amoncellement dans ces caves 
ont encore exigé tant de peines, tant de misères et tant d'années, car 
voilà plus de dix ans que j'ai perdu Jacques et cette pauvre Indienne... 
Enfin je tiens ce métal si convoité, je le tiens! tous ces sacs en sont 
pleins. Il y en a la pour des millions de dollars. Dans deux heures le 
navire que j'ai acheté à des pécheurs yankees mettra à la voile, et dans 
quelques mois le capitaine Poignet-d'Acier redeviendra Villefranche, 
l'ex-notaire de Montréal, l'ennemi juré de toute la race anglo-saxonne! 
En articulant ces paroles, l'aventurier avait oublié la présence de Nick 
Whiffles; il s'était animé, ses yeux étincelaient; la colère, la colère 
sourde, violente, accentuait vivement ses traits: les poings crispés, le 
corps frémissant, frappant le sol du pied, il était terrible à voir. 
--M'est avis tout de même que vous allez les entortiller dans un tas de 
damnées petites difficultés, capitaine, dit Nick qui l'avait examiné une 
minute en silence. 
--Je veux les expulser de toute l'Amérique du Nord, s'écria 
véhémentement Poignet-d'Acier, et si ce n'est à coups de fusil, ce sera à 
coups de bâton. Ils paieront pour toutes les infamies dont ils nous ont 
abreuvés depuis qu'ils se sont emparés du Canada. 
--Mais seul, comment ferez-vous? hasarda le trappeur. 
--Seul! répéta le capitaine avec un rire sardonique, te figures-tu donc 
que je sois seul avec cela? 
Et il frappa du bout de sa carabine sur un des sacs de cuir qui sonna 
bruyamment.
--Oui, reprit-il, avec cela on n'est jamais seul; on commande des 
légions, des armées, des empires, l'univers! J'aurai des soldats; j'en 
aurai tant que je voudrai au Canada, aux États-Unis, partout. Et si je ne 
puis triompher par la force ouverte, les conjurations, les sociétés 
secrètes ne me donneront-elles pas la victoire? Allons, allons, Nick 
Whiffles, ayez confiance en moi. J'ai ce qu'il faut pour vaincre, je 
vaincrai. Mais ne perdons pas davantage notre temps à jaser. L'heure de 
la marée approche, je veux lever l'ancre à son retour. Ainsi, 
dépêchons-nous d'embarquer les sacs. Surtout faites toujours bien 
attention que les matelots ne se doutent pas que c'est de l'or. Nous 
serions sûrs d'une révolte à bord avant huit jours, si... 
--Soyez tranquille, capitaine. On les a tellement grisés, qu'ils sont tous 
couchés dans l'entrepont, vos matelots. Il n'y a que les engagés et moi 
qui sachions ce que renferment ces poches de cuir. Houp! en voilà une 
qui pèse au moins deux cents livres! 
--Faut-il vous aider à la charger? 
--Oh! que non, capitaine, ce serait bien le diable si Nick Whiffles ne 
parvenait pas à mettre un pareil fardeau sur son dos, répondit le 
trappeur en s'arcboutant pour placer un des sacs    
    
		
	
	
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