mois ta fiancée ne dépendra plus que d'elle-même; elle
t'acceptera, j'en réponds; vis entre une épouse, une mère tendres, qui te
chériront à qui mieux mieux. Sois indulgent pour elles, heureux pour
toi, mon fils; gai, libre, et bon pour tout le monde; il ne manquera rien à
ta mère.
FIGARO.
Tu parles d'or, maman, et je me tiens à ton avis. Qu'on est sot en effet!
il y a des mille mille ans que le monde roule; et dans cet océan de durée
où j'ai par hasard attrapé quelques chétifs trente ans qui ne reviendront
plus, j'irais me tourmenter pour savoir à qui je les dois! tant pis pour
qui s'en inquiéte. Passer ainsi la vie à chamailler, c'est peser sur le
collier sans relâche, comme les malheureux chevaux de la remonte des
fleuves, qui ne reposent pas, même quand ils s'arrêtent, et qui tirent
toujours quoiqu'ils cessent de marcher. Nous attendrons.
J'AI bien regretté ce morceau; et maintenant que la pièce est connue, si
les comédiens avaient le courage de le restituer à ma prière, je pense
que le public leur en saurait beaucoup de gré. Ils n'auraient plus même
à répondre comme je fus forcé de le faire à certains censeurs du beau
monde, qui me reprochaient à la lecture de les intéresser pour une
femme de mauvaises moeurs.--Non, Messieurs, je n'en parle pas pour
excuser ses moeurs, mais pour vous faire rougir des vôtres sur le point
le plus destructeur de toute honnêteté publique; la corruption des
jeunes personnes; et j'avais raison de le dire, que vous trouvez ma pièce
trop gaie, parce qu'elle est souvent trop sévère. Il n'y a que façon de
s'entendre.
--Mais votre Figaro est un soleil tournant, qui brûle, en jaillissant, les
manchettes de tout le monde.--Tout le monde est exagéré. Qu'on me
sache gré du moins s'il ne brûle pas aussi les doigts de ceux qui croient
s'y reconnaître: au temps qui court on a beau jeu sur cette matière au
théâtre. M'est-il permis de composer en auteur qui sort du collége, de
toujours faire rire des enfans, sans jamais rien dire à des hommes? Et
ne devez-vous pas me passer un peu de morale, en faveur de ma gaieté,
comme on passe aux Français un peu de folie en faveur de leur raison?
Si je n'ai versé sur nos sottises qu'un peu de critique badine, ce n'est pas
que je ne sache en former de plus sévères: quiconque a dit tout ce qu'il
sait dans son ouvrage, y a mis plus que moi dans le mien. Mais je garde
une foule d'idées qui me pressent pour un des sujets les plus moraux du
théâtre, aujourd'hui sur mon chantier: la Mère coupable; et si le dégoût
dont on m'abreuve me permet jamais de l'achever, mon projet étant d'y
faire verser des larmes à toutes les femmes sensibles, j'élèverai mon
langage à la hauteur de mes situations; j'y prodiguerai les traits de la
plus austère morale, et je tonnerai fortement sur les vices que j'ai trop
ménagés. Apprêtez-vous donc bien, Messieurs, à me tourmenter de
nouveau; ma poitrine a déjà grondé; j'ai noirci beaucoup de papier au
service de votre colère.
Et vous, honnêtes indifférens, qui jouissez de tout sans prendre parti sur
rien; jeunes personnes modestes et timides, qui vous plaisez à ma Folle
Journée, (et je n'en reprends sa défense que pour justifier votre goût)
lorsque vous verrez dans le monde un de ces hommes tranchans
critiquer vaguement la pièce, tout blâmer sans rien désigner, surtout la
trouver indécente; examinez bien cet homme-là; sachez son rang, son
état, son caractère; et vous connaîtrez sur le champ le mot qui l'a blessé
dans l'ouvrage.
On sent bien que je ne parle pas de ces écumeurs littéraires, qui vendent
leurs bulletins ou leurs affiches à tant de liards le paragraphe. Ceux-là,
comme l'abbé Bazile, peuvent calomnier; ils médiraient, qu'on ne les
croirait pas.
Je parle moins encore de ces libellistes honteux, qui n'ont trouvé d'autre
moyen de satisfaire leur rage, l'assassinat étant trop dangereux, que de
lancer du cintre de nos salles, des vers infames contre l'auteur, pendant
que l'on jouait sa pièce. Ils savent que je les connais: si j'avais eu
dessein de les nommer, ç'aurait été au ministère public; leur supplice
est de l'avoir craint, il suffit à mon ressentiment. Mais on n'imaginera
jamais jusqu'où ils ont osé élever les soupçons du public sur une aussi
lâche épigramme! semblables à ces vils charlatans du Pont-neuf, qui,
pour accréditer leurs drogues, farcissent d'ordres, de cordons, le tableau
qui leur sert d'enseigne.
Non, je cite nos importans, qui, blessés, on ne sait pourquoi, des
critiques semées dans l'ouvrage, se chargent d'en dire du mal, sans
cesser de venir aux noces.
C'est un plaisir assez piquant de les voir d'en bas au spectacle, dans

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