pernicieux des brouillards de l’automne?; mais sir édouard se facha, et, sans écouter les représentations du digne matelot, s’achemina vers la grotte. Il y était depuis un quart d’heure à peu près, lorsqu’il vit appara?tre au bout de l’allée Anna-Mary, accompagnée d’une femme et de trois enfants?: c’étaient la veuve et les orphelins que le capitaine avait tirés de la misère, et qui venaient le remercier.
Sir édouard, en apercevant Anna-Mary, se leva pour aller au-devant d’elle?; mais, soit émotion, soit faiblesse, à peine eut-il fait quelques pas, qu’il fut forcé de s’appuyer contre un arbre?: Anna vit qu’il chancelait, et accourut pour le soutenir?; pendant ce temps, la bonne femme et les enfants se jetaient à ses pieds et se disputaient ses mains, qu’ils couvraient de baisers et de larmes. L’expression de cette reconnaissance si franche et si entière toucha le capitaine au point que lui-même se sentit pleurer. Un instant il voulut se contenir, car il regardait comme indigne d’un marin de s’attendrir ainsi?; mais il lui sembla que ses larmes, en coulant, le soulageaient de cette oppression qui, depuis si longtemps, lui pesait sur la poitrine, et, sans force contre son c?ur, resté si bon sous sa rude enveloppe, il se laissa aller à toute son émotion, prit dans ses bras les bambins qui se cramponnaient à ses genoux, et les embrassa les uns après les autres, en promettant à leur mère de ne pas les abandonner.
Pendant ce temps, les yeux d’Anna-Mary brillaient d’une joie céleste. On e?t dit que l’envoyée d’en haut avait accompli sa mission de bienfaisance, et, comme le conducteur du jeune Tobie, s’apprêtait à remonter au ciel?: tout ce bonheur était son ouvrage, et l’on voyait que c’était à de tels spectacles, souvent renouvelés, qu’elle devait la douce et impassible sérénité de son visage. Dans ce moment, Tom vint, cherchant son ma?tre, décidé à lui faire une querelle s’il ne voulait pas rentrer au chateau. En voyant plusieurs personnes autour du capitaine, il sentit redoubler sa résolution, car il était certain qu’elle serait appuyée?; aussi commen?a-t-il, moitié grondant, moitié priant, un long discours dans lequel il essaya de démontrer au malade la nécessité de le suivre?; mais sir édouard l’écoutait avec une telle distraction, qu’il était visible que l’éloquence de Tom était perdue. Cependant, si les paroles qu’il avait dites avaient été sans puissance sur le capitaine, elles n’avaient point été sans effet sur Anna?: elle avait compris la gravité de la situation de sir édouard, qu’elle avait cru jusque-là seulement indisposé?; aussi, jugeant comme Tom que l’air humide qu’il respirait pouvait lui être nuisible, elle s’approcha de lui, et, lui adressant la parole avec sa douce voix?:
– Votre Honneur a-t-il entendu?? lui dit-elle.
– Quoi?? répondit sir édouard en tressaillant.
– Ce que lui a dit ce brave homme, reprit Anna.
– Et qu’a-t-il dit?? demanda le capitaine.
Tom indiqua, par un mouvement, qu’il allait reprendre son discours?; mais Anna lui fit signe de se taire.
– Il a dit, continua-t-elle, qu’il était dangereux pour vous de rester ainsi à cet air froid et pluvieux, et qu’il fallait rentrer au chateau.
– Me donnerez-vous le bras pour m’y reconduire?? demanda le capitaine.
– Oui, sans doute, répondit Anna en souriant, si vous me faites l’honneur de me le demander…
En même temps, elle tendit son bras?; le capitaine y appuya le sien, et, au grand étonnement de Tom, qui ne s’attendait pas à le trouver si docile, il reprit le chemin du chateau. Au bas du perron, Anna-Mary s’arrêta, renouvela ses remerciements, et, saluant sir édouard avec une grace parfaite, elle se retira, accompagnée de la pauvre famille. Le capitaine demeura immobile où elle l’avait laissé, la suivit des yeux tant qu’il put la voir?; puis, lorsqu’elle eut disparu derrière l’angle du mur, il poussa un soupir, et se laissa conduire jusqu’à sa chambre, docile comme un enfant. Le soir, le docteur et le curé vinrent faire leur partie de whist, et le capitaine avait commencé à jouer avec assez d’attention, lorsque, tandis que Sanders battait les cartes, le docteur dit tout à coup?:
– à propos, commandant, vous avez vu aujourd’hui Anna-Mary??
– Vous la connaissez?? demanda le capitaine.
– Certainement, répondit le docteur?; elle est mon confrère.
– Votre confrère??
– Sans doute, et confrère fort à craindre même?: elle sauve plus de malades avec ses douces paroles et ses remèdes de bonne femme, que je n’en sauve avec toute ma science. N’allez pas me quitter pour elle, commandant?; car elle serait capable de vous guérir.
– Et moi, dit le curé, elle me ramène plus d’ames par son exemple que je n’en gagne par mes sermons?; et je suis s?r, commandant, que, si endurci pécheur que vous soyez, si elle se le mettait en tête, elle vous conduirait tout droit en paradis.
à partir de ce moment, M. Sanders eut beau battre et distribuer les

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