retraite à Schipani, et lui envoya mille hommes pour 
l'y aider. 
C'était ce que craignait Salvato. Du haut du petit fort du Granatello, il 
avait vu une troupe considérable, contournant la base du Vésuve, 
s'avancer vers Portici; il avait entendu des coups de fusil, et, après une 
courte lutte, la mousquetade avait cessé. 
Il était clair pour lui que la route de Naples était coupée, et il insistait 
fortement pour que Schipani, sans perdre un instant, marchât vers 
Naples, forçât l'obstacle et revînt avec ses quinze cents ou deux mille 
hommes, protégés par le fort de Vigliana, défendre les approches du 
pont de la Madeleine. 
Mais, mal renseigné, Schipani s'obstinait à voir arriver l'ennemi par la 
route de Sorrente. 
Une vive canonnade, qui se faisait entendre du côté du pont de la 
Madeleine, indiquait que le cardinal attaquait Naples de ce côté.
Si Naples tenait quarante-huit heures, et si les républicains faisaient un 
suprême effort, on pouvait tirer parti de la position où s'était mis le 
cardinal, et, au lieu que ce fût Schipani qui fût coupé, c'était le cardinal 
qui se trouvait entre deux feux. 
Seulement, il fallait qu'un homme de courage, de volonté et 
d'intelligence, capable de surmonter tous les obstacles, retournât à 
Naples et pesât sur la délibération des chefs. 
La position était embarrassante. Comme Dante, Salvato pouvait dire: 
«Si je reste, qui ira? Si je vais, qui restera?» 
Il se décida à partir, recommandant à Schipani de ne pas sortir de ses 
retranchements qu'il n'eût reçu de Naples un ordre positif qui lui 
indiquât ce qu'il avait à faire. 
Puis, toujours suivi du fidèle Michele, qui lui faisait observer qu'inutile 
en rase campagne, il pourrait être fort utile dans les rues de Naples, il 
sauta dans une barque, se dirigea droit sur la flottille de Caracciolo, se 
fit reconnaître de l'amiral, auquel il communiqua son plan et qui 
l'approuva, passa à travers la flottille, qui couvrait la mer d'une nappe 
de feu et le rivage d'une pluie de boulets et de grenades, rama droit sur 
le Château-Neuf, et aborda dans l'anse du môle. 
Il n'y avait pas un instant à perdre, ni d'un côté ni de l'autre. Salvato et 
Michele s'embrassèrent. Michele courut au Marché-Vieux et Salvato au 
Château-Neuf, où se tenait le conseil. 
Esclave de son devoir, il monta droit à la chambre où il savait trouver 
le directoire et exposa son plan aux directeurs, qui l'approuvèrent. 
Mais on connaissait Schipani pour une tête de fer. On savait qu'il ne 
recevrait d'ordres que de Writz ou de Bassetti, ses deux chefs. On 
renvoya Salvato à Writz, qui combattait au pont de la Madeleine. 
Salvato s'arrêta un instant chez Luisa, qu'il trouva mourante et à 
laquelle il rendit la vie comme un rayon de soleil rend la chaleur. Il lui 
promit de la revoir avant de retourner au combat, et, s'élançant sur un
cheval neuf qu'il avait ordonné pendant ce temps, il suivit au grand 
galop le quai qui conduit au pont de la Madeleine. 
C'était le fort du combat. Le petit fleuve du Sebeto séparait les 
combattants. Deux cents hommes jetés dans l'immense bâtiment des 
Granili faisaient feu par toutes les fenêtres. 
Le cardinal était là, bien reconnaissable à son manteau de pourpre, 
donnant ses ordres au milieu du feu et affirmant dans l'esprit de ses 
hommes qu'il était invulnérable aux balles qui sifflaient à ses oreilles, et 
que les grenades qui venaient éclater entre les jambes de son cheval ne 
pouvaient rien sur lui. 
Aussi, fiers de mourir sous les yeux d'un pareil chef; sûrs, en mourant, 
de voir s'ouvrir à deux battants pour eux les portes du paradis, les 
sanfédistes, toujours repoussés, revenaient-ils sans cesse à la charge 
avec une nouvelle ardeur. 
Du côté des patriotes, le général Writz était aussi facile à voir que, du 
côté des sanfédistes, le cardinal. A cheval comme lui, il parcourait les 
rangs, excitant les républicains à la défense comme le cardinal, lui, 
excitait à l'attaque. 
Salvato le vit de loin et piqua droit à lui. Le jeune général semblait être 
tellement habitué au bruit des balles, qu'il n'y faisait pas plus attention 
qu'au sifflement du vent. 
Si pressés que fussent les rangs des républicains, ils s'écartèrent devant 
lui: on reconnaissait un officier supérieur, alors même que l'on ne 
reconnaissait pas Salvato. 
Les deux généraux se joignirent au milieu du feu. 
Salvato exposa à Writz le but de sa course. Il tenait l'ordre tout prêt: il 
le fit lire à Writz, qui l'approuva. Seulement, la signature manquait. 
Salvato sauta à bas de son cheval, qu'il donna à tenir à l'un de ses 
Calabrais, qu'il reconnut dans la mêlée, et alla dans une maison voisine,
qui servait d'ambulance, chercher une plume toute trempée d'encre. 
Puis il revint à Writz et lui remit la plume. 
Writz s'apprêta à signer l'ordre sur l'arçon    
    
		
	
	
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