le mot de suggestibilité répond à plusieurs phénomènes que l'on doit 
provisoirement distinguer; ces phénomènes sont les suivants: 
1° L'obéissance à une influence morale, venant d'une personne étrangère. C'est là le sens 
technique, en quelque sorte, du mot suggestibilité; 
2° La tendance à l'imitation, tendance qui dans certains cas peut se combiner avec une 
influence morale de suggestion, et dans d'autres cas, exister à l'état isolé; 
3° L'influence d'une idée préconçue qui paralyse le sens critique; 
4° L'attention expectante ou les erreurs inconscientes d'une imagination mal réglée; 
5° Les phénomènes subconscients qui se produisent pendant un état de distraction ou par 
suite d'un événement quelconque qui a créé une division de conscience. C'est à cette 
catégorie qu'appartiennent les mouvements inconscients, le cumberlandisme, les tables 
tournantes et l'écriture spirite. 
Je crois utile d'ajouter que les distinctions que je viens de proposer sont entièrement 
théoriques; elles résultent d'une simple analyse de la question et leur but est de préparer 
les voies à des recherches expérimentales; l'expérimentation seule peut éclairer ces 
différents points; je me suis servi de cette analyse comme point de départ pour instituer 
différentes expériences; il faudra rechercher ensuite si l'expérience confirme les 
distinctions susdites. 
Nous allons maintenant reprendre chacune de ces variétés de suggestibilité, la définir 
avec soin et rechercher comment les auteurs ont pu en faire l'étude, par des méthodes 
absolument étrangères à l'hypnotisme. 
 
I 
SUGGESTIBILITÉ PROPREMENT DITE OU OBÉISSANCE 
Etre suggestible ou être autoritaire, voilà un dilemme qui se pose à propos de chaque
individu: le succès de toute une carrière en dépend et on peut dire que les 
autoritaires--toutes choses égales d'ailleurs, c'est-à-dire si la mauvaise fortune, 
l'inconduite, etc., ne se mettent pas en travers--ont bien plus de chance d'arriver dans la 
vie que les suggestibles. On ne pourrait pas citer beaucoup d'individus ayant atteint de 
hautes situations qui manqueraient d'autorité. L'autorité peut remplacer toutes les autres 
qualités intellectuelles; dans un cercle, quel est celui qu'on écoute? ce n'est pas le plus 
intelligent, celui qui pourrait dire les choses les plus curieuses; c'est celui qui a le plus 
d'autorité, dont le regard est volontaire, dont la parole, pleine, sonore, articule lentement 
des phrases interminables, dont tout le monde supporte respectueusement l'ennui. Il y a 
plaisir à analyser, témoin invisible, une conversation de cinq ou six personnes, à laquelle 
on ne prend aucune part; on voit de suite quel est celui qui fait de la suggestion; celui-là 
guide la conversation, en règle l'allure, impose son opinion, développe ses idées; puis il y 
a parfois lutte; un autre, plus ferré sur un certain terrain, prend l'avantage et réussit à se 
faire écouter. Un interlocuteur nouveau peut changer complètement l'état des forces, car, 
chose surprenante, l'autorité est une qualité toute relative; une personne A en exerce sur B, 
qui en exerce sur C, et C à son tour tient A sous son autorité. 
La manière d'affirmer, le ton de la voix, la forme grammaticale peuvent révéler celui qui 
a de l'autorité: il y a des phrases modestes comme: «je ne sais pas», ou «je vous demande 
pardon», qu'un homme d'autorité affirme avec éclat. Certaines qualités physiques 
augmentent l'autorité; la conscience de sa force en donne beaucoup. Un sportsman de 
mes connaissances, qui fait le courtier de commerce, disait que le secret de son aplomb 
réside dans sa conviction de ne jamais rencontrer des poings plus forts que les siens. Le 
costume ajoute aussi à l'autorité, le costume militaire surtout, ainsi du reste que tout ce 
cérémonial dont Pascal s'est moqué, mais dont il a parfaitement compris le sens. Le 
nombre est aussi un facteur important: douze individus en groupe qui regardent un 
individu isolé exercent sur lui une autorité énorme; malheur à celui qui est seul. On a 
parfaitement ce sentiment quand on croise, isolé, dans une rue de village, une compagnie 
de militaires qui vous regardent: il faut beaucoup d'autorité pour soutenir tous ces regards, 
et l'homme timide se détourne. Cette influence de masse, nous l'avons vue et en quelque 
sorte mesurée, M. Vaschide et moi, dans des expériences que nous faisions récemment 
dans les écoles sur la mémoire des chiffres. Ces expériences avaient lieu collectivement; 
nous réunissions dans une classe dix élèves ou davantage, et après une explication, nous 
dictions des chiffres que les élèves devaient écrire de mémoire, sans faire de bruit, sans 
plaisanter et sans tricher. Nous étions deux, et seuls pour maintenir la discipline; les 
jeunes gens avaient de seize à dix-huit ans, parisiens, et passablement bruyants; nous 
n'avions sur eux aucune autorité matérielle, ne pouvant pas leur infliger de punition; enfin, 
l'épreuve était monotone et assez fatigante. Il nous fut très facile de constater que nous 
pouvions tenir en respect une dizaine de ces jeunes gens, mais dès que ce nombre était 
dépassé, la discipline se relâchait, les élèves étaient plus bruyants et    
    
		
	
	
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