cour. Les 
résultats de ces deux éducations ne tarderont pas à nous apparaître. 
Mais dans les provinces comme à la cour, dans la bourgeoisie comme 
dans la noblesse, le mouvement intellectuel qui produisit la 
Renaissance donna une vive impulsion à la culture de l'esprit chez la 
femme. Nous aurons à le constater dans un chapitre spécial réservé à
l'influence de la femme française sur les lettres et sur les arts. 
Chez les femmes de la Renaissance, l'érudition se joint au talent d'écrire. 
Et quelle érudition! Les trois brillantes Marguerite de la cour des 
Valois en donnent l'exemple. Elles savent toutes trois le latin, et les 
deux premières, le grec. L'hébreu même n'est pas étranger à la première 
Marguerite, soeur de François Ier. La fille d'un Rohan lit la Bible dans 
le texte hébraïque. Des femmes traduisent les anciens; d'autres écrivent 
elles-mêmes en latin, en grec; elles abordent jusqu'aux vers latins. 
Marie Stuart, dauphine de France, compose un discours latin dont nous 
aurons à parler. Catherine de Clermont, duchesse de Retz, initiée aux 
mathématiques, à la philosophie, à l'histoire, possède à un si haut degré 
la connaissance du latin, que la reine Catherine de Médicis la charge de 
répondre au discours que lui adressent en cette langue les ambassadeurs 
polonais qui, en 1573, viennent annoncer au duc d'Anjou son élection 
au trône de Pologne. La harangue de la duchesse fut élevée au-dessus 
des discours que le chancelier de Birague et le comte de Cheverny 
firent aux ambassadeurs au nom de Charles IX et du nouveau roi de 
Pologne[3]. 
[Note 3: L'épitaphe du tombeau de la duchesse mentionna le souvenir 
de ce discours. Cette inscription se trouve maintenant au musée 
historique de Versailles. Guilhermy, Inscriptions de la France, du Ve 
siècle au XVIIIe, t. I. Paris,1873, CCCXI.] 
Presque toutes ces femmes sont poètes en même temps qu'érudites. 
Quelques-unes sont musiciennes et s'accompagnent du luth pour 
chanter leurs vers. Beaucoup sont louées pour avoir allié au talent, à la 
science, les sollicitudes domestiques, les devoirs de la mère[4]. Nous 
les retrouverons en étudiant la part qu'eut la femme dans le mouvement 
intellectuel de notre pays. 
[Note 4: L. Feugère, les Femmes poètes au XVIe siècle.] 
Les filles du peuple ne restent pas étrangères à l'érudition, témoin la 
maison de Robert Estienne où l'obligation de ne parler qu'en latin était 
imposée aux servantes mêmes[5].
[Note 5: Baillet, Jugement des Savants. 1722. T. VI. Enfants célèbres 
par leurs études.] 
Le besoin du savoir était universel pendant la Renaissance, époque de 
recherches curieuses et qui fut certes moins littéraire qu'érudite et 
artistique. Les femmes ne firent donc que participer à l'entraînement 
général, et ce ne fut pas sans excès. Elles ne surent pas toujours se 
défendre de la pédanterie, s'il faut en croire Montaigne. Le philosophe 
sceptique raille agréablement les femmes savantes d'alors qui faisaient 
parade d'une instruction superficielle: «La doctrine qui ne leur a peu 
arriver en l'ame, leur est demeurée en la langue,» dit-il avec son 
inimitable accent de malicieuse naïveté. 
Si les femmes veulent s'instruire, Montaigne leur abandonne 
impertinemment la poésie, «art folastre et subtil, desguisé, parlier, tout 
en plaisir, tout en montre, comme elles.» Mais dans cette page badine, 
il y a déjà le grand principe de l'instruction des femmes: Montaigne leur 
permet d'étudier tout ce qui peut avoir dans leur vie une utilité pratique, 
l'histoire, la philosophie même[6]. 
[Note 6: Montaigne, Essais, l. III, ch. iii.] 
Cette valeur pratique de l'instruction, Montaigne l'avait déjà formulée 
dans un précédent chapitre des Essais, mais, à vrai dire, il ne croyait 
guère que la femme fût capable de trouver dans l'étude ce bienfait 
moral. Après avoir cité ce vers grec: «A quoy faire la science, si 
l'entendement n'y est?» et cet autre vers latin: «On nous instruit, non 
pour la conduite de la vie, mais pour l'école,» Montaigne écrit: «Or il 
ne fault pas attacher le sçavoir à l'ame, il l'y fault incorporer; il ne l'en 
fault pas arrouser, il l'en fault teindre; et s'il ne la change, et meliore son 
estat imparfaict, certainement il vault beaucoup mieulx le laisser là: 
c'est un dangereux glaive, et qui empesche et offense son maistre, s'il 
est en main foible, et qui n'en sçache l'usage... 
«A l'adventure est ce la cause que et nous et la théologie ne requérons 
pas beaucoup de science aux femmes, et que François, duc de Bretaigne, 
fils de Jean V, comme on luy parla de son mariage avec Isabeau, fille 
d'Escosse, et qu'on luy adjousta qu'elle avoit esté nourrie simplement et
sans aulcune instruction de lettres, respondit, «qu'il l'en aymoit mieulx, 
et qu'une femme estoit assez sçavante quand elle sçavoit mettre 
différence entre la chemise et le pourpoinct de son mary[7].» 
[Note 7: Montaigne, Essais, l. I, ch. XXIV. Molière n'oubliera pas ce 
dernier trait.] 
L'utilité de l'instruction était néanmoins un argument que ne pouvaient    
    
		
	
	
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