préfet de l'Aube, M. Lignier, qui était à ce moment à 
Pougy. M. Lignier nous donna le conseil de passer par Vandeuvre. Il y
avait huit heures que nous en suivions la route, quand les gens du pays 
nous prévinrent que les Prussiens réquisitionnaient en cet endroit les 
chevaux et les voitures. Il nous fallut donc retourner sur nos pas et 
prendre la route d'Arcis-sur-Aube, occupé par les Prussiens. Comme 
nous ne pouvions présenter nos barriques à l'octroi, nous les laissâmes 
dans un petit village, et nous entrâmes dans Arcis, où tous les hôtels 
étaient remplis de Prussiens. 
A l'hôtel de la Poste, à la table d'hôte où nous fûmes obligés de dîner 
avec les officiers, un médecin-vétérinaire hanovrien, qui probablement 
avait quelque doute à notre égard, voulut absolument parier cent thalers 
avec moi que dans quatorze jours Paris serait rendu. Il me passa sa 
carte pour me confirmer son pari, ce qui semblait me demander la 
mienne. Inutile de dire que je ne l'acceptai pas. 
Pendant la nuit, les bagages furent replacés en caisses et en paniers, et, 
à quatre heures du matin, nous quittions Arcis pour nous rendre à 
Troyes, également occupé. Nous laissions à Arcis le marin Pagano, la 
sûreté générale exigeant cette séparation. Bien nous prit en effet de 
partir la nuit, car nous apprîmes plus tard qu'à sept heures du matin 
toutes les issues de la ville étaient gardées. 
A Troyes, notre position ne fut pas améliorée; nous eûmes grand'peine 
à nous procurer voitures et chevaux. Nous sommes heureux de 
reconnaître que l'aide de M. Joffroy, négociant de cette ville, nous fut 
d'un grand secours à cet effet. Nous quittions Troyes le 17, à trois 
heures du matin, par la route de Saint-Florentin à Auxerre. Un corps 
considérable de l'armée du prince Frédéric-Charles nous précédait de 
douze heures sur cette route, qui devenait ainsi hérissée d'obstacles 
pour nous. Arrivés à Avrol, que les Prussiens venaient d'occuper, on ne 
voulut pas nous en laisser sortir. M. Poisot se rendit chez le major 
prussien, logé au château de M. de la Bourdonnaye, et demanda 
l'autorisation de continuer notre chemin. Le major répondit qu'on ne 
pourrait quitter Avrol que le lendemain matin à huit heures, après le 
départ des Prussiens. 
Pendant que j'étais, avec mon préparateur, arrêté par les sentinelles 
prussiennes et attendant la réponse du major, des coups de fusil se
firent entendre à quelque distance. Des sentinelles, nous prenant pour 
des francs-tireurs, s'apprêtaient à nous faire un mauvais parti; j'eus de la 
peine à leur faire attendre l'arrivée de mon gendre, qui vint fort à 
propos faire connaître les ordres du major. On nous laissa retourner la 
voiture, avec laquelle nous pûmes gagner une ferme du village. Comme 
il pleuvait à verse, nous entrâmes dans une grange avec l'intention d'y 
passer la nuit; mais les Prussiens ne tardèrent point à nous en déloger, 
en proférant des menaces. 
La voiture de matériel étant restée dans la cour, les Prussiens voulurent 
la visiter, disant que sûrement nous arrivions de Paris. Je déclarai venir 
de Troyes, et un officier fut demandé pour constater le fait. Les soldats 
exigèrent, en attendant sa venue, que les caisses restassent ouvertes. 
C'est à cette fâcheuse mesure que je dois attribuer une nouvelle perte de 
plusieurs appareils importants pour le travail de ma mission. Le temps 
se passa, et l'officier, occupé à dîner fort heureusement, ne vint pas. 
Pendant ce temps, le conducteur de la voiture, qui avait laissé sa 
lanterne dans la grange, y retournait pour la prendre. Les Prussiens, 
apercevant cette grange ouverte à nouveau, pensent que nous y sommes 
rentrés malgré leur défense. Ils donnent l'ordre aux propriétaires de 
prendre des lumières pour les éclairer, et nous cherchent pour nous 
fusiller. 
Nous avions heureusement pu dans l'obscurité gagner la porte de sortie 
de la ferme, traverser le chemin et entrer dans une auberge où étaient 
encore quantité d'autres Prussiens. Nous nous assîmes devant le feu. 
Les officiers qui sortaient de table d'une salle à côté nous regardaient 
avec méfiance et passaient près de nous le revolver à la main. Nous 
dûmes rester toute la nuit sur pied dans cette auberge, dont les maîtres 
étaient affolés par les exigences des envahisseurs, et tous nous 
perdîmes l'espoir de nous tirer d'affaire. 
Le 18 au matin, les Prussiens s'éloignèrent sur Joigny; mais 
l'avant-garde n'avait pas fait trois kilomètres qu'elle rencontra à Brinon 
une défense organisée de la garde nationale. Le combat rendait le 
chemin impossible pour nous; il fallut avec notre voiture de bagage 
prendre à travers champs par une pluie torrentielle, avançant
très-péniblement sur des terres labourées et détrempées, poussant ou 
soutenant tour à tour nous-mêmes la voiture. Nous trouvions souvent 
les traces profondes des chevaux des uhlans qui venaient d'explorer en 
tous sens avant nous cette partie de la campagne. 
Arrivés aux lignes françaises à    
    
		
	
	
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