Le vicomte de Bragelonne, Tome I. | Page 4

Alexandre Dumas
et ses provocations turbulentes. La blonde jeune fille se courrou?a tout �� fait; elle d��chira le feuillet sur lequel, en effet, ces mots, Monsieur Raoul, ��taient ��crits d��une belle ��criture, et, froissant le papier dans ses doigts tremblants, elle le jeta par la fen��tre.
-- L��! l��! dit Mlle de Montalais, voil�� notre petit mouton, notre Enfant J��sus, notre colombe qui se fache!... N'ayez donc pas peur, Louise; Mme de Saint-Remy ne viendra pas, et si elle venait, vous savez que j'ai l'oreille fine.
D'ailleurs, quoi de plus permis que d'��crire �� un vieil ami qui date de douze ans, surtout quand on commence la lettre par ces mots: Monsieur Raoul?
-- C'est bien, je ne lui ��crirai pas, dit la jeune fille.
-- Ah! en v��rit��, voil�� Montalais bien punie! s'��cria toujours en riant la brune railleuse. Allons, allons, une autre feuille de papier, et terminons vite notre courrier. Bon! voici la cloche qui sonne, �� pr��sent! Ah! ma foi, tant pis! Madame attendra, ou se passera pour ce matin de sa premi��re fille d'honneur!
Une cloche sonnait, en effet; elle annon?ait que Madame avait termin�� sa toilette et attendait Monsieur, lequel lui donnait la main au salon pour passer au r��fectoire. Cette formalit�� accomplie en grande c��r��monie, les deux ��poux d��jeunaient et se s��paraient jusqu'au d?ner, invariablement fix�� �� deux heures.
Le son de la cloche fit ouvrir dans les offices, situ��es �� gauche de la cour, une porte par laquelle d��fil��rent deux ma?tres d'h?tel, suivis de huit marmitons qui portaient une civi��re charg��e de mets couverts de cloches d'argent.
L'un de ces ma?tres d'h?tel, celui qui paraissait le premier en titre, toucha silencieusement de sa baguette un des gardes qui ronflait sur un banc; il poussa m��me la bont�� jusqu'�� mettre dans les mains de cet homme, ivre de sommeil, sa hallebarde dress��e le long du mur, pr��s de lui; apr��s quoi, le soldat, sans demander compte de rien, escorta jusqu'au r��fectoire la viande de Monsieur, pr��c��d��e par un page et les deux ma?tres d'h?tel.
Partout o�� la viande passait, les sentinelles portaient les armes.
Mlle de Montalais et sa compagne avaient suivi de leur fen��tre le d��tail de ce c��r��monial, auquel pourtant elles devaient ��tre accoutum��es. Elles ne regardaient au reste avec tant de curiosit�� que pour ��tre s?res de n'��tre pas d��rang��es. Aussi marmitons, gardes, pages et ma?tres d'h?tel une fois pass��s, elles se remirent �� leur table, et le soleil, qui, dans l'encadrement de la fen��tre, avait ��clair�� un instant ces deux charmants visages, n'��claira plus que les girofl��es, les primev��res et le rosier.
-- Bah! dit Montalais en reprenant sa place, Madame d��jeunera bien sans moi.
-- Oh! Montalais, vous serez punie, r��pondit l'autre jeune fille en s'asseyant tout doucement �� la sienne.
-- Punie! ah! oui, c'est-��-dire priv��e de promenade; c'est tout ce que je demande, que d'��tre punie! Sortir dans ce grand coche, perch��e sur une porti��re; tourner �� gauche, virer �� droite par des chemins pleins d'orni��res o�� l'on avance d'une lieue en deux heures; puis revenir droit sur l'aile du chateau o�� se trouve la fen��tre de Marie de M��dicis, en sorte que Madame ne manque jamais de dire: ?Croirait-on que c'est par l�� que la reine Marie s'est sauv��e... Quarante-sept pieds de hauteur!... La m��re de deux princes et de trois princesses!? Si c'est l�� un divertissement, Louise, je demande �� ��tre punie tous les jours, surtout quand ma punition est de rester avec vous et d'��crire des lettres aussi int��ressantes que celles que nous ��crivons.
-- Montalais! Montalais! on a des devoirs �� remplir.
-- Vous en parlez bien �� votre aise, mon coeur, vous qu'on laisse libre au milieu de cette cour. Vous ��tes la seule qui en r��coltiez les avantages sans en avoir les charges, vous plus fille d'honneur de Madame que moi-m��me, parce que Madame fait ricocher ses affections de votre beau-p��re �� vous; en sorte que vous entrez dans cette triste maison comme les oiseaux dans cette tour, humant l'air, becquetant les fleurs, picotant les graines, sans avoir le moindre service �� faire, ni le moindre ennui �� supporter. C'est vous qui me parlez de devoirs �� remplir! En v��rit��, ma belle paresseuse, quels sont vos devoirs �� vous, sinon d'��crire �� ce beau Raoul? Encore voyons-nous que vous ne lui ��crivez pas, de sorte que vous aussi, ce me semble, vous n��gligez un peu vos devoirs.
Louise prit son air s��rieux, appuya son menton sur sa main, et d'un ton plein de candeur:
-- Reprochez-moi donc mon bien-��tre, dit-elle. En aurez-vous le coeur? Vous avez un avenir, vous; vous ��tes de la cour; le roi, s��il se marie, appellera Monsieur pr��s de lui; vous verrez des f��tes splendides, vous verrez le roi, qu'on dit si beau, si charmant.
-- Et de plus je verrai Raoul, qui est pr��s de M. le prince, ajouta malignement Montalais.
-- Pauvre Raoul! soupira Louise.
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