Content d'être sous toi le 
second des humains, Plus fier de t'attacher ce nouveau Diadème, Plus 
grand de te servir que de régner moi-même. Quoi! tu ne me répons que 
par de longs soupirs! Ta grandeur fait ma joie, & fait tes déplaisirs! Roi 
de Rome & du Monde, est-ce à toi de te plaindre? Cesar peut-il gémir, 
ou Cesar peut-il craindre? Qui peut à ta grande âme inspirer la terreur? 
CESAR. 
L'amitié, cher Antoine; il faut t'ouvrir mon coeur. Tu sais que je te 
quitte, & le destin m'ordonne De porter nos drapeaux aux champs de 
Babylone. Je pars, & vai venger sur le Parthe inhumain La honte de 
Crassus & du peuple Romain. L'aigle des légions, que je retiens encore, 
Demande à s'envoler vers les mers du Bosphore; Et mes braves soldats 
n'attendent pour signal, Que de revoir mon front ceint du bandeau royal. 
Peut-être avec raison Cesar peut entreprendre D'attaquer un pays qu'a 
soumis Alexandre. Peut-être les Gaulois, Pompée & les Romains, 
Valent bien les Persans subjugués par ses mains. J'ose au moins le 
penser; & ton ami se flate Que le vainqueur du Rhin peut l'être de 
l'Euphrate. Mais cet espoir m'anime, & ne m'aveugle pas. Le sort peut 
se lasser de marcher sur mes pas: La plus haute sagesse en est souvent 
trompée; Il peut quitter Cesar, ayant trahi Pompée; Et dans les factions, 
comme dans les combats, Du triomphe à la chute il n'est souvent qu'un 
pas. J'ai servi, commandé, vaincu, quarante années; Du Monde entre 
mes mains j'ai vu les destinées; Et j'ai toujours connu qu'en chaque 
évenement le destin des Etats dépendait d'un moment. Quoi qu'il puisse
arriver, mon coeur n'a rien à craindre; Je vaincrai sans orgueuil, ou 
mourrai sans me plaindre. Mais j'exige en partant, de ta tendre amitié, 
Qu'Antoine à mes enfans soit pour jamais lié; Que Rome par mes mains 
défenduë & conquise, que la Terre à mes fils, comme à toi, soit 
soumise; Et qu'emportant d'ici le grand titre de Roi, Mon sang & mon 
ami le prennent après moi. Je te laisse aujourdhui ma volonté dernière. 
Antoine, à mes enfans il faut servir de père. Je ne veux point de toi 
demander des sermens, De la foi des humains sacrés & vains garans; Ta 
promesse suffit, & je la crois plus pure Que les autels des Dieux 
entourés du parjure. 
ANTOINE. 
C'est déjà pour Antoine une assez dure loi, Que tu cherches la guerre & 
le trépas sans moi, Et que ton intérêt m'attache à l'Italie, Quand la gloire 
t'appelle aux bornes de l'Asie. Je m'afflige encor plus de voir que ton 
grand coeur Doute de sa fortune, & présage un malheur: Mais je ne 
comprens point ta bonté qui m'outrage, Cesar, que me dis-tu, de tes fils, 
de partage? Tu n'as de fils qu'Octave, & nulle adoption N'a d'un autre 
Cesar appuyé ta maison. 
CESAR. 
Il n'est plus tems, ami, de cacher l'amertume, Dont mon coeur paternel 
en secret se consume. Octave n'est mon sang qu'à la faveur des lois: Je 
l'ai nommé Cesar, il est fils de mon choix, Le destin, (dois je dire, ou 
propice, ou sévère?) D'un véritable fils en effet m'a fait père, D'un fils 
que je chéris, mais qui pour mon malheur, A ma tendre amitié répond 
avec horreur. 
ANTOINE. 
Et quel est cet enfant: Quel ingrat peut-il être, Si peu digne du sang 
dont les Dieux l'ont fait naître? 
CESAR. 
Ecoute: Tu connais ce malheureux Brutus, Dont Caton cultiva les
farouches vertus, De nos antiques lois ce défenseur austère, Ce rigide 
ennemi du pouvoir arbitraire, Qui toujours contre moi, les armes à la 
main, De tous mes ennemis a suivi le destin; Qui fut mon prisonnier 
aux champs de Thessalie; A qui j'ai malgré lui sauvé deux fois la vie, 
Né, nourri loin de moi chez mes fiers ennemis. 
ANTOINE. 
Brutus! il se pourrait... 
CESAR 
Ne m'en crois pas. Tien, lis. 
ANTOINE. 
Dieux! la soeur de Caton, la fière Servilie! 
CESAR. 
Par un hymen secret elle me fut unie. Ce farouche Caton, dans nos 
premiers débats, La fit presqu'à mes yeux passer en d'autres bras: Mais 
le jour qui forma ce second hyménée, De son nouvel époux trancha la 
destinée. Sous le nom de Brutus mon fils fut élevé. Pour me haïr, ô Ciel! 
était-il reservé? Mais lis: tu sauras tout par cet écrit funeste. 
ANTOINE. Il lit 
_Cesar, je vais mourir. La colère céleste Va finir à la fois ma vie & 
mon amour. Souvien-toi qu'à Brutus Cesar donna le jour. Adieu. Puisse 
ce fils éprouver pour son père L'amitié qu'en mourant te conservait sa 
mère! (Servilie) Quoi! faut il que du sort la tyrannique loi, Cesar, te 
donne un fils si peu semblable à toi? 
CESAR. 
Il a d'autres vertus; son superbe courage Flate en secret le mien, même    
    
		
	
	
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