dans ses bras, entre son père et son mari, savaient que plus d'une 
fois ses avis, d'une sagesse profonde, avaient, comme ceux de nos 
mères, prévalu dans les conseils des chefs; ils regardaient enfin comme 
d'un bon augure pour les armes gauloises la présence de cette jeune 
femme, élevée dans la science mystérieuse des druidesses. Ils la 
supplièrent, après la mort de son père et de son mari, de ne pas 
abandonner l'armée, lui déclarant, dans leur naïve affection, que son fils 
Victorin serait désormais le fils des camps, et elle la mère des camps. 
Victoria, touchée de tant d'attachement, resta au milieu des troupes, 
conservant sur les chefs son influence, les dirigeant dans le 
gouvernement de la Gaule, s'occupant d'élever virilement son fils, et 
vivant aussi simplement que la femme d'un officier. 
Peu de temps après la mort de son mari, ma soeur de lait m'avait 
déclaré qu'elle ne se remarierait jamais, voulant consacrer sa vie toute 
entière à Victorin... Le dernier et fol espoir que j'avais, malgré moi, 
conservé en la voyant veuve et libre, s'évanouit: la raison me vint avec
l'âge; oubliant mon malheureux amour, je ne songeai plus qu'à me 
dévouer à Victoria et à son enfant. Simple cavalier dans l'armée, je 
servais de secrétaire à ma soeur de lait; souvent elle me confiait 
d'importants secrets d'État, et parfois me chargeait de messages de 
confiance. 
J'apprenais à Victorin à monter à cheval, à manier la lance et l'épée; je 
le chéris bientôt comme mon fils: on ne pouvait voir un plus aimable, 
un plus généreux naturel. Il grandit ainsi au milieu des soldats, qui 
s'attachèrent à lui par les mille liens de l'habitude et de l'affection. À 
quatorze ans, il fit ses premières armes contre les Franks, devenus pour 
nous d'aussi dangereux ennemis que l'avaient été les Romains... Je 
l'accompagnai: sa mère, à cheval, entourée d'officiers, resta, en vraie 
Gauloise, sur une colline d'où l'on découvrait le champ de bataille où 
combattait son fils... Il se comporta bravement et fut blessé. Ainsi 
habitué jeune à la vie de guerre, de grands talents militaires se 
développèrent en lui: intrépide comme le plus brave des soldats, habile 
et prudent comme un vieux capitaine, généreux autant que sa bourse le 
lui permettait, gai, ouvert, avenant à tous, il gagna de plus en plus 
l'attachement de l'armée. Les éloges que lui donne un historien 
contemporain (Trébellius Pollion) sont tellement magnifiques, qu'en 
faisant à l'exagération une large part, Victorin resterait encore un 
homme très éminent, qui partagea bientôt son adoration entre lui et sa 
mère... Vint enfin le jour où la Gaule, déjà presque indépendante, 
voulut partager avec Rome le gouvernement de notre pays; le pouvoir 
fut alors divisé entre un chef gaulois et un chef romain: Rome choisit 
Posthumus, et nos troupes acclamèrent d'une voix Victorin comme chef 
de Gaule et général de l'armée. Peu de temps après, il épousa une jeune 
fille dont il était aimé... Malheureusement elle mourut après une année 
de mariage, lui laissant un fils. Victoria, devenue aïeule, se voua à 
l'enfant de son fils comme elle s'était vouée à celui-ci. 
Ma première résolution avait été de ne jamais me marier; cependant je 
fus à peu séduit par la grâce modeste et par les vertus de la fille d'un 
centenier de notre armée; c'était ta mère Ellèn que j'ai épousée il y a 
cinq ans, mon enfant.
Telle a été ma vie jusqu'à aujourd'hui, où je commence le récit qui va 
suivre. 
Ce que je vais raconter s'est passé il y a huit jours. Ainsi donc, afin de 
préciser la date de ce récit pour notre descendance, il est écrit dans la 
ville de Mayence, défendue par notre camp fortifié des bords du Rhin, 
le cinquième jour du mois de juin, ainsi que disent les Romains, la 
septième année du principal de Posthumus et de Victorin en Gaule, 
deux cent soixante-sept ans après la mort de Jésus de Nazareth, crucifié 
à Jérusalem sous les yeux de notre aïeule Geneviève. 
Le camp gaulois, composé de tentes et de baraques légères, mais 
solides, avait été massé autour de Mayence, qui le dominait. Victoria 
logeait dans la ville; j'occupais une petite maison à peu de distance de 
la sienne. 
Le matin du jour dont je parle, je me suis éveillé à l'aube, laissant ma 
bien-aimée femme Ellèn encore endormie. Je la contemplai un instant: 
ses longs cheveux dénoués couvraient à demi son sein; sa tête, d'une 
beauté si douce, reposait sur l'un de ses bras replié, tandis qu'elle 
étendait l'autre sur ton berceau, mon enfant, comme pour te protéger, 
même pendant son sommeil... J'ai, d'un baiser, effleuré votre front à 
tous deux, de crainte de vous réveiller; il m'en a coûté de ne pas vous 
embrasser tendrement, à plusieurs reprises; je partais pour une 
expédition aventureuse; il se pouvait que le    
    
		
	
	
	Continue reading on your phone by scaning this QR Code
 
	 	
	
	
	    Tip: The current page has been bookmarked automatically. If you wish to continue reading later, just open the 
Dertz Homepage, and click on the 'continue reading' link at the bottom of the page.
	    
	    
