sur coup et la douleur le rendait 
muet; il ne savait à quel saint se vouer. Pour ne pas en entendre 
davantage, il se traîna jusque dans l'eau et se laissa emporter par le
courant jusque sur l'autre rive. Là, il s'étendit, malade et désespéré; et, 
se plaignant tout haut, il se disait: «Que ne suis-je mort! Je ne puis pas 
marcher et il me faut retourner à la cour, et me voilà retenu ici de la 
façon la plus ignominieuse par la perfidie de Reineke. Si je m'en tire 
jamais la vie sauve, je l'en ferai certainement repentir.» Pourtant il se 
releva, se traîna avec d'atroces douleurs pendant quatre jours et arriva 
enfin à la cour. 
Lorsque le roi aperçut l'ours en si piteux état: «Grand Dieu! s'écria-t-il, 
est-ce Brun que je vois? Qui l'a maltraité ainsi?» Et Brun répondit: «Ce 
que vous voyez est lamentable, en effet; voilà dans quel état m'a mis 
l'infâme trahison de Reineke!» Alors le roi, tout en colère, dit: «Je 
tirerai une vengeance impitoyable de cet attentat. Un seigneur comme 
Brun serait ainsi joué par Reineke? Oui, je le jure, par mon honneur et 
par ma couronne, Reineke sera puni comme Brun a le droit de l'exiger. 
Si je ne tiens pas ma parole, je ne porte plus d'épée, j'en fais le 
serment!» 
Le roi ordonne au conseil de se rassembler; il eut à discuter et à fixer 
sur le champ le châtiment de tant de crimes. Tous furent d'avis, en tant 
qu'il plairait au roi, qu'il fallait encore enjoindre à Reineke de 
comparaître pour se défendre contre ses accusateurs et que Hinzé le 
chat porterait sur-le-champ ce message à Reineke, à cause de sa 
souplesse et de sa prudence. Tel fut l'avis général. 
Et le roi, entouré de ses pairs, dit à Hinzé: «Fais bien attention 
{REPLACEMENT CHARACTER} l'avis de ces seigneurs! Si Reineke 
se fait citer une troisième fois, lui et toute sa race s'en repentiront 
éternellement; s'il est sage, il viendra à temps. Pénètre-le bien de cette 
idée; il mépriserait tout autre messager; mais de toi il acceptera ce 
conseil.» 
Hinzé répliqua: «Que cela tourne en bien ou en mal, une fois que je 
serai arrivé près de lui, comment dois-je m'y prendre? Ma foi, vous 
ferez ce que vous voudrez, mais je crois qu'il vaudrait mieux envoyer 
tout autre à ma place; je suis si petit! Brun l'ours, qui est si grand et si 
fort, n'a pas pu en venir à bout. Comment m'en tirerai-je? Oh! veuillez 
m'excuser.--Tu ne me persuades pas, répliqua le roi. Les petits hommes
ont une ruse et une sagesse qu'on ne trouve souvent pas dans les plus 
grands. Si tu n'es pas un péril par la taille, tu as, en revanche, de la 
prudence et de l'esprit.» 
Le chat obéit en disant: «Que votre volonté soit faite! Le voyage 
réussira si je vois un présage à main droite sur ma route.» 
 
TROISIÈME CHANT. 
Hinzé le chat avait déjà fait un bout de chemin, quand il aperçut de loin 
un merle: «Noble oiseau, lui cria-t-il, je te salue. Oh! dirige tes ailes 
vers moi et viens voler à ma droite!» L'oiseau vola et vint chanter sur 
un arbre à la gauche du chat. Hinzé en fut tout contrit; il y voyait un 
présage du malheur. Mais il se donna du courage comme on fait 
d'ordinaire. Il continua son chemin vers Malpertuis, où il trouva 
Reineke assis devant la maison; il le salua et lui dit: «Que Dieu vous 
accorde une heureuse soirée! Le roi vous menace de la peine capitale si 
vous refusez de m'accompagner à la cour; de plus, il vous fait dire de 
répondre à vos accusateurs, sous peine de voir toute votre famille en 
pâtir.» Reineke lui dit: «Soyez le bienvenu ici, mon très-cher neveu! 
Que le Seigneur vous bénisse selon mes souhaits!» Mais le traître n'en 
pensait pas un mot dans son coeur; il tramait de nouvelles ruses et 
songeait à renvoyer encore ce messager honteusement bafoué à la cour. 
Il appelait le chat toujours son neveu et lui disait: «Mon neveu, quelle 
nourriture préférez-vous? On dort mieux après dîner, je suis l'hôte 
aujourd'hui; demain matin, nous irons {REPLACEMENT CHARACTER} 
la cour tous les deux, cela s'arrange bien ainsi. Je ne connais aucun de 
mes pareils en qui j'aie plus de confiance que vous. Car ce glouton 
d'ours est venu à moi avec un air plein de morgue; il est fort et irritable, 
et pour beaucoup je n'aurais pas risqué le voyage avec lui. Mais 
maintenant, cela va sans dire, je suis heureux d'aller avec vous. Demain 
matin, nous partirons de bonne heure; je crois que c'est ce qu'il y a de 
mieux à faire.» 
Hinzé repartit: «Il vaudrait mieux partir tout de suite pendant que nous 
y sommes. La lune brille    
    
		
	
	
	Continue reading on your phone by scaning this QR Code
	 	
	
	
	    Tip: The current page has been bookmarked automatically. If you wish to continue reading later, just open the 
Dertz Homepage, and click on the 'continue reading' link at the bottom of the page.