goûts, son ambition légitime, ses 
talents naturels poussaient du côté des novateurs, se résignèrent peu à 
peu au cataclysme inévitable. Le clergé, au contraire, auquel manquait 
une influence modératrice pareille, éleva de plus en plus la voix, ce qui
n'était pas le moyen de se faire écouter de bonne grâce. Qu'on lise 
plutôt ce que disait le Grand-Chapitre de la Cathédrale dans un 
mémoire, imprimé chez Levrault, avant la translation même de la 
Constituante à Paris. Après avoir rappelé aux législateurs de Versailles 
que "le respect des propriétés était une des premières lois que l'auguste 
assemblée a prononcé", et que "privé de ses dîmes, de ses droits 
seigneuriaux, le Grand-Chapitre serait anéanti", le document déclarait 
que cette ruine "se ferait amèrement sentir au grand nombre de familles 
qui doivent leur existence ou leur bien-être à la magnificence des 
seigneurs qui le composent." Il ajoutait encore qu'il "serait impossible 
que le culte divin se fît dorénavant avec la magnificence imposante que 
les étrangers ont toujours admirée." Si de pareils arguments n'étaient 
pas de nature à faire grande impression sur les jansénistes et les 
voltairiens de la majorité de l'Assemblée nationale, elle devait ressentir 
d'autant plus vivement la menace qui se cachait sous les formes polies 
du mémoire. "Le Prince-Evêque, y lisait-on, et le Grand-Chapitre de la 
ville de Strasbourg se sont soumis volontairement au roi; ils l'ont 
reconnu pour souverain seigneur et protecteur, _à condition que la 
France les maintiendra dans leurs droits, leurs privilèges, leurs 
propriétés._ Sa Majesté le leur a promis. _Les puissances étrangères ont 
garanti l'inviolabilité de ce pacte_..." Ce n'était qu'une figure de 
rhétorique sans conséquence, que l'affirmation dans une phrase finale, 
de la confiance du Grand-Chapitre en la "sagesse et la sainte équité" de 
l'Assemblée, qu'elle se hâterait de prouver par ses actes "aux puissances 
garantes" et à la France elle-même"[1]. 
[Note 1: Pour le Grand-Chapitre de la Cathédrale de Strasbourg. 
Strasb., Levrault, 1789, 4 pages in-4°.] 
Plus tard, alors qu'on eut quelque peu perdu l'espoir d'intimider 
l'Assemblée Nationale, on essaya de la gagner. Le 30 novembre, un 
grand nombre de dignitaires du clergé diocésain se réunissaient à 
Strasbourg pour signer, d'accord avec son chef, une déclaration portant 
abandon au trésor royal de la moitié des revenus d'une année entière au 
nom de l'Eglise d'Alsace, à condition que la Constituante confirmerait 
ses droits et privilèges. Cette démarche, appuyée par des centaines de 
signatures, eut naturellement aussi peu de succès que la première [2].
[Note 2: Réclamations et protestations du Clergé du diocèse de 
Strasbourg et de celui de toute la Basse-Alsace. S. 1. 1790, in-18.] 
On pense bien que des délibérations de ce genre et des documents 
pareils provoquaient une émotion passablement vive dans la population 
strasbourgeoise. Si c'était là le langage des pièces officielles, sur quel 
ton ne devait-on pas parler dans les poêles des tribus, dans les cafés et 
les tavernes? A coup sûr, l'attitude du clergé, comme celle plus calme 
du Magistrat, y suscitaient des attaques fort vives et des 
applaudissements non moins énergiques. La liberté de presse, quoique 
existant de fait, était alors encore une conquête trop récente pour que 
nous puissions suivre, à ce moment déjà, par les journaux locaux et les 
feuilles volantes, les fluctuations de l'opinion publique. Ce n'est que 
quelques mois plus tard que commence la véritable bataille et l'éclosion 
de ces innombrables pièces de tout genre qui font le bonheur et plus 
souvent encore le désespoir du collectionneur et de l'historien. Nous 
pouvons deviner cependant que le clergé strasbourgeois ne négligea 
rien pour se concilier l'opinion publique. C'est ainsi qu'au moment où 
s'accentuait le débat sur les biens ecclésiastiques, nous voyons paraître 
dans les journaux un _Avis aux pères de famille,_ émanant de la 
maîtrise des enfants de choeur de la Cathédrale. Il annonçait l'ouverture 
prochaine, rue Brûlée, d'une "Académie en faveur des enfants de la 
ville, où l'on enseignera les langues allemande, française et latine, la 
géographie, l'histoire, la musique, le dessin et la danse", et où l'on 
"attachera tout particulièrement à la formation du caractère, des moeurs 
et de la religion des enfants"[3]. L'ouverture d'un établissement de ce 
genre, à cet instant précis, ne devait-elle pas réfuter l'accusation 
courante que les richesses de la Cathédrale ne concouraient à aucune 
oeuvre méritoire, et bien constater devant tous "le désir de se rendre 
utile aux citoyens de Strasbourg"? 
[Note 3: Affiches de Strasbourg, 5 septembre 1789.] 
De pareilles démarches ne pouvaient manquer d'atteindre, au moins 
partiellement, le but proposé, c'est-à-dire de provoquer un courant 
sympathique aux intérêts de l'Eglise dans la population de la ville. Ce 
qui devait également faciliter la tâche des chefs du parti, c'était le
mécontentement, fort explicable, de la population catholique, en 
présence des décrets, annoncés déjà, de l'Assemblée Nationale (et qui 
devaient en effet intervenir plus tard), qui exceptaient les biens 
ecclésiastiques protestants d'Alsace de    
    
		
	
	
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