Le Tour du Monde; Californie | Page 8

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avant fait balle, il fut littéralement coupé en deux. Après l'avoir mesuré, nous p?mes constater sa longueur, qui dépassait quatre pieds deux pouces. Je lui coupai la queue à laquelle était adaptée une douzaine de petits grelots d'écaille, qui rendaient un son sec quand ils étaient mis en mouvement; c'est ce que l'on appelle vulgairement la sonnette du serpent.
[Illustration: Un claim ou atelier de mineur.--Dessin de J. Pelcoq d'après les Reports of explorations.]
Il para?trait que, sans y faire attention, j'avais fait entrer ce serpent dans mon sac de campement, chose facile à cette époque de l'année où ils sont engourdis par le froid et roulés sur eux-mêmes.
Dans ces contrées, nous avions encore un autre genre d'ennemi à craindre, qui n'avait pas besoin d'être introduit dans le logis, et qui savait bien y venir sans invitation, si l'on oubliait de fermer sa porte. Un certain soir de dimanche, comme je travaillais dans mon jardin, car je ne m'occupais de sa culture que tous les septièmes jours, je vis l'ombre d'une bête ressemblant à notre loup cervier d'Europe, et bondissant hors de ma case pour regagner la forêt; ayant saisi mon fusil que j'avais près de moi, je le déchargeai sur l'animal qui, se sentant piqué par le plomb, lacha un dindon sauvage que j'avais tué la veille tout en travaillant à mon claim; c'était un coyotte, animal très-commun dans ces contrées; il r?de constamment autour des placers pour se nourrir des détritus de toute sorte que les mineurs jettent sur la voie.
.... On m'avait souvent parlé d'un marais très-giboyeux qui devait se trouver à six milles au sud de Nevada-City. Je fus tenté d'aller le visiter, et comme je venais de faire l'acquisition d'un mulet, en prévisions des longues excursions que je projetais, je résolus d'emmener avec moi cet animal pour faire l'essai de ses qualités.... ou de ses défauts.
Ma peau d'ours ployée en quatre me fit un bat des plus confortables, que je fixai sur le dos du quadrupède avec une sangle de la tente que mes coassociés avaient abandonnée à Grass-Valley lors de leur départ; je confectionnai un bridon et des étrivières par le même moyen. Dans cet équipage, je pris le chemin du marais, où je ne serais certes pas arrivé avant l'aube du jour sans la rencontre d'un mineur qui eut l'obligeance de me mettre dans mon chemin.
à cent mètres environ du bord, on apercevait dans la pénombre un buisson de roseaux sous lequel j'allai m'embusquer.
à chaque instant des canards et des sarcelles venaient effleurer mon visage de la pointe de leurs ailes; j'en abattis même plusieurs avec le canon de mon fusil; mais ce n'était point à la race emplumée que j'en voulais. Je visais à mieux que cela. De temps en temps, j'étais obligé de faire changer de place mon mulet, car le fond n'étant pas très-solide, je courais risque de le voir s'embourber, si je n'avais eu recours à cette précaution. Il y avait près de trois quarts d'heure que j'étais dans cette position, et le jour commen?ait déjà à para?tre, quand mon attention fut attirée par un bruit vague venant de la montagne à laquelle était adossé le marais; j'avais à peine eu le temps d'ajouter deux balles à celles qui étaient déjà dans mon fusil qu'une magnifique troupe de cerfs et de biches apparut sur la lisière de la forêt; à leur tête, à dix pas environ, marchait un superbe cerf dix cors, qui, s'arrêtant avec l'air inquiet, leva sa belle tête en l'air en reniflant; je compris à son inquiétude que j'avais été éventé, et dans la crainte de les voir rentrer sous bois, je fis feu de mes deux coups; je ne pus juger de leur effet, car je me sentis lancé dans l'espace et ne m'arrêtai qu'au fond du marais: c'était mon scélérat de mulet qui, effrayé par l'explosion de mon arme à feu, avait jugé à propos de faire un vigoureux écart et de se séparer de moi.
Aussit?t que j'eus pu me mettre sur mes pieds, je l'aper?us qui pointait vers la forêt; je me mis immédiatement à sa poursuite et pus enfin l'atteindre, grace à son bridon dans lequel il s'était pris une jambe, ce qui le for?ait à galoper sur les trois qui lui restaient libres.
Quoique je fusse couvert de vase et trempé jusqu'aux os, je me dirigeai à l'endroit de la forêt où m'avait apparu le troupeau et j'y trouvai avec une joie extrême un très-beau cerf étendu sur le sol, le flanc traversé par une de mes balles. C'était une fiche de consolation dans mon malheur; je fus plus vite consolé que séché, car mon amadou s'étant ressenti du bain forcé que je venais de prendre, je ne pus allumer de feu pour me sécher et je dus charger le soleil de ce soin.

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