voulu que cette conclusion de mes travaux 
témoignât dignement de ma reconnaissance; mais pour la réalisation 
d'un tel voeu, il ne suffisait pas de l'effort qui, dans les luttes d'un 
incessant labeur, surmonte la peine et brave la fatigue. 
CLARISSE BADER. Décembre 1882. 
 
LA FEMME FRANÇAISE DANS LES TEMPS MODERNES 
 
CHAPITRE PREMIER 
L'ÉDUCATION DES FEMMES--LA JEUNE FILLE LA FIANCÉE 
(XVIe-XVIIIe SIÈCLES) 
Transformation que le XVIe siècle fait subir à l'existence de la 
femme.--Le courant de la vie mondaine et le courant de la vie 
domestique.--Les deux éducations.--Érudition des femmes de la 
Renaissance.--Opinion de Montaigne à ce sujet.--Les émancipatrices 
des femmes au XVIe siècle.--Les sages doctrines éducatrices et leur 
application.--L'instruction des femmes au XVIIe siècle.--Les femmes 
savantes d'après Mlle de Scudéry et Molière.--Suites funestes de la 
satire de Molière.--L'ignorance des femmes jugée par La Bruyère, 
Fénelon, Mme de Maintenon, etc.--L'éducation comprimée des jeunes 
filles.--Réformes éducatrices: le traité de Fénelon sur l'Éducation des 
filles; Mme de Maintenon à Saint-Cyr.--L'instruction professionnelle et
l'instruction primaire du XVIe au XVIIIe siècles.--Caractère de 
l'ignorance des femmes du monde au XVIIIe siècle; leur éducation 
automatique.--Les théories éducatrices de Rousseau et de Mme 
Roland.--Les anciennes traditions.--Les résultats de l'éducation 
mondaine et ceux de l'éducation domestique.--La jeune fille dans la 
poésie et dans la vie réelle.--Les tendresses du foyer.--Mme de 
Rastignac--Le sévère principe romain de l'autorité paternelle.--Les 
jeunes ménagères dans une gentilhommière normande.--La fille pauvre 
Mlle de Launay.--Le droit d'aînesse.--Bourdaloue et les vocations 
forcées.--Condition civile et légale de la femme.--La communauté et le 
régime dotal.--Marche ascendante des dots.--Mariages d'ambition.--La 
chasse aux maris.--Les mariages enfantins.--Mariages 
d'argent.--Mésalliances.--Mariages secrets.--Les exigences du rang et 
leurs victimes; une fille du régent; Mlle de Condé.--Mariages d'amour; 
Mlle de Blois.--La corbeille.--Cérémonies et fêtes nuptiales.--Le 
mariage chrétien. 
Dans la famille patriarcale du moyen âge, c'est surtout la condition 
domestique de la femme qui nous apparaît. La châtelaine dans le 
manoir féodal, la bourgeoise dans la maison de la cité, la paysanne dans 
la chaumière, nous font généralement revoir ce type, vieux comme le 
monde: la femme gardienne du foyer. 
Au XVIe siècle un changement considérable se produit dans l'existence 
de la châtelaine. Cette vie, désormais plus sociale que domestique, 
devient d'autant plus brillante qu'elle concentre ses rayons dans le 
cercle enchanteur que trace François Ier, et que l'on nomme la cour de 
France. Avant ce roi, Anne de Bretagne avait bien appelé auprès d'elle 
les femmes et les jeunes filles de la noblesse, mais c'était pour les 
garder à l'ombre d'une austère tutelle et les former aux moeurs 
patriarcales du foyer[1]. Tel ne fut pas, on le sait, le but de François Ier 
en attirant les châtelaines à sa cour. «Une cour sans femmes, avait-il dit, 
est une année sans printemps et un printemps sans roses.» 
[Note 1: Brantôme, Premier livre des Dames. Anne de Bretagne.] 
Sans doute cette apparition des femmes à la cour de France leur donne, 
comme nous le verrons plus tard, une influence souvent heureuse sur
les lettres, sur les arts, et fait éclore la fleur délicate et brillante de la 
causerie française. Mais les moeurs domestiques et l'état social du pays 
sont loin de gagner à ce changement. Sur un théâtre aussi corrompu que 
séduisant, les femmes perdent le goût du foyer; elle sacrifient au désir 
de plaire leurs devoirs de famille, et jusqu'à leur honneur. Elles 
renoncent enfin à ce patronage qu'elles exerçaient dans leurs terres. La 
femme de cour, environnée d'un cercle d'adulateurs, a remplacé la 
châtelaine, mère et protectrice de ses paysans. L'historien et 
l'économiste s'accordent pour constater que si la politique qui attira à la 
cour les familles dirigeantes, acheva la victoire de la royauté sur l'esprit 
féodal, cette même politique prépara malheureusement aussi la 
Révolution. Tandis que la noblesse se corrompt dans la domesticité de 
la cour, les paysans, privés des exemples moraux et de la protection 
matérielle que leur donnaient leurs seigneurs, se trouvent ainsi livrés 
aux sophistes du XVIIIe siècle, et ils sauront traduire par des actes 
d'une sauvage violence les doctrines antisociales et antireligieuses[2]. 
[Note 2: F. Le Play, La Constitution essentielle de l'humanité; H. Taine, 
Les Origines de la France contemporaine. L'ancien régime.] 
A partir du XVIe siècle, deux courants vont s'établir dans les moeurs 
françaises. D'une part une élégante corruption envahira le monde de la 
cour; mais d'autre part les moeurs patriarcales se conserveront dans 
bien des familles nobles ou plébéiennes qui, soit dans les campagnes, 
soit encore dans les villes, n'auront pas subi la contagion immédiate du 
mal. A la cour même se retrouveront, aussi bien et plus encore parmi 
les femmes que parmi les hommes, de ces natures fortement trempées à 
qui le spectacle du mal donne plus de vigueur encore dans la pratique 
du bien. 
L'éducation de la femme se ressentira de cette double influence. Ici on 
préparera en elle la gardienne du foyer, là une femme de la    
    
		
	
	
	Continue reading on your phone by scaning this QR Code
 
	 	
	
	
	    Tip: The current page has been bookmarked automatically. If you wish to continue reading later, just open the 
Dertz Homepage, and click on the 'continue reading' link at the bottom of the page.
	    
	    
