comme dans une souricière. 
--Après sa grimace, il n'a rien soufflé? 
--Si, il a dit que si quelque chose pouvait le consoler de la marque de méfiance dont il 
était l'objet, c'était d'avoir à jouir de la société du général Labor, que la comtesse lui avait 
annoncé être le plus séduisant des hommes. 
--Séduisant! la comtesse lui a dit séduisant? fit Labor en se rengorgeant. 
--Parbleu! encore une que la vérité étouffe. Il faut que ça lui parte! affirma Barnabé, 
superbe d'aplomb. 
--A-t-il fait son choix? 
--Ah! vous avez un rude nez, général, et vous flairez juste... laissez-moi vous le dire sans 
basse flagornerie... il a précisément choisi ceux que vous aviez devinés. Les trois 
serviteurs venus avec lui et la Gervaise. 
--Alors je puis expulser du château tout le reste du personnel? 
--Quand vous voudrez. 
Une heure après, le château de la Brivière était sous la garde des hussards. Ils en avaient 
fait sortir les nombreux domestiques qui, à l'arrivée de madame de Méralec, avaient été 
choisis par son fidèle métayer. 
Au moment où ceux-ci s'éloignaient par la grande porte du château, le Marcassin se 
présentait à une poterne de service qui lui était habituelle. 
--Au large! lui cria le hussard démonté, qui était de faction à cette issue. 
Cardeuc s'arrêta net sur place sans rien demander, son regard sombre et cruel fixé sur le 
soldat. Puis, devinant qu'à toute porte où il se présenterait il trouverait pareil accueil, il 
s'éloigna de son pas lent et lourd en murmurant:
--Labor a-t-il éventé la mèche? 
 
II 
Transportée par Lambert et Fichet sur le fauteuil où elle était évanouie, la comtesse avait 
été couchée, dans le boudoir, sur un long sopha, servant de lit de repos. 
En plus de la porte ouvrant sur un large vestibule, le boudoir était desservi par une autre 
porte que le comte de Méralec se hâta d'aller ouvrir. Elle donnait sur une chambre, 
entourée d'armoires, qui servait de lingerie. Une chaise et une petite table à ouvrage, 
placées près d'une fenêtre, attestaient que c'était là que, tout en se livrant à des travaux 
d'aiguille, la dame de compagnie de la comtesse devait se tenir aux ordres de sa 
maîtresse. 
Son inspection faite, le comte revint à Lambert et Fichet en leur disant: 
--J'ai à causer avec la chère comtesse; vous allez donc, mes braves, vous installer dans le 
vestibule, avec la consigne de ne laisser entrer personne, sauf l'ami Fil-à-Beurre. Si 
quelqu'un, le général Labor par exemple, se présentait, vous répondriez que la comtesse, 
remise de son émotion, a demandé qu'on la laissât un peu reposer... Vous me comprenez? 
--Que je n'ai pas la compréhension obstruée, répliqua Fichet, qui s'en alla suivi de 
Lambert. 
Le comte, alors, s'adressant au troisième de ses compagnons: 
--Vous, mon cher lieutenant, dit-il, soyez assez bon pour vous établir dans la lingerie. Si 
la faction doit être longue, j'espère qu'elle ne vous sera pas désagréable, car certaine 
petite table que je viens de voir dans cette pièce, me prouve que vous ne tarderez pas à y 
recevoir une gentille visite. 
Ce disant, le comte, dont les yeux étaient fixés sur sa femme, guettant si elle reprenait ses 
sens, avait pris le bras du lieutenant pour le pousser doucement vers la lingerie. En 
sentant une résistance à sa pression, il leva la vue sur son compagnon. 
--Qu'avez-vous donc, Vasseur? Vous êtes pâle comme un mort! dit-il vivement. 
En effet, Vasseur, le regard braqué sur la comtesse évanouie, les traits contractés, les 
lèvres frémissantes, était en proie à une violente émotion. 
--Meuzelin, balbutia-t-il avec effort, je connais cette femme. Sa vue évoque en moi de 
bien terribles souvenirs. 
--Chut! chut! souffla Meuzelin; alors, c'est une raison pour qu'elle ne vous voie pas 
devant elle quand elle retrouvera ses sens. Tout vient à point, lieutenant. Plus tard, vous 
me conterez votre histoire.
Tout en conduisant Vasseur vers la porte de la lingerie, il continua: 
--Il est important que je me trouve seul avec madame de Méralec. Vous n'apparaîtrez qu'à 
mon appel. 
Quand il eut refermé la porte sur le lieutenant, Meuzelin vint s'asseoir auprès du lit de 
repos et, bien tranquillement, il attendit que la comtesse eût retrouvé ses esprits. 
L'attente, du reste, ne fut pas longue. Bientôt un faible mouvement annonça le retour de 
la comtesse à la vie. Deux minutes après, elle se releva péniblement sur son séant. En 
même temps qu'elle cherchait à rassembler ses idées indécises, elle promena autour d'elle 
un regard encore vague. 
Alors ses yeux s'emplirent brusquement d'épouvante lorsqu'ils s'arrêtèrent sur le gros 
homme assis près d'elle, dont la vue lui rappela ce qui s'était passé. 
--Eh bien, ma chère Clotilde, vous vous trouvez donc mieux? dit la voix railleuse de 
Meuzelin. 
Les dents claquantes, frissonnante de tout son corps, elle resta muette, anéantie par la 
terreur. 
--Tudieu! reprit    
    
		
	
	
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