le pouvaient
guider dans la poursuite des meurtriers; malheureusement, ces
informations étaient bien vagues. Les voleurs étaient au nombre de sept,
et, contre l'habitude des bandits siciliens, portaient, pour plus grande
sécurité sans doute, un masque sur leur visage. Parmi les sept bandits, il
y en avait un si petit et si mince que le blessé pensait que celui-là était
une femme. Quand le jeune comte eut été tué, l'un des bandits
s'approcha du cadavre, le regarda attentivement, puis, faisant signe au
plus petit et au plus mince de ses camarades de venir le joindre:--Est-ce
bien lui? demanda-t-il.--Oui, répondit laconiquement celui auquel était
adressée cette question. Puis tous deux se retirèrent à l'écart, causèrent
un instant à voix basse, et sautant sur des chevaux qui les attendaient
tout sellés et tout bridés dans l'angle d'une roche, ils disparurent,
laissant aux autres bandits le soin de visiter les poches et le
portemanteau du jeune comte; ce dont ils s'acquittèrent religieusement.
Quant au blessé, il avait fait le mort; et comme, en sa qualité de
domestique, on le supposait naturellement moins chargé d'argent que
son maître, les bandits l'avaient visité à peine, satisfaits sans doute de
ce qu'ils avaient trouvé sur le comte; puis, après cette courte visite, qui
lui avait cependant coûté sa bourse et sa montre, ils étaient partis,
emportant dans la montagne les cadavres de leurs deux camarades tués.
Il n'y avait pas moyen de poursuivre les meurtriers; les deux comtes
confièrent donc ce soin à la police de Syracuse et de Catane; il en
résulta que les meurtriers restèrent inconnus et demeurèrent impunis:
quant à don Ramiro, son cadavre fut ramené à Catane, où il reçut une
sépulture digne de lui dans les caveaux de ses ancêtres.
Cet événement, si terrible qu'il fût pour les deux familles, avait
cependant, comme toutes les choses de ce monde, son bon et son
mauvais coté: grâce à la mort de don Ramiro, Albano devenait l'aîné de
la famille; il ne pouvait donc plus être question pour lui' d'embrasser
l'état ecclésiastique; c'était à lui maintenant à soutenir le nom et à
perpétuer la race des Rizzari.
Il fut donc rappelé à Catane.
Nous ne scruterons pas le coeur des deux jeunes gens; le coeur le plus
pur a son petit coin gangrené par lequel il tient aux misères humaines,
et ce fut dans ce petit coin que Costanza et Albano sentirent en se
revoyant remuer et revivre l'espoir d'être un jour l'un à l'autre.
En effet, rien ne s'opposait plus à leur union; aussi cette idée vint-elle
aux pères comme elle était venue aux enfants: on fixa seulement les
noces à la fin du grand deuil, c'est-à-dire à une année.
Vers ce même temps, le chevalier Bruni ayant appris que Costanza était,
par la mort de don Ramiro, redevenue libre, renouvela sa demande;
malheureusement comme la première fois il arrivait trop tard, d'autres
arrangements étaient pris, à la grande satisfaction des deux amants, et le
comte de Bruca répondit au chevalier Bruni que le fis cadet du comte
Rizzari étant devenu son fils aîné, il lui succédait, non-seulement dans
son titre et dans sa fortune, mais encore dans l'union projetée depuis
long-temps entre les deux maisons.
Comme la première fois, le chevalier Bruni se retira sans dire une seule
parole; si bien que ceux qui connaissaient son caractère ne pouvaient
rien comprendre à cette modération.
Les jours et les mois s'écoulèrent bien différents pour les deux jeunes
gens des jours et des mois de Tannée précédente: le terme fixé pour
l'expiration du deuil était le 12 septembre: le 15 les jeunes gens
devaient être unis.
Ce jour bienheureux, que dans leur impatience ils ne croyaient jamais
atteindre, arriva enfin.
La cérémonie eut lieu au château de la Bruca. Toute la noblesse des
environs était conviée à la fête; à onze heures du matin les jeunes gens
furent unis à la chapelle. Costanza et Albano n'eussent point échangé
leur sort contre l'empire du monde.
Après la messe, chacun se dispersa dans les vastes jardins du château
jusqu'à ce que la cloche sonnât l'heure du dîner. Le repas fut homérique,
quatre-vingts personnes étaient réunies à la même table.
Les portes de la salle à manger donnaient d'un côté sur le jardin
splendidement illuminé, de l'autre dans un vaste salon où tout était
préparé pour le bal; de l'autre côté du salon était la chambre nuptiale
que devaient occuper les jeunes époux.
Le bal commença avec cette frénésie toute particulière aux Siciliens;
chez eux tous les sentiments sont portés à l'excès: ce qui chez les autres
peuples n'est qu'un plaisir est chez eux une passion, les deux nouveaux
époux donnaient l'exemple, et chacun paraissait heureux de leur
bonheur.
A minuit deux masques entrèrent vêtus de costumes de paysans
siciliens et portant entre leurs bras un mannequin vêtu

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