en coûte cela pour être un héros, j'aime autant 
rester ce que je suis. 
--Bon! les femmes ont de si singulières idées, et puis lady Hamilton 
aime si merveilleusement la reine! Ce qu'elle ne fera pas par amour, 
elle le fera par amitié. 
--Enfin! dit le roi comme un homme qui s'en remet à la Providence du 
soin d'arranger une affaire difficile.
Puis, à Ruffo: 
--Maintenant, continua-t-il, vous avez bien un conseil à me donner dans 
cette affaire-là? 
--Certainement; le seul même qui soit raisonnable. 
--Lequel? demanda le roi. 
--Votre Majesté a un traité d'alliance avec son neveu l'empereur 
d'Autriche. 
--J'en ai avec tout le monde, des traités d'alliance; c'est bien ce qui 
m'embarrasse. 
--Mais enfin, sire, vous devez fournir un certain nombre d'hommes à la 
prochaine coalition. 
--Trente mille. 
--Et vous devez combiner vos mouvements avec ceux de l'Autriche et 
de la Russie. 
--C'est convenu. 
--Eh bien, quelles que soient les instances que l'on fera près de vous, 
sire, attendez, pour entrer en campagne, que les Autrichiens et les 
Russes y soient entrés eux-mêmes. 
--Pardieu! c'est bien mon intention. Vous comprenez, Éminence, que je 
ne vais pas m'amuser à faire la guerre tout seul aux Français... Mais... 
--Achevez, sire. 
--Si la France n'attend pas la coalition? Elle m'a déclaré la guerre, si 
elle me la fait? 
--Je crois, par mes relations de Rome, pouvoir vous affirmer, sire, que 
les Français ne sont pas en mesure de vous la faire.
--Hum! voilà qui me tranquillise un peu. 
--Maintenant, si Votre Majesté me permettait... 
--Quoi? 
--Un second conseil. 
--Je le crois bien! 
--Votre Majesté ne m'en avait demandé qu'un; il est vrai que le second 
est la conséquence du premier. 
--Dites, dites. 
--Eh bien, à la place de Votre Majesté, j'écrirais de ma main à mon 
neveu l'empereur, pour savoir de lui, non pas diplomatiquement, mais 
confidentiellement, à quelle époque il compte se mettre en campagne, 
et, prévenu par lui, je réglerais mes mouvements sur les siens. 
--Vous avez raison, mon éminentissime, et je vais lui écrire à l'instant 
même. 
--Avez-vous un homme sûr à lui envoyer, sire? 
--J'ai mon courrier Ferrari. 
--Mais sûr, sûr, sûr? 
--Eh! mon cher cardinal, vous voulez un homme trois fois sur, quand il 
est si difficile d'en trouver qui le soit une fois. 
--Enfin, celui-là? 
--Je le crois plus sûr que les autres. 
--Il a donné à Votre Majesté des preuves de sa fidélité? 
--Cent.
--Où est-il? 
--Où est-il? Parbleu! il est ici quelque part, couché dans mes 
antichambres, tout botté et tout éperonné, pour être prêt à partir au 
premier ordre, quelque heure du jour ou de la nuit que ce soit. 
--Il faut écrire d'abord, et nous le chercherons après. 
--Écrire, c'est facile à dire, Éminence; où diable vais-je trouver à cette 
heure-ci de l'encre, du papier et des plumes? 
--L'Évangile dit: Quære et invenies. 
--Je ne sais pas le latin. Votre Éminence. 
--«Cherche et tu trouveras.» 
Le roi alla à son secrétaire, ouvrit tous les tiroirs les uns après les autres, 
et ne trouva rien de ce qu'il cherchait. 
--L'Évangile ment, dit-il. 
Et il retomba tout contrit dans son fauteuil. 
--Que voulez-vous, cardinal! ajouta-t-il en poussant un soupir, je 
déteste écrire. 
--Votre Majesté est cependant décidée à en prendre la peine cette nuit. 
--Sans doute; mais, vous le voyez, tout me manque; il me faudrait 
réveiller tout mon monde, et encore... Vous comprenez bien, mon cher 
ami, quand le roi n'écrit pas, personne n'a de plumes, d'encre ni de 
papier. Oh! je n'aurais qu'à faire demander tout cela chez la reine, elle 
en a, elle. C'est une écriveuse. Mais, si l'on savait que j'ai écrit, on 
croirait, ce qui est vrai, au reste, que l'État est en péril. «Le roi a écrit... 
A qui? pourquoi?» Ce serait un événement à remuer tout le palais. 
--Sire, c'est donc à moi de trouver ce que vous cherchez inutilement.
--Et où cela? 
Le cardinal salua le roi, sortit, et, une minute après, rentra avec du 
papier, de l'encre et des plumes. 
Le roi le regarda d'un air d'admiration. 
--Où diable avez-vous pris cela, Éminence? demanda-t-il. 
--Tout simplement chez vos huissiers. 
--Comment! malgré ma défense, ces drôles-là avaient du papier, de 
l'encre et des plumes? 
--Il leur faut bien cela pour inscrire les noms de ceux qui viennent 
solliciter des audiences de Votre Majesté. 
--Je ne leur en ai jamais vu. 
--Parce qu'ils les cachaient dans une armoire. J'ai découvert l'armoire, 
et voilà tout ce qui est nécessaire à Votre Majesté. 
--Allons, allons, vous êtes homme de ressource. Maintenant, mon 
éminentissime, dit le roi d'un air dolent, est-il bien nécessaire que cette 
lettre soit écrite de ma main? 
--Cela vaudra mieux, elle en sera plus confidentielle. 
--Alors, dictez-moi. 
--Oh! sire... 
--Dictez-moi, vous dis-je, ou, sans cela, je serai deux heures à écrire 
une demi-page. Ah! j'espère bien que San-Nicandro est    
    
		
	
	
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