mesaise ainçois 
qu'il prie,
Tel honte a de dire son dit,
Et si redoute l'escondit.
Mès 
quant ung tel en a trové,
Qu'il a tant ainçois esprové,
Que bien est 
certain de s'amor,
Faire li vuet joie et clamor
De tous les cas que 
penser ose,
Sans honte avoir de nule chose:
Car comment en 
auroit-il honte,
Se l'autre est tex cum ge te conte?
Quant son segré 
dit li aura,
Jamès li tiers ne le saura; 
[p.45] 
Qu'il n'est fortune qui l'émeuve, 4957
Et que toujours même le treuve,
Ou riche ou pauvre, son ami
Qui tretout en lui son coeur mit.
A 
pauvreté s'il le voit tendre,
Il ne doit pas une heure attendre
Qu'il 
soit venu le supplier,
Car bonté qui se fait prier
Serait trop 
chèrement vendue
Aux coeurs qui sont de grand' value. 
 
XXXV 
Cy est le Souffreteux devant
Son ami vrai, le requérant
De soulager 
sa grand' misère,
Partageant sa fortune entière.
Bien dur est à l'homme vaillant
De demander en suppliant.
Moult il 
y pense et se soucie,
Moult a mésaise avant qu'il prie,
Tout honteux 
de dire son dit,
Toujours tremblant d'être éconduit.
Mais si l'amour 
qu'il a trouvée
Lui fut de longtemps éprouvée,
S'il est bien certain 
de ce coeur,
Il lui fait part, peine et douleur,
De tout ce que penser il 
ose,
Sans honte avoir de nulle chose.
Car de quoi serait-il honteux
Si l'autre est tel que je le veux?
Si son secret il lui confie,
Son 
âme ne sera trahie, 
[p.46] 
Ne de reproiches n'a-il garde, 4973
Car saiges homs sa langue garde:
Ce ne sauroit mie ung fox faire:
Nus fox ne scet sa langue taire.
Plus fera: il le secorra
De tretout quanques il porra,
Plus liés du 
faire, au dire voir,
Que ses amis du recevoir.
Et s'il ne li fait sa 
requeste,
N'en a-il pas mains de moleste
Que cil qui la li a requise,
Tant est d'amors grant la mestrise;
Et de son duel la moitié porte,
Et de quanqu'il puet le conforte,
Et de la joie a sa partie,
Se l'amor 
est à droit partie.
Par la loi de ceste amitié,
Dit Tulles dans un sien 
ditié,
Que bien devons faire requeste
A nos amis, s'ele est 
honneste[15];
Et lor requeste refaison,
S'ele contient droit et raison;
Ne doit mie estre autrement fete,
Fors en deus cas qu'il en excepte:
S'en les voloit à mort livrer,
Penser devons d'eus délivrer;
Se l'en 
assaut lor renomée,
Gardons que ne soit diffamée.
En ces deus cas 
les lois deffendre,
Sans droit et sans raison atendre:
Tant cum amor 
puet escuser,
Ce ne doit nus homs refuser.
Ceste amors que ge ci 
t'espos,
N'est pas contraire à mon propos; 
[p.47] 
Il ne craint nul reproche amer. 4987
Sa bouche un sage sait fermer,
C'est ce que fol ne saurait faire,
Car fol ne sait sa langue taire.
Bien 
plus, son ami l'aidera
Toujours autant qu'il le pourra,
Plus heureux 
de service rendre
Mille fois que l'autre de prendre.
Et s'il ne peut le
soulager,
Autant le voit-on s'affliger
Que celui même qui demande,
Tant la vertu d'amour est grande!
S'ils s'aiment d'une égale ardeur,
Chacun a sa part de bonheur,
Sa moitié de peine supporte
Et l'un 
l'autre se réconforte.
Telle est la loi de l'amitié.
Ainsi Tulle l'a 
publié:
A ses amis faire requête
Chacun doit quand elle est honnête,
Comme à la leur se montrer bon
Si l'on y voit droit et raison[15].
Entre amis aucune requête
Ne saurait être autrement faite,
Hormis 
en deux cas cependant
Qu'il en excepte absolument.
Attaque-t-on 
leur renommée?
Gardons qu'elle soit diffamée.
Les voudrait-on à 
mort livrer?
Nous les devons tôt délivrer.
En ces cas il les faut 
défendre
Sans droit ni sans raison attendre;
Car nul ne s'y peut 
refuser,
Amour ne saurait l'excuser. 
[p.48] 
Ceste voil-ge bien que tu sives, 5007
Et voil que l'autre amor eschives;
Ceste à toute vertu s'amort,
Mais l'autre met les gens à mort. 
D'une autre amor te vuel retraire
Qui est à bonne amor contraire,
Et 
forment refait à blasmer;
C'est fainte volenté d'amer
En cuer 
malades du meshaing
De convoitise de gaaing.
Ceste amor est en 
tel balance,
Si-tost cum el pert l'esperance
Du proufit qu'ele vuet 
ataindre,
Faillir li convient et estaindre;
Car ne puet bien estre 
amoreus
Cuer qui n'aime les gens por eus;
Ains se faint et les vet 
flatant
Por le proufit qu'il en atent.
C'est l'amor qui vient de fortune,
Qui s'esclipse comme la lune
Que la terre obnuble et enumbre,
Quant la lune chiet en son umbre;
S'a tant de sa clarté perduë,
Cum 
du soleil pert la véuë;
Et quant ele a l'umbre passée,
Si revient toute 
enluminée
Des rais que li soleil li monstre,
Qui d'autre part reluist 
encontre.
Ceste amor est d'autel nature,
Car or est clere, or, est 
oscure;
Si-tost cum povreté l'afuble
De son hideus mantel onuble, 
[p.49]
Cet amour qu'ici je t'expose 5021
A ma sentence rien n'oppose.
Tel 
est l'amour que tu suivras
Tandis que l'autre éviteras;
Car l'un à la 
vertu nous guide,
L'autre vers une mort rapide.
Voici maintenant à 
son tour,
Encontre ce parfait amour,
Un amour honteux et blâmable.
C'est la fausseté méprisable
Des coeurs dont l'unique tourment
Est d'amasser incessamment.
Cet amour est de telle essence,
Que 
sitôt qu'il perd l'espérance
Du profit qui le caressait,
Il s'évanouit 
tout à fait.
Seul le véritable ami n'aime
L'objet aimé que pour 
lui-même,
Jamais ne feint, ne va flattant
Pour le profit qu'il en 
attend.
C'est l'amour vil de la fortune
Qui s'éclipse comme la lune;
Quand celle-ci l'ombre franchit
De la terre, elle s'obscurcit,
Car 
sa clarté toute est perdue
Du soleil en perdant la vue;
Et lorsque 
l'ombre elle a passé,
Son front    
    
		
	
	
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