La belle Gabrielle, vol. 2 | Page 2

Auguste Maquet
le suis plus aujourd'hui. J'aime mon pays, moi, et je sers mon Dieu. L'opposition que j'ai pu faire �� un prince h��r��tique, je n'ai plus le droit d'en accabler un roi catholique. Maintenant, libre �� vous de vous liguer et religuer, mais ne m'en rompez point les oreilles, et ne compromettez pas ma maison par vos blasph��mes.
La Ram��e s'inclina tremblant de rage; ses yeux eussent poignard�� M. d'Entragues, si le m��pris assassinait.
Celui-ci continuait �� marcher vers l'escalier d'Henriette.
--Puisque vous cherchez Mme d'Entragues, dit-il �� la Ram��e, ce n'est point ici que vous la trouverez.
--Je l'ai crue chez Mlle Henriette, murmura la Ram��e, pardon.
Et il se retournait pour partir lorsque parut Henriette en haut de l'escalier.
--Bonjour, mon p��re, dit-elle en descendant avec pr��caution pour ne pas s'embarrasser dans les plis de sa longue robe de cheval que soutenait un page et une femme de chambre.
Au son de cette voix, la Ram��e resta clou�� sur le sol, et tous les Entragues du monde, avec leurs injures et leur profession de foi, n'eussent pas r��ussi �� le faire reculer d'une semelle.
Henriette ��tait resplendissante de toilette et de beaut��. Sa robe de satin gris perle, brod��e d'or, un petit toquet de velours rouge, duquel jaillissait une fine aigrette blanche, et le pied cambr�� dans sa bottine de satin rouge, et le bas de sa jambe ferme et ronde qui se trahissait �� chaque pas dans l'escalier, firent pousser un petit cri de satisfaction au p��re et un rugissement sourd d'admiration idolatre �� la Ram��e.
--Tu es belle, tr��s-belle, Henriette, dit M. d'Entragues; �� la bonne heure, ce corsage est galant, penche un peu la coiffure, cela donne aux yeux plus de vivacit��. Je te trouve pale.
Henriette venait d'apercevoir la Ram��e. Toute gaiet�� disparut de sa physionomie. Elle adressa un long regard et un grave salut au jeune homme, dont l'obsession avide mendiait ce salut et ce regard.
--Ta m��re doit ��tre pr��te, allons la chercher, dit M. d'Entragues qui, tout en marchant, surveillait le jeu des plis et chaque d��tail de la toilette, �� ce point qu'il redressa sur l'��paule de sa fille les torsades d'une aiguillette qui s'��tait embrouill��e dans une aiguillette voisine.
Quant �� la Ram��e, il ��tait oubli��. Henriette marchait, inond��e de soleil, enivr��e d'orgueil, respirant avec l'air embaum�� des lis et des jasmins les murmures d'admiration qui ��clataient sur son passage dans les rangs press��s des villageois et des serviteurs accourus pour jouir du spectacle.
M. d'Entragues quitta un moment sa fille pour aller s'informer de la m��re. La Ram��e profita de ce moment pour s'approcher d'Henriette et lui dire:
--Vous ne m'attendiez pas aujourd'hui, je crois?
Elle rougit. Le d��pit et l'impatience pliss��rent son front.
--Pourquoi vous euss��-je attendu? dit-elle.
--Peut-��tre e?t-il ��t�� charitable de m'avertir. Je me fusse pr��par��, j'eusse tach�� de ne pas d��parer votre cavalcade.
--Je n'ai pu croire qu'un ligueur convaincu comme vous l'��tes, se f?t d��cid�� �� venir �� Saint-Denis aujourd'hui.
--Vous savez bien, dit la Ram��e avec affectation, que pour vous, Henriette, je me d��cide toujours �� tout.
Ces mots furent soulign��s avec tant de volont��, qu'ils redoubl��rent la paleur d'Henriette.
--Silence, dit-elle, voici mon p��re et ma m��re.
La Ram��e recula lentement d'un pas.
On vit descendre alors, majestueuse comme une reine, ��blouissante comme un reliquaire, la noble dame d'Entragues, dont le costume flottait entre les souvenirs de son cher printemps et les exigences de son automne. Elle n'avait pu sacrifier tout �� fait le vertugadin de 1573 aux jupes moins incommodes, mais moins solennelles de 1593, et malgr�� cette h��sitation entre le jeune et le vieux, elle ��tait encore assez belle pour que sa fille, en la voyant, oubliat la Ram��e, tout le monde, et redevint une femme occup��e de trouver le c?t�� faible d'une toilette de femme. M. d'Entragues enchant�� put se croire un instant roi de France par la grace de cette divinit��.
La dame chatelaine fut moins d��daigneuse qu'Henriette pour la Ram��e. Du plus loin qu'elle l'aper?ut, elle lui sourit et l'appela.
--Qu'on am��ne les chevaux! dit-elle, tandis que je vais entretenir M. de la Ram��e.
Tout le monde s'empressa d'ob��ir, M. d'Entragues le premier, qui dirigea lui-m��me les ��cuyers et les pages.
Marie Touchet resta seule avec la Ram��e.
--Votre p��re, dit-elle, sa sant��?
--Le m��decin m'a pr��venu, madame, qu'il ne passerait pas le mois.
--Oh! pauvre gentilhomme, dit Marie Touchet; mais si vous perdez votre p��re, il vous restera des amis.
La Ram��e s'inclina l��g��rement en regardant Henriette qui s'appr��tait �� monter �� cheval.
--Quoi de nouveau sur le bless��? dit vivement Marie Touchet en lui frappant sur l'��paule de sa main gant��e.
--Rien, madame. J'ai eu beau, depuis ce jour, chercher, m'enqu��rir assid?ment, je n'ai rien trouv��. Les traces de sang avaient ��t��, comme vous savez, interrompues par la rivi��re, et je me suis aper?u qu'�� force de questionner sur un bless��, sur un garde du roi, je devenais suspect. On me l'a fait sentir en deux ou trois
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