peuples qu'il hait,
Il n'est soin ny 
devoir qu'il ne vueille vous rendre,
Et de fortes raisons (que vous 
allez apprendre,)
Dans vos seuls interests l'engagent tellement,
Qu'il 
fait ses ennemis des vostres seulement:
Un Prince incomparable, & 
dont l'illustre vie,
A vos yeux ses vainqueurs fut tousiours asservie,
Et qui jusqu'au trepas constant en son Amour,
Ne regretta que vous 
quand il perdit le jour,
Eut long temps la fortune à ses voeux 
favorable;
Mais se fier en elle est bastir sur le sable.
Ce Prince 
malheureux vit son Trosne envahy,
Il fut de ses sujets abandonné, 
trahy,
Et reduit à la fin de quitter une Terre,
Où tout sembloit 
d'accord à luy faire la guerre,
Il fonda sur les flots l'espoir de son salut,
N'ayant plus qu'un vaisseau de tant d'autres qu'il eût, Sa galere en ces 
mers tombant dans nostre Armée,
Se vit en un moment des nostres 
enfermée,
Mais luy loing de ceder à l'ennemy plus fort,
De vos 
meilleurs soldats se fit craindre d'abord,
Et fit seul contre nous en sa 
seule galere,
Ce que le Dieu de Trace en sa place eust peu faire,
Repoussant plusieurs fois de son bord investy,
Les nombreux 
ennemis de son foible party.
Orosmane ravy de sa rare vaillance,
Fait cesser le combat; vers ce guerrier s'avance;
Luy presente à la fois, 
& la paix, & la main,
Et ne reçoit de luy que fierté, que dédain,
Il 
offence Orosmane; il l'attaque, il le presse,
De tout ce qui luy reste; & 
de force, & d'adresse;
Irrite son courroux par son sang repandu:
Mais foible par celuy qu'il a déja perdu,
Enfin il tombe aux pieds 
d'Orosmane invincible,
Et trouva son vainqueur à son malheur 
sensible,
Il s'appelloit Alcandre.
ELISE. 
Helas! il est donc mort,
Alcandre? mon Alcandre. 
SEBASTE. 
Il a changé de sort. 
ELISE. 
Et le fier Orosmane est meurtrier d'Alcandre? 
SEBASTE. 
Il se croiroit heureux, s'il pouvoit vous le rendre. 
ELISE. 
Helas! 
SEBASTE. 
Alcandre donc ce Prince malheureux,
Expirant, conjura son 
vainqueur genereux,
Son vainqueur, qu'il voyoit pres de luy tout en 
larmes, Maudire; mais trop tard, ses trop heureuses Armes,
De vous 
offrir son bras, sa flotte, & son pouvoir,
Et d'appaiser par là son juste 
desespoir,
De voir ainsi finir son Amour, & sa vie,
Dans un temps 
où peut-estre il vous auroit servie,
Et c'est d'où sont venus les soins 
officieux,
D'un guerrier sans pareil qui vous est odieux;
Mais sur 
qui vous regnez; en qui revit Alcandre,
Qui voudroit comme luy pour 
vous tout entreprendre,
Et de qui la valeur ne veut point d'autre prix,
Que la gloire d'avoir pour vous tout entrepris, 
ELISE. 
Ha plustost qu'un Barbare ait part en mon estime,
Un Corsaire 
Insolent qui me propose un crime,
Plustost que d'attirer le reproche
eternel,
D'armer en ma faveur un bras si criminel,
Que les plus 
grands malheurs que l'on craint sur la Terre, Me fassent sans relasche 
une cruelle guerre,
Que ces mesmes Tyrans, dont trop officieux
Il 
m'offre d'abaisser l'orgueil ambitieux,
Exercent contre moy toute la 
violence,
Qu'inspire à des sujets une aveugle insolence:
Hé que 
peut-il me rendre apres m'avoir osté,
Le seul bien qui manquoit à ma 
félicité? 
SEBASTE. 
Orosmane sçait bien que vous estes gesnée,
Dans la libre action du 
choix d'un himenée,
Qu'il vous fait perdre Alcandre un amant 
genereux,
De qui le seul defaut fut d'estre malheureux;
Que tout son 
sang versé, toute sa flotte offerte,
Peut reparer à peine une si grande 
perte. 
ELISE. 
Et sçait-il que mon coeur ne peut trop détester,
Celuy qui m'oste 
Alcandre, & s'en ose vanter;
Veut-il du sang encore apres celuy 
d'Alcandre,
Et m'offre-t'il le fer qui vient de le repandre? 
SEBASTE. 
Orosmane.... 
ELISE. 
Ostez vous estranger odieux,
Ce qui vient d'Orosmane est horrible à 
mes yeux,
Ha ne les ouvrons plus que pour verser des larmes,
Renonçons pour jamais aux objets pleins de charmes,
Donnons nous 
toute entiere à nos tristes ennuis,
Et faisons de nos jours des éternelles 
nuicts.
C'estoit donc de nos feux la trompeuse esperance,
C'est donc 
ce que le Ciel gardoit à sa constance,
Dans un temps où son bras 
secondant sa valeur,
Estoit prest d'establir nostre commun bon-heur;
De luy rendre un Royaume usurpé par mon Pere,
Et de me
conserver la Cypre hereditaire?
Ne viens donc plus espoir, de tes 
trompeurs appas,
Adoucir des tourmens que tu ne gueris pas,
Puisque je pers Alcandre, & que je le veux suivre,
Dequoy peux tu 
servir à qui ne veut plus vivre?
Oüy bientost dans le Ciel où tu vis 
loin de moy,
Je t'y joindray bien-tost pour n'estre plus qu'à toy,
Belle ame qui quittas, & fis tout pour Elise,
Et seule eus le pouvoir 
d'asservir sa franchise. 
SCENE V. 
ELISE, ALCIONNE. 
ELISE. 
O ma soeur! vous voyez mes yeux moüillez de pleurs,
Ils ne sont 
point causez par nos communs malheurs.
J'ay pleuré comme vous une 
perte commune;
Mais le Ciel ennemy me cause une infortune,
A 
moy seule funeste, à moy seule à pleurer,
Et que tout son pouvoir ne 
sçauroit reparer. 
ALCIONNE. 
Le sujet de vos pleurs ne se peut-il apprendre;
Et le temps, & la part 
qu'une soeur y peut prendre,
Une soeur qui voudroit tous vos maux 
partager,
Ne pourront-ils du moins vostre esprit soulager; 
ELISE. 
Le temps, & la raison quand on pert ce qu'on aime,
Servent de peu de 
chose    
    
		
	
	
	Continue reading on your phone by scaning this QR Code
 
	 	
	
	
	    Tip: The current page has been bookmarked automatically. If you wish to continue reading later, just open the 
Dertz Homepage, and click on the 'continue reading' link at the bottom of the page.
	    
	    
