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un équipage mal intentionné. Que deviendra le bâtiment, après une 
révolte qui l'aura mis dans les mains des matelots, éclairés alors sur la 
route qu'ils devront suivre pour attérir? Croyez-vous que, sans les 
difficultés qu'offre la conduite d'un navire en pleine mer, les rébellions 
et les actes de piraterie ne seraient pas plus fréquens qu'ils ne le sont, 
avec des équipages forcés de se soumettre, comme à une Providence, à 
la science que possèdent leurs officiers? On a bien souvent cherché à 
rendre, pour toutes les intelligences, les calculs de longitude aussi 
faciles que ceux de latitude; mais ne serait-ce pas un grand mal qu'une 
découverte qui mettrait, dans les mains des hommes les plus grossiers, 
les moyens de se diriger, sans le secours des chefs, dont il s n'auraient 
qu'à se défaire, pour pouvoir abuser de la liberté qu'ils auraient acquise 
par un crime, sur un élément où les malfaiteurs instruits sont si sûrs de 
l'impunité? N'est-ce pas, au contraire, par un effet de la Providence, que 
la science de l'homme de mer n'a été rendue accessible qu'aux hommes 
qui, en s'instruisant pour l'acquérir, ont été à même de se pénétrer de 
ces principes d'ordre, que l'étude fait presque toujours aimer ou 
respecter? 
Quand on manoeuvre à bord d'un navire, les passagers doivent éviter 
avec soin de ne pas gêner les matelots. Ce qu'ils ont de mieux à faire 
dans ces circonstances importantes, c'est de se retirer dans leurs
chambres, ou de se tenir dans les parties du pont où leur présence peut 
devenir le moins importune. En général le rôle des passagers à bord 
doit être tout passif. Personne n'est plus jaloux que les marins, de 
l'autorité et de la profession qu'ils exercent; c'est une espèce de 
sacerdoce que leur métier, et ils éloignent autant qu'ils le peuvent, les 
profanes, du sanctuaire. Si jamais vous naviguez, vous vous ferez une 
idée du souverain mépris qu'ils ont pour toutes ces manières de 
femmelette qui réussissent si bien à terre dans vos salons. Ces hommes, 
habitués à régner sur la mer, sentent toute leur puissance, et ils 
cherchent rarement à en abuser quand vous semblez la reconnaître; ils 
se contentent de mépriser vos airs coquets, et les terreurs que vous 
inspire, au moindre mauvais temps, l'élément avec lequel ils jouent: 
aussi, avisez-vous de montrer du coeur, de la dureté dans le mauvais 
temps même, cherchez, s'il est possible, à vous rendre utile, et vous les 
verrez s'apprivoiser avec vous, et vous témoigner de l'intérêt, 
fussiez-vous une femme. Mais pour peu que vous pâlissiez quand ils 
vous ont assuré qu'il n'y a rien à craindre, ils vous prendront en 
aversion et jetteront sur vous un de ces sobriquets qu'ils savent 
appliquer, avec tant de méchanceté et de justesse, sur toutes les 
physionomies qui leur déplaisent; et il n'est pas d'hommes qui 
réussissent mieux qu'eux à trouver de ces noms ridicules qui s'attachent, 
comme une lèpre, à la tournure ou à la figure d'un individu. Il est, dans 
la marine militaire, des officiers qui n'ont jamais pu se dépêtrer des 
qualifications grotesques que leurs matelots avaient su lancer sur eux, 
comme un sort, et qui les ont accompagnés dans toute leur carrière, 
quelque brillante et quelque glorieuse qu'elle soit devenue. 
Un navire, que j'ai connu, se perdait coulant bas d'eau à la suite d'une 
tempête: il fallut s'embarquer dans la chaloupe et la mer était 
très-grosse: on se compte; l'embarcation ne peut contenir que l'équipage 
et deux passagers. Quels passagers laisserons-nous embarquer? 
demande le capitaine. Ce vieux monsieur, répond un matelot, et cette 
brave dame.--Pourquoi cette dame, plutôt que l'officier de troupe que 
nous avons à bord?--Parce que cette dame a montré du coeur comme un 
homme, et que cet ancien officier a eu peur comme une femme... Le 
malheureux officier fut laissé sur le pont, à la place même où il avait eu 
de la peine à se traîner, tant son effroi avait été grand pendant la
tempête. 
Mille exemples de la sorte prouveraient, au besoin, la bienveillance que 
conçoivent les marins pour les personnes chez lesquelles ils rencontrent, 
à la mer, un courage et une résolution qui s'accordent avec l'intrépidité 
qu'ils trouvent en eux-mêmes dans les momens de péril. 
Les passagers, en général, se montrent trop disposés à se familiariser 
avec les gens de l'équipage, et c'est un tort; car fort souvent ces 
hommes, dont l'originalité a quelque chose de si attrayant pour les 
personnes qui ne les connaissent pas, finissent par abuser de la 
familiarité qu'on a contractée avec eux. Rarement ils se montrent 
cependant quêteurs ou exigeans; l'habitude de mendier leur est même 
tout-à-fait étrangère, et elle ne conviendrait pas à leur rudesse, qui n'est 
pas d'ailleurs sans fierté. Mais, pour la plupart, ils sont enclins à 
prendre un ton inconvenant avec ceux qui semblent avoir oublié leur 
rang,    
    
		
	
	
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