au 
catéchisme avec un tel, c'est mon camarade de communion. C'est de là 
que commencent les grandes amitiés de jeunesse, et quelquefois aussi 
des haïtions qui durent toute la vie. Aux champs, au travail, dans les 
fêtes, on se voit, on se parle, on se prend, on se quitte; mais, au 
catéchisme, qui dure un an et souvent deux, faut se supporter ou 
s'entr'aider cinq ou six heures par jour. Nous partions en bande, le 
matin, à travers les prés et les pâtureaux, par les traquettes, par les 
échaliers, par les traînes, et nous revenions, le soir, par où il plaisait à 
Dieu; car nous profitions de la liberté pour courir de tous côtés comme 
des oiseaux folâtres. Ceux qui se plaisaient ensemble ne se quittaient 
guère, ceux qui n'étaient point gentils allaient seuls ou s'entendaient 
ensemble pour faire des malices et des peurs aux autres. 
Joseph avait sa manière, qui n'était ni terrible ni sournoise, mais qui 
n'était pas non plus bien aimable. Je ne me souviens point de l'avoir 
jamais vu bien réjoui, ni bien épeuré, ni bien content, ni bien fâché 
d'aucune chose qui nous arrivait. Dans les batailles, il ne se mettait 
point de côté et recevait les coups sans savoir les rendre, mais sans faire 
aucune plainte. On eût dit qu'il ne les sentait pas. 
Quand on s'arrêtait pour quelque amusette, il s'en allait seoir ou coucher 
à trois ou quatre pas des autres, et ne disant mot, répondant hors de
propos, il avait l'air d'écouter ou de regarder quelque chose que les 
autres ne saisissaient point: c'est pourquoi il passait pour être de ceux 
qui voient le vent. Brulette, qui connaissait sa lubie et qui ne voulait pas 
s'expliquer là-dessus, l'appelait quelquefois sans qu'il lui répondît. 
Alors elle se mettait à chanter, et c'était la manière certaine de le 
réveiller, comme quand on siffle pour dérouter ceux qui ronflent. 
Vous dire pourquoi je me pris d'attache pour un camarade si peu jovial, 
je ne saurais, car j'étais tout son contraire. Je ne me pouvais point 
passer de compagnie et j'allais toujours écoutant et observant les autres, 
me plaisant à discourir et à questionner, m'ennuyant seul et cherchant la 
gaieté et l'amitié. C'est peut-être à cause de ça que, plaignant ce garçon 
sérieux et renfermé, je m'accoutumais à imiter Brulette, qui toujours le 
secouait et; par là, lui rendait plus d'office qu'elle n'en recevait, et 
supportait son humeur plus qu'elle ne la gouvernait. En paroles, elle 
était bien la maîtresse avec lui, mais comme il ne savait suivre aucun 
commandement, c'était elle, et c'était moi par contre-coup, qui étions à 
sa suite et patientions avec lui. 
Enfin, le jour de la première communion arriva, et, en revenant de la 
messe, j'avais fait si ferme propos de ne me point laisser aller à mes 
vacarmes, que je suivis Brulette chez son grand-père, comme le plus 
raisonnable exemple qui me pût retenir. 
Tandis qu'elle allait, par commandement de la Mariton, tirer le lait de 
sa chèvre, nous étions restés, Joseph et moi, dans la chambre où mon 
vieux oncle causait avec sa voisine. 
Nous étions occupés à regarder les images de dévotion que le curé nous 
avait données en souvenir du sacrement, ou, pour mieux dire, je les 
regardais seul, car Joseph songeait d'autre chose, et les maniait sans les 
voir. Or, on ne faisait plus attention à nous, et la Mariton disait à son 
vieux voisin, à propos de notre première communion: 
--Voilà une grande affaire gagnée, et, à cette heure, je pourrai louer 
mon gars. C'est ce qui me décide à faire ce que je vous ai dit. 
Et comme mon oncle secouait la tête tristement, elle reprit:
--Écoutez une chose, voisin. Mon Joset n'a point d'esprit. Oh ça, tant 
pis, je le sais bien; il tient de défunt son pauvre cher homme de père, 
qui n'avait pas deux idées par chaque semaine, et qui n'en a pas moins 
été un homme de bien et de conduite. Mais c'est tout de même une 
infirmité que d'avoir si peu de suite dans le raisonnement, et quand, par 
malheur avec ça, on tombe dans le mariage avec une tête folle, tout va 
au plus mal en peu de temps. C'est pourquoi je m'avise, à mesure que 
mon garçon grandit par les jambes, que ce n'est point sa cervelle qui le 
nourrira, et que, si je lui laissais quelques écus, je mourrais plus 
tranquille. Vous savez le bien que fait une petite épargne. Dans nos 
pauvres ménages, ça sauve tout. Je n'ai jamais pu rien mettre de côté, et 
il faut croire que je ne suis plus assez jeune pour plaire, puisque je ne 
trouve point à me remarier. Eh bien, s'il en est ainsi, la volonté de Dieu 
se fasse! Je suis toujours assez jeune pour travailler, et puisque    
    
		
	
	
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