La fille du pirate | Page 3

Émile Chevalier
��paula une petite carabine, ajusta le fils de l'armateur et lacha la d��tente.
Atteint au dessous de l'omoplate, Charles laissa choir la barre de cabestan dont il s'��tait fait un si formidable auxiliaire, et s'affaissa sur le pont.
VI
Alors commen?a le pillage de l'Alcyon. Mais tout s'accomplit dans le plus grand ordre. Une discipline de fer courbait la nature sauvage de ces d��mons �� face humaine. La cargaison du navire captur�� passa rapidement sur le navire captureur. Ensuite tous les individus trouv��s �� bord de l'Alcyon, depuis le capitaine jusqu'au dernier mousse, furent li��s deux �� deux, et jet��s �� la mer avec un boulet de trente-six aux pieds.
En accomplissant cette affreuse ex��cution, les matelots du Corbeau ne riaient ni ne g��missaient.
Ils ��taient calmes, insensibles.
Pour eux ces meurtres n'avaient rien d'odieux. C'��tait une coutume, un devoir, une n��cessit��e. D'ailleurs c'��tait la r��gle.
Chaque fois que le Corbeau faisait une prise,--et cela arrivait fr��quemment,--nul ne recevait quartier; et pas un des marins engag��s sur les paquebots transatlantiques ne l'ignorait; aussi la r��putation de la corvette noire ��tait-elle en harmonie avec l'��pouvante que son ��quipage inspirait.
Ordinairement le Corbeau croisait dans le golfe Saint-Laurent, sur la route d'Europe en Am��rique; et, comme disaient les matelots, ?qui de pr��s l'avait vu, plus ne le revoyait?.
VII
Il ��tait midi. Le soleil, voil�� depuis le matin par de l��g��res brumes, per?ait �� l'orient. Aux teintes blanchatres de l'atmosph��re succ��dait peu �� peu un azur limpide, dont les r��verb��rations sur la nappe aqueuse se doraient aux ti��des rayons de l'astre du jour.
La nature semblait sourire en d��ployant ses grandeurs c��lestes et marines.
L'homme s'��levait �� la contemplation de ce beau spectacle.
Rien, �� notre avis ne parle plus ��loquemment �� l'esprit et au coeur que le tableau du ciel et de la pleine mer.
Immensit�� sous immensit��!
Myst��re contre myst��re!
Ou suis-je? que suis-je?
Ces deux questions se pressent sur vos l��vres.
Soyez chr��tien, musulman, pa?en, idolatre, d��iste, panth��iste, polyth��iste, rationaliste, mat��rialiste, nihiliste,--soyez ce que vous voudrez,--si votre vue n'a plus d'autre limite que le firmament et l'eau, vous rougirez de votre petitesse, et un moment, une minute, une seconde, vous douterez! Non, il n'y a pas de croyance humaine qui r��siste �� l'infini! Notre nature est trop born��e pour cela.
En tout, pour comprendre, pour ��tre fort, il nous faut du tangible, du palpable, du mall��able.
Nous nous impatientons malgr�� nous, contre ce qui cesse de frapper nos sens.
Et cette impatience nous am��ne �� dire avec Montaigne:
--Que sais-je?
Puis avec Shakspeare:
--Suis-je ou ne suis-je pas!
VIII
La nuit vint:--nuit calme et po��tique.
A la vo?te c��leste couraient des petits nuages diaphanes, derri��res lesquels la lune mirait son disque argent��. Plus uni qu'une glace ��tait l'Oc��an, r��fl��chissant, dans sa transparence, la coupole de l'empir��e.
O nuit d'amour, de langueur, de volupt��!
Cependant une masse sombre, informe, se dressait au milieu de l'Atlantique.
L'onde clapotait �� petit bruit autour, et formait de l��g��res franges d'��cume, qui allaient en d��gradant insensiblement, et finissaient par se confondre dans le bleu de la plaine liquide.
Cette masse, c'��tait la carcasse de l'Alcyon.
Apr��s avoir d��pouill�� le brick, les corsaires l'avaient abandonn�� �� la grace de Dieu.
Et toujours l'onde clapotait �� petit bruit autour et formait de l��g��res franges d'��cume, qui allaient en d��gradant insensiblement, et finissaient par se perdre dans le bleu de la plaine liquide.
Tout ��tait morne, silencieux �� bord de l'Alcyon, pauvre navire si gai la veille, si fringant, si anim��!
On e?t dit d'une tombe plac��e sur une autre tombe!
Mais ��coutez!
Ce n'est pas un murmure des vagues, ce n'est pas un soupir de la brise, pas le cri d'un oiseau de nuit, c'est un g��missement humain!
Et toujours l'onde clapote �� petit bruit autour de l'Alcyon, et forme des franges d'��cume neigeuse, qui vont se d��gradant et finissent par se perdre dans le bleu de la plaine liquide!
C'est un g��missement humain!
Je croyais pourtant que le Corbeau n'avait pas laiss�� cr��ature vivante �� bord de l'Alcyon.
Mais le g��missement recommence; un homme se soul��ve p��niblement pr��s du gouvernail, il passe la main sur son front, il interroge ses souvenirs.
C'est Charles, c'est le fils de l'armateur marseillais!
Et toujours l'onde clapote �� petit bruit autour du brick et forme de l��g��res franges d'��cume, qui vont se d��gradant peu �� peu et finissent par se fondre dans le bleu de la plaine liquide.
IX
Oui, c'��tait Charles.
Notre brave jeune homme n'avait pas ��t�� gri��vement bless��. A son ��vanouissement il devait la vie; car un lambeau de toile ��tant tomb�� sur son corps, peu apr��s sa chute, et l'ayant recouvert, les forbans n'avaient plus pris attention �� lui.
En recouvrant la connaissance, il se sentit tr��s-faible, mais, �� mesure que ses forces revenaient, sa m��moire se faisait jour.
Il se tra?na �� sa cabine, o�� par bonheur il trouva quelques provisions n��glig��es par les bandits.
Il mangea mod��r��ment et retourna se coucher sur le couronnement.
Deux jours apr��s, un bateau-pilote le recueillait et le transportait �� Halifax.
Il ��crivit aussit?t �� son p��re.
La perte successive
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