et il s'en 
échappait par instants des effluves ardentes dont on subissait malgré soi 
l'impression pénétrante et forte. 
-- Dieu a eu pitié de votre situation lamentable, dit enfin Gaston; la 
liberté qui va vous être rendue vous permettra de vous livrer à des 
recherches qui vous ont été interdites jusqu'à ce jour. 
-- J'essaierai, en effet, répondit la jeune femme en remuant tristement la 
tête. 
-- Au moins, votre père vous laisse-t-il quelque aisance? 
Un double éclair s'alluma à cette question dans les yeux de la fille du 
capitaine d'armes, et un sourire d'une expression mystérieuse releva le 
coin de sa lèvre. 
-- Sous ce rapport, dit-elle d'un ton ironique, le hasard aura déjoué les 
calculs de mon bourreau. 
-- Comment cela? 
-- Au moment où il vint habiter le phare, mon père avait réalisé presque 
toute sa fortune, qui consistait en vingt mille dollars environ... Je savais 
qu'il avait caché cette somme dans une des nombreuses caches que 
recèlent les murs épais de la tour, et pendant deux années, sans lui 
donner le soupçon de mes préoccupations, j'usai de mille stratagèmes 
pour découvrir l'endroit où il avait enfoui son trésor. Il y a huit jours 
seulement, et comme sa fin approchait, que je parvins enfin à mon but. 
-- Et vous avez cette somme?
-- Il y avait à peine dix minutes qu'il avait cessé de vivre, qu'elle était 
en ma possession. 
Gaston baissa le front sans répondre. 
Décidément, tout ce qu'il voyait ou entendait depuis un moment, le 
rejetait dans un monde de sensations excessives, où toutes les lois de la 
conscience humaine semblaient être singulièrement méconnues! 
Au surplus, on ne lui laissa pas le temps de s'abandonner à des 
réflexions ni de discuter ses impressions. 
La jeune femme s'était levée, et, à voir l'air de résolution qui se 
manifesta sur ses traits, on pouvait croire qu'elle en avait fini avec les 
émotions violentes qu'un moment le souvenir du passé avait éveillées 
en elle. 
-- Maintenant, dit-elle, vous me connaissez tout entière, Monsieur, et 
j'espère que vous voudrez bien me rendre le service que j'ai à vous 
demander, puisque vous êtes certain que votre intérêt ne s'égarera pas 
sur une créature indigne. 
-- Qu'attendez-vous de moi? interrogea Gaston, repris de nouveau par 
sa curiosité. 
-- Peu de chose, en réalité; mais de votre concours dépend peut- être le 
succès des recherches auxquelles je vais me livrer. 
-- Parlez en toute confiance, et si je puis vous être utile. 
-- En premier lieu, continua la jeune femme, vous m'aiderez à abréger 
toutes les formalités que je vais avoir à subir au sortir de cette prison! Il 
s'agit, d'abord, d'emporter d'ici le corps de mon père, et de le déposer 
dans le cimetière du bourg le plus voisin. 
-- Cela sera fait comme vous le souhaitez: dans une heure, la chaloupe 
viendra prendre le cercueil, et dès demain, il sera enseveli dans le lieu 
que vous aurez désigné vous-même. J'ajoute que l'équipage de
l'Atalante l'accompagnera à sa demeure dernière. 
-- Merci. 
-- Ce n'est pas tout ce que vous désirez? 
-- Non, Monsieur. 
-- Qu'y a-t-il encore? 
La jeune femme parut hésiter une dernière fois; mais elle fit aussitôt un 
effort sur elle-même, et leva son regard assuré sur Gaston. 
-- Vous êtes jeune, Monsieur, dit-elle d'une voix ferme; pendant les 
courts instants que je viens de passer avec vous, j'ai pu m'assurer que 
vous êtes sensible et bon, et je me suis persuadé qu'une femme ne 
s'adressera pas en vain à votre loyauté. 
-- Je ne vous comprends pas. 
-- Je vais m'expliquer. Votre temps est précieux, je n'en doute pas, et je 
comprends que vous ayez hâte de reprendre la mer. 
-- Sans doute. 
-- Cependant si je vous priais de ne pas vous éloigner tout de suite, de 
m'accorder un jour ou deux, pour m'aider dans certaines démarches que 
je ne puis faire seule ou qui, du moins, acquerraient une grande autorité 
si je les faisais appuyée à votre bras et recommandée de votre nom. 
-- Que voulez-vous dire? 
-- Est-ce trop demander à votre courtoisie? 
-- Ce n'est malheureusement pas de courtoisie qu'il s'agit, Madame, 
mais de mon devoir qui m'oblige à reprendre la mer le plus tôt possible. 
-- Alors vous comptez repartir demain.
-- Demain, à l'issue de la cérémonie funèbre. 
La jeune femme réprima un mouvement de contrariété, et son regard 
plongea dans celui du commandant. 
-- Soit! dit-elle d'un ton nerveux, j'espérais mieux, mais je n'insiste pas. 
Seulement, dans les délais que vous venez d'indiquer vous-même, 
pourrai-je compter sur vous? 
-- Assurément. 
-- Vous voudrez bien m'accorder votre appui et votre bras? 
-- Sans doute. 
-- Ce que je vous demande-là, songez-y, Monsieur, je ne puis le 
demander à personne autre. Désormais, je suis seule au monde, et si 
vous me refusiez... 
-- Mais,    
    
		
	
	
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