un peu godiche, mais 
intelligente, agréable, de commerce facile et qu'on appelait la comtesse 
Floche. 
La comtesse Floche aimait surtout son propre corps, ses aises, son 
bien-être quotidien et sa bourse. Ce fut à elle, cependant, qu'Avertie 
demanda de l'accompagner. 
--Comment, chère Avertie, s'écria Floche pressentie, vous voulez 
m'emmener en voyage? Mais vous ne savez pas quel paquet je suis! 
Une vraie empotée, et si avare avec cela... Et, ma malle, comment la 
faut-il? En ai-je seulement une de convenable? Et puis, vous serez 
obligée de me faire une liste des choses à emporter. Je n'ai jamais 
voyagé, vous savez!
--En effet, vous n'en avez pas l'air! répondit Avertie, en riant. 
Pendant que celle-ci roulait dans son fiacre, en pensant au colis 
supplémentaire qu'en la personne de Floche elle s'était 
imposé--volontairement,--l'autre, dans son entresol élégant, 1, rue 
Gauthier-Villars, se reposait, mollement étendue sur son divan, dans la 
soie des coussins amoncelés. Une cigarette blonde au bout de ses doigts 
gothiques et soignés, elle restait inquiète et un peu tremblante. 
Malgré le vif plaisir qu'elle se promettait de ce voyage, elle avait peur 
aussi de la compagnie d'Avertie. Sa famille, un peu verjus, la lui avait 
souvent dépeinte autoritaire, despote, intransigeante et d'une santé 
intrépide! La crainte de ne pouvoir se reposer à son aise, de temps en 
temps, la tourmentait et, par-dessus tout, celle de tant d'argent qu'il lui 
faudrait dépenser. Mais le plaisir et la vanité de ce qu'Avertie, cette 
amie si particulière, l'eût choisie comme compagne de voyage, elle, 
entre tant d'autres, chassa vite ses appréhensions. 
Elle fit une liste de tout ce qu'elle avait à lui demander, alla mettre son 
chapeau et courut la rejoindre pour parler de leur projet. 
--Ah! vous êtes chez vous! quelle chance! j'ai tant à causer pour ce 
voyage! D'abord, j'ai trouvé une malle. À présent, que faut-il mettre 
dedans? 
--Le moins possible, répondit Avertie. Le nécessaire, tout juste: une 
robe du soir, un bouquet pour vos seins, vos perles, un peu de linge, 
une boule d'eau chaude en caoutchouc, et de bonnes chaussures... 
--Et ma pharmacie? 
--Comment, votre pharmacie? 
--Ah! ma chère, voilà que déjà vous faites une tête sévère, mais vous ne 
savez pas ce qu'il faut pour un vieux corps comme le mien! Mes 
sachets, mes bains de bouche, mon Eau mère... 
Avertie, qui a prêté une oreille distraite:
--Tout ça c'est des bêtises. Que votre bagage soit ordinaire, solide et 
fermant bien. Puis, ayez une bonne valise dans laquelle vous mettrez 
vos objets de toilette les plus simples, en toc... en celluloïd, c'est plus 
léger--et surtout pas d'étalage d'argenterie, de nécessaire, comme vous 
m'en encombrez dans vos déplacements à la campagne. Ces élégances 
sont bonnes pour les voyages de noces quand le mari, tout frais, les 
porte ou le valet de pied! 
--Mais... vous me parlez de valise, comme si j'en avais! 
--Et les boutiques pourquoi sont-elles faites? 
--Oh! c'est très cher, une valise!... Mon fils Melchior pourrait me prêter 
la sienne,... c'est une sorte de vieux «panier pique-nique» dont j'ôte 
l'intérieur quand il va chez ses petits amis Grandaim... 
--Non, voyons! ce n'est vraiment pas convenable pour une comtesse si 
raffinée! Faites donc le sacrifice d'une bonne valise. Venez, je vous 
emmène retenir les billets du sleeping et acheter le bag. 
Dans la voiture de Floche, qui les conduisait vers le centre de Paris, 
celle-ci gardait le silence et Avertie combinait le voyage sur un carnet. 
--Croyez-vous vraiment indispensable de passer la nuit en sleeping? 
demanda timidement Floche. J'ai une idée... peut-être 
l'approuverez-vous? Je voudrais renoncer au sleeping; ça coûte bien un 
supplément d'une quarantaine de francs, cette affaire-là? Eh bien, j'aime 
mieux les mettre à l'achat de ma valise. Si vous saviez combien 
facilement je me passe de sommeil! Dormir? mais, pour une nuit, on 
peut aussi bien ne pas dormir!... J'en ai vu bien d'autres du temps de 
mon pauvre mari! Une nuit, c'est si vite passé, surtout en chemin de fer 
et mal couchée... Tandis que la valise, c'est une bonne affaire de faite 
pour toute la vie... 
Avertie la laissait parler d'abondance, la sentant humble et craintive, 
malgré son verbiage; elle la regardait goguenarde. «En effet, 
pensait-elle, elle peut supporter une nuit de «noyaux de pêches» en 2e 
classe!»
Floche, qui prétendait descendre de Louis le Gros par les femmes, était 
mince de taille, mais replète, avec une gorge haute et abondante, des 
hanches contraintes dans le corset «de la Doctoresse»..., bref d'un 
ensemble rempli de grâce potelée, et de race tout de même. 
Chez Cook, on se fit délivrer les billets et organiser l'itinéraire--aller et 
retour Venise, Milan, le Gothard, etc... Elles attendirent longtemps, 
déjà un peu en voyage, entourées d'un monde hétéroclite et polyglotte, 
debout comme dans un bar. 
--Savez-vous où nous descendrons à Venise? demanda Floche. Vos 
amis américains qui y habitent vous    
    
		
	
	
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