La fille du capitaine | Page 2

Alexandre Pouchkine
tourbillonner les pigeons sur les toits et jouant au cheval fondu avec les jeunes gar?ons de la cour. J��arrivai ainsi jusqu��au del�� de seize ans. Mais �� cet age ma vie subit un grand changement.
Un jour d��automne, ma m��re pr��parait dans son salon des confitures au miel, et moi, tout en me l��chant les l��vres, je regardais le bouillonnement de la liqueur. Mon p��re, assis pris de la fen��tre, venait d��ouvrir l��Almanach de la cour, qu��il recevait chaque ann��e. Ce livre exer?ait sur lui une grande influence; il ne le lisait qu��avec une extr��me attention, et cette lecture avait le don de lui remuer prodigieusement la bile. Ma m��re, Qui savait par coeur ses habitudes et ses bizarreries, tachait de cacher si bien le malheureux livre, que des mois entiers se passaient sans que l��Almanach de la cour lui tombat sous les yeux. En revanche, quand il lui arrivait de le trouver, il ne le lachait plus durant des heures enti��res. Ainsi donc mon p��re lisait l��Almanach de la cour en haussant fr��quemment les ��paules et en murmurant �� demi- voix: ?G��n��ral!... il a ��t�� sergent dans ma compagnie. Chevalier des ordres de la Russie!... y a-t-il si longtemps que nous...?? Finalement mon p��re lan?a l��Almanach loin de lui sur le sofa et resta plong�� dans une m��ditation profonde, ce qui ne pr��sageait jamais rien de bon.
?Avdotia Vassili��va[4], dit-il brusquement en s��adressant �� ma m��re, quel age a P��troucha[5]?
-- Sa dix-septi��me petite ann��e vient de commencer, r��pondit ma m��re. P��troucha est n�� la m��me ann��e que notre tante Nastasia Garasimovna[6] a perdu un oeil, et que...
-- Bien, bien, reprit mon p��re; il est temps de le mettre au service.?
La pens��e d��une s��paration prochaine fit sur ma m��re une telle impression qu��elle laissa tomber sa cuiller dans sa casserole, et des larmes coul��rent de ses yeux. Quant �� moi, il est difficile d��exprimer la joie qui me saisit. L��id��e du service se confondait dans ma t��te avec celle de la libert�� et des plaisirs qu��offre la ville de Saint-P��tersbourg. Je me voyais d��j�� officier de la garde, ce qui, dans mon opinion, ��tait le comble de la f��licit�� humaine.
Mon p��re n��aimait ni �� changer ses plans, ni �� en remettre l��ex��cution. Le jour de mon d��part fut �� l��instant fix��. La veille, mon p��re m��annon?a qu��il allait me donner une lettre pour non chef futur, et me demanda du papier et des plumes.
?N��oublie pas, Andr�� P��trovitch, dit ma m��re, de saluer de ma part le prince B...; dis-lui que j��esp��re qu��il ne refusera pas ses graces �� mon P��troucha.
-- Quelle b��tise! s����cria mon p��re en fron?ant le sourcil; pourquoi veux-tu que j����crive au prince B...?
-- Mais tu viens d��annoncer que tu daignes ��crire au chef de P��troucha.
-- Eh bien! quoi?
-- Mais le chef de P��troucha est le prince B... Tu sais bien qu��il est inscrit au r��giment S��m��nofski.
-- Inscrit! qu��est-ce que cela me fait qu��il soit inscrit ou non? P��troucha n��ira pas �� P��tersbourg. Qu��y apprendrait-il? �� d��penser de l��argent et �� faire des folies. Non, qu��il serve �� l��arm��e, qu��il flaire la poudre, qu��il devienne un soldat et non pas un fain��ant de la garde, qu��il use les courroies de son sac. O�� est son brevet? donne-le-moi.?
Ma m��re alla prendre mon brevet, qu��elle gardait dans une cassette avec la chemise que j��avais port��e �� mon bapt��me, et le pr��senta �� mon p��re d��une main tremblante. Mon p��re le lut avec attention, le posa devant lui sur la table et commen?a sa lettre.
La curiosit�� me talonnait. ?O�� m��envoie-t-on, pensais-je, si ce n��est pas �� P��tersbourg?? Je ne quittai pas des yeux la plume de mon p��re, qui cheminait lentement sur le papier. Il termina enfin sa lettre, la mit avec mon brevet sous le m��me couvert, ?ta ses lunettes, n��appela et me dit: ?Cette lettre est adress��e �� Andr�� Kinlovitch R..., mon vieux camarade et ami. Tu vas �� Orenbourg[7] pour servir sous ses ordres.?
Toutes mes brillantes esp��rances ��taient donc ��vanouies. Au lieu de la vie gaie et anim��e de P��tersbourg, c����tait l��ennui qui m��attendait dans une contr��e lointaine et sauvage. Le service militaire, auquel, un instant plus t?t, je pensais avec d��lices, me semblait une calamit��. Mais il n��y avait qu���� se soumettre. Le lendemain matin, une kibitka de voyage fut amen��e devant le perron. On y pla?a une malle, une cassette avec un servie �� th�� et des serviettes nou��es pleines de petits pains et de petits pat��s, derniers restes des dorloteries de la maison paternelle. Mes parents me donn��rent leur b��n��diction, et mon p��re me dit: ?Adieu, Pierre; sers avec fid��lit�� celui �� qui tu as pr��t�� serment; ob��is �� tes chefs; ne recherche pas trop leurs caresses; ne sollicite pas trop le service, mais ne le refuse pas non plus, et rappelle- toi le proverbe: Prends soin
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