plus sombres n'a pas tué le rêve. 
L'Amour au Pays Bleu en est une preuve nouvelle; je ne connais pas de 
récit qui, mieux que celui-là, porte le double caractère de rouerie froide 
et de jeune poésie inaltérée. Il en sort comme un parfum dangereux qui 
grise la cervelle, l'image troublante d'un paradis d'amour qui crève 
inopinément et vous laisse, désenchanté, devant d'horribles bestialités. 
Ici encore, sous les pleurs et la lumière, la brute humaine se déchaîne; 
l'ogre apparaît, immolant tout à ses convoitises: et, à longs jets, le sang 
coule sur les paysages. C'est le _Cantique des Cantiques_ du rapt et du 
viol. 
D'ailleurs, de fond et de forme, l'Amour au Pays Bleu est bien tout ce 
qu'on peut rêver de plus oriental: nulle part, l'homme des froides 
contrées septentrionales ne se décèle; la langue, fleurie et ciselée, garde, 
même dans la description, la netteté étincelante des centons; et l'on 
admire ce tour de force d'un esprit très littéraire, en regrettant un peu 
qu'une si rare virtuosité ne s'applique à des sujets plus rapprochés de 
nous. En outre, les caractères sont fortement tracés, par grands plans, 
sans surcharge inutile; et Mansour, dans son âpre concupiscence sénile, 
a même une grandeur tragique qui le met à part parmi ses pareils. 
Oeuvre d'art luxuriant et de chaude imagination, toute semée de
descriptions exquises, et qui laisse dans l'imagination la nostalgie vague 
des tendresses mortelles. 
CAMILLE LEMONNIER. 
* * * * * 
Le Soleil (15 novembre 1880). 
L'éditeur Alphonse Lemerre vient d'ajouter à sa collection de romans, 
peu nombreux, mais choisis, un livre de M. Hector France, l'_Amour au 
Pays Bleu_, qui est une sorte de poème en prose d'une intensité de 
couleurs et de vie remarquable. C'est en même temps, sous une forme 
très artistique, une histoire amoureuse des plus originales et des plus 
dramatiques.... 
Il ne faut pas oublier que nous sommes ici dans le pays de l'Islam, où 
les moeurs sont faites pour atténuer beaucoup certaines couleurs qui 
nous paraîtraient trop crues. N'est-il pas curieux qu'un écrivain de cette 
valeur, un poète pour tout dire, se montre assez peu soucieux de son 
grand talent pour oser signer quelques-uns de ces feuilletons qui, au 
rez-de-chaussée de certains journaux, sont des armes de guerre aussi 
peu sincères que peu loyales, et qui pervertissent l'imagination 
populaire par l'exposition de tableaux inventés à plaisir pour être mis au 
service des passions politiques les plus acharnées? Dans la masse de 
romans dont je ne signale ici que la quintessence, celui-ci tranche par 
son originalité et par le charme réel de la forme qui revêt la couleur 
vive et l'ardeur brûlante du pays bleu, c'est-à-dire de l'Algérie, où 
l'homme a toutes les intempérances du climat imperturbablement beau 
et où l'on cueille les femmes comme les fleurs, à peine écloses sur leur 
tige. 
Ch. Canivet. 
* * * * * 
Courrier du Soir (28 novembre 1880).
En Algérie, les passions sont violentes; l'amour est fougueux; si nous 
ne le savions pas, le livre de M. Hector France nous l'apprendrait. Des 
moeurs âpres, des caractères impétueux, des scènes poignantes, voilà ce 
que nous offre ce livre, à chaque page. Certains tableaux ont une 
couleur brutale, toute primitive, dont la Bible seule nous donne 
l'équivalent. Telle est la vie au désert, au «pays bleu» où M. Hector 
France nous conduit. L'amour italien, tel que Stendhal le décrit n'est 
que froideur à côté de celui que respirent les fils du Souf, les enfants de 
Djenara, la perle des Ksours. Au reste, comme le dit fort bien le Thaleb 
Ali-bou-Nahr, les gens du Nord ne peuvent rien comprendre à ces 
amours redoutables. 
La donnée est dramatique; et elle aboutit à une sévère moralité. M. 
Hector France a développé son sujet en écrivain qui connaît l'Algérie et 
qui l'aime profondément. Il n'en parle point avec le sang-froid d'un 
Occidental; son style se revêt d'une riche couleur orientale; et, vraiment, 
il nous offre certaines descriptions fort remarquables. 
Cette histoire touche à la pastorale: par moments, on croit lire les 
scènes d'une luxuriante et barbare églogue. Si la touche est excessive, il 
se dégage, de plus d'un tableau, une âpre poésie. Peut-être, pour nous 
paraître vrai, ce livre ne pouvait-il guère être écrit autrement. 
Il est fait pour ne point passer inaperçu; il est entraînant et passionné; 
par le temps qui court, ces défauts doivent servir à appeler l'attention du 
public. 
Antony Valabreque. 
* * * * * 
Le Livre (décembre 1880). 
Nous devons à Hector France le Roman du Curé, l'Homme qui tue et le 
Péché de Soeur Cunégonde. Ces oeuvres ont obtenu un succès mérité 
dans la mesure de leur valeur. Le roman que vient de publier la librairie 
Lemerre surpasse, à notre sens, les précédents ouvrages du même 
auteur. Sans aucun doute il aura moins de succès, car plus l'art s'élève,
moins il    
    
		
	
	
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