La vie littéraire, by Anatole 
France 
 
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Title: La vie littéraire Troisième série 
Author: Anatole France 
Release Date: September 22, 2006 [EBook #19345] 
Language: French 
Character set encoding: ISO-8859-1 
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LITTÉRAIRE *** 
 
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ANATOLE FRANCE
DE L'ACADÉMIE FRANÇAISE 
 
LA VIE LITTÉRAIRE 
TROISIÈME SÉRIE 
 
PARIS CALMANN-LÉVY, ÉDITEURS 3, RUE AUBER, 3 
 
PRÉFACE 
M. Ferdinand Brunetière, que j'aime beaucoup, me fait une grande 
querelle[1]. Il me reproche de méconnaître les lois mêmes de la critique, 
de n'avoir pas de critérium pour juger les choses de l'esprit, de flotter, 
au gré de mes instincts, parmi les contradictions, de ne pas sortir de 
moi-même, d'être enfermé dans ma subjectivité comme dans une prison 
obscure. Loin de me plaindre d'être ainsi attaqué, je me réjouis de cette 
dispute honorable où tout me flatte: le mérite de mon adversaire, la 
sévérité d'une censure qui cache beaucoup d'indulgence, la grandeur 
des intérêts qui sont mis en cause, car il n'y va pas moins, selon M. 
Brunetière, que de l'avenir intellectuel de notre pays, et enfin le choix 
de mes complices, M. Jules Lemaître et M. Paul Desjardins étant 
dénoncés avec moi comme coupables de critique subjective et 
personnelle, et comme corrupteurs de la jeunesse. J'ai un goût ancien et 
toujours nouveau pour l'esprit de M. Jules Lemaître, pour son 
intelligence agile, sa poésie ailée et sa clarté charmante. M. Paul 
Desjardins m'intéresse par les belles lueurs tremblantes de sa sensibilité. 
Si j'étais le moins du monde habile, je me garderais bien de séparer ma 
cause de la leur. Mais la vérité me force à déclarer que je ne vois pas en 
quoi mes crimes sont leur crime et mes iniquités leur iniquité. M. 
Lemaître se dédouble avec une facilité merveilleuse; il voit le pour et le 
contre, il se place successivement aux points de vue les plus opposés; il 
a tour à tour les raffinements d'un esprit ingénieux et la bonne volonté 
d'un coeur simple. Il dialogue avec lui-même et fait parler l'un après 
l'autre les personnages les plus divers. Il a beaucoup exercé la faculté
de comprendre. Il est humaniste et moderne. Il respecte les traditions et 
il aime les nouveautés. Il a l'esprit libre avec le goût des croyances. Sa 
critique, indulgente jusque dans l'ironie, est, à la bien prendre, assez 
objective. Et si, quand il a tout dit, il ajoute: «Que sais-je?» n'est-ce pas 
gentillesse philosophique? Je ne démêle pas bien dans sa manière ce 
qui mécontente M. Brunetière, sinon, peut-être, une certaine gaieté 
inquiétante de jeune faune. 
[Note 1: Voir, dans la Revue des Deux Mondes du 1er janvier 1891, la 
critique impersonnelle par M. Ferdinand Brunetière, pp. 210 à 224.] 
Quant à M. Paul Desjardins, ce qu'on peut lui reprocher, ce n'est point 
une gaieté trop légère. Je ne crois pas lui déplaire en disant qu'il se 
donne la figure d'un apôtre, plutôt que celle d'un critique. C'est un 
esprit distingué, mais c'est surtout un prophète. Il est sévère. Il n'aime 
point qu'on écrive. Pour lui, la littérature est la bête de l'Apocalypse. 
Une phrase bien faite lui semble un danger public. Il me fait songer à ce 
sombre Tertullien, qui disait que la sainte Vierge n'avait jamais été 
belle, sans quoi on l'eût désirée, ce qui ne peut s'imaginer. Selon M. 
Paul Desjardins, le style, c'est le mal. Et pourtant M. Paul Desjardins a 
du style, tant il est vrai que l'âme humaine est un abîme de 
contradictions. De l'humeur dont il est, il ne faut pas lui demander son 
avis sur des sujets aussi frivoles et profanes que la littérature. Il ne 
critique point; il anathématise sans haine. Pâle et mélancolique, il va 
semant les malédictions attendries. Par quel coup du sort se trouve-t-il 
chargé d'une part des griefs qui pèsent sur moi, au moment même où il 
déclare dans ses articles et dans ses conférences que je suis le figuier 
stérile de l'Écriture? Dans quels frémissements, avec quelle horreur ne 
doit-il pas crier à celui qui nous accuse tous deux: Judica me, et 
discerne causam meam de gente non sancta? 
Il est donc plus juste que je me défende tout seul. J'essayerai de le faire, 
mais non pas sans avoir d'abord rendu hommage à la vaillance de mon 
adversaire. M. Brunetière est un critique    
    
		
	
	
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