Les Aventures de John Davys | Page 5

Alexandre Dumas, père
à cette fenêtre que s’asseyait ma mère, dans ce grand fauteuil?; ce fusil a été accroché au-dessus de cette cheminée par mon père?; voilà le lit où le digne vieillard a rendu son ame à Dieu. Il est présent ici en esprit, j’en suis s?r?; que Votre Honneur me pardonne, mais je regarderais presque comme un sacrilège de rien changer volontairement à tout ce qui m’entoure. Si Votre Honneur l’ordonne, c’est autre chose.
– Dieu m’en garde?! s’écria sir édouard?; je connais trop, mon digne ami, la puissance des souvenirs, pour porter atteinte aux v?tres?; gardez-les avec religion, monsieur Sanders. Quant à vos appointements, nous les doublerons comme nous avons dit, et vous vous arrangerez avec le pasteur pour que cette augmentation profite à quelques pauvres familles de votre connaissance… à quelle heure d?nez-vous, monsieur Sanders??
– à midi, Votre Honneur.
– C’est mon heure aussi, monsieur, et vous saurez, une fois pour toutes, que vous avez votre couvert mis au chateau. Vous faites de temps en temps votre partie d’hombre[1], n’est-ce pas??
– Oui, Votre Honneur?; quand M. Robinson a le temps, je vais chez lui, ou il vient chez moi, et alors c’est une distraction qu’après une journée bien remplie, nous croyons qu’il nous est permis de prendre.
– Eh bien, monsieur Sanders, les jours où il ne viendra pas, vous trouverez en moi un partenaire qui ne se laissera pas battre facilement, je vous en préviens, et, les jours où il viendra, vous l’amènerez avec vous, si cela peut lui être agréable?; et nous changerons l’hombre en whist.
– Votre Seigneurie me fait honneur.
– Et vous, vous me ferez plaisir, monsieur Sanders. Ainsi, c’est chose convenue.
M. Sanders s’inclina jusqu’à terre?; sir édouard reprit le bras de Tom, et continua sa route.
à quelque distance de la maisonnette de son intendant, le capitaine trouva celle du garde-chasse, qui cumulait cette fonction avec celle de conservateur de la pêche. Ce dernier avait une femme et des enfants, et c’était une famille heureuse. Le bonheur s’était, comme on le voit, réfugié dans ce coin de terre, et tout ce petit monde, qui craignait que l’arrivée du capitaine ne changeat quelque chose à sa vie, fut bient?t rassuré par sa présence. Le fait est que mon père, qu’on citait dans la marine anglaise pour sa sévérité et son courage, était, dès qu’il ne s’agissait plus du service de Sa Majesté Britannique, l’homme le plus doux et le meilleur que j’eusse jamais connu.
Il rentra au chateau un peu fatigué de sa course, car c’était la plus longue qu’il e?t encore faite depuis son amputation, mais aussi content qu’il pouvait l’être avec le regret éternel qu’il nourrissait au fond du c?ur. Sa mission était changée?: ma?tre et arbitre encore du bonheur de ses semblables, il passait seulement du commandement au patriarcat, et il résolut, avec la promptitude et la régularité qui lui étaient familières, de soumettre dès ce jour l’emploi de son temps aux règles adoptées à bord de sa frégate.
C’était un moyen de ne point amener de dérangement dans ses habitudes. Tom fut prévenu de cette décision?; Georges s’y conforma d’autant plus facilement qu’il n’avait point encore oublié la discipline du Boreas?; le cuisinier re?ut ses ordres en conséquence, et, dès le lendemain, toutes choses furent établies sur le pied où elles étaient à bord de la Junon.
Au lever du soleil, la cloche, rempla?ant le tambour, devait donner à tout le monde le signal du réveil?; une demi-heure était laissée, depuis le moment où elle avait sonné jusqu’à celui où chacun devait se mettre au travail, pour faire un premier déjeuner, usage tout à fait en honneur sur les batiments de l’état, et fort approuvé par le capitaine, qui n’avait jamais souffert que ses matelots affrontassent, l’estomac vide, le brouillard morbifique[2] du matin. Le déjeuner fini, au lieu de procéder au lavage du pont, on devait se mettre au frottage des appartements?; du frottage, on passait au fourbissage?: cette occupation à bord des batiments, comprend le nettoyage de tout ce qui est cuivre. Or, les serrures, les boutons des portes, les anneaux des pelles et pincettes et les devants de feu nécessitaient, pour que le chateau de Williams-house f?t confortablement tenu sous ce rapport, l’application d’une discipline aussi sévère que celle qui régnait à bord de la Junon. Aussi, à neuf heures, le capitaine devait-il passer l’inspection, suivi de tous les domestiques, et ceux-ci avaient été prévenus, avant de s’engager, qu’en cas de manquement au service, ils subiraient les peines militaires en usage sur les batiments de l’état. à midi, tout exercice devait être interrompu par le d?ner?; puis, de midi à quatre heures, tandis que le capitaine se promènerait dans le parc, comme il avait l’habitude de le faire sur sa dunette, on devait s’occuper des réparations à faire aux vitres, aux charpentes, aux meubles, au linge?; à
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