La Confession de Talleyrand, V. 1-5 | Page 2

Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord
la connaissance
de vos lecteurs.
Tous les papiers de M. de Talleyrand ont été légués par lui à sa nièce,
madame la duchesse de Dino, qui les a transmis par testament à M. de
Bacourt, ancien ambassadeur, qui avait rempli le poste de premier
secrétaire pendant l'ambassade du prince à Londres. M. de Bacourt, à
son tour, les a légués à MM. Andral et Chatelain, et M. Andral m'a
désigné comme légataire de la part de cette propriété qui lui
appartenait.
Aucune partie de ce legs n'a pu en être distraite sans le consentement
des propriétaires.
Nous ignorons donc absolument, M. Chatelain et moi, quelles peuvent

être la nature et l'origine du manuscrit dont l'auteur de l'article du Times
a eu connaissance.
Tous ceux qui ont été en relation avec M. de Talleyrand lui-même ou
ses héritiers savent que beaucoup des papiers du prince avaient été
dérobés, de son vivant, par un secrétaire infidèle qui, ayant acquis l'art
de contrefaire habilement son écriture, ne s'est pas fait scrupule de les
altérer et d'y mêler des pièces entièrement fausses.
Le fait est rapporté avec des détails tout à fait exacts dans le fragment
des Souvenirs de M. de Barante inséré dans le numéro du 15 mai de la
Revue des Deux-Mondes, et il suffit pour mettre les lecteurs en garde
contre tous les documents de source inconnue qui pourraient être mis
en circulation sous le nom de M. de Talleyrand.
D'ailleurs, les dispositions testamentaires de M. de Talleyrand sont si
explicites qu'aucun de ses papiers ne peut être publié sans le concours
de ses légataires. Tout essai de publication de ce genre serait
légalement interdit.
BROGLIE. 2 juin 1890.
Grand' Maman,--c'est le nom du Times dans la Cité,--n'a pas l'illusion
de croire qu'il a eu la primeur des Mémoires de Talleyrand. Bien
d'autres avant lui ont eu cette bonne fortune, et les Mémoires de
Madame de Rémusat en ont donné un avant-goût.
La constante préoccupation du Prince-diplomate a été le kant anglais:
«Je n'ai qu'une peur, c'est celle des inconvenances.» Cette crainte,
Canaille, tant qu'on voudra, mauvais genre, jamais, a été le principe de
ses actes et la règle de sa vie, et sa fin ne l'a pas démentie: «M. de
Talleyrand est mort en homme qui sait vivre.»
Il était facile de prévoir que ses Mémoires montreraient une figure de
cire, le masque blafard du comédien politique sur la scène et du
courtisan gentilhomme en costume de cour, engoncé dans l'entonnoir
blanc d'un vaste col émergeant de la haute cravate du Directoire,
comme un bouquet fané dans son cornet de papier, avec la grimace

figée d'un singe sacerdotal, la pose disloquée d'un clown glacial,
arrangé, coiffé, grimé, la quille raide devant l'histoire et la postérité, sur
le seuil du vingtième siècle. Cette prévision s'est réalisée, et ces
souvenirs du Vétéran de la diplomatie ne sont autre chose que le
Mémorial des cours européennes, le Bulletin des cabinets et les
Annales des chancelleries.
Si on veut connaître Talleyrand, il ne faut pas le chercher dans la Copie
de ses Mémoires, il n'y est pas, et il ne sera pas davantage dans le
Manuscrit autographe, s'il se retrouve, mais dans les Mémoires et les
Souvenirs de ses contemporains, qui l'ont connu et qui l'ont jugé. C'est
là que nous l'avons découvert, comme on peut s'en assurer en
consultant les ouvrages suivants:
Extraits des Mémoires de Talleyrand (Apocriphes). Paris,
1838.--Mémoires tirés des papiers d'un Homme d'État.--Mémoires de
Châteaubriand, Beugnot, Madame de Rémusat, Rovigo, Roederer, Mio
de Mélito, Guizot, etc.--Méneval, Napoléon et
Marie-Louise.--Capefigue, Les Cent-Jours et Les Diplomates
européens.--Divers historiens: Louis Blanc, Histoire de dix ans; Thiers,
Le Consulat et l'Empire, etc.--Barante, Études historiques.--Mignet,
Notices et Portraits. Éloge académique de M. de Talleyrand.--Salle,
Vie politique du Prince de Talleyrand.--Dufour de la Thuilerie,
Histoire de la vie et de la mort du Prince de Talleyrand.--L. Bastide,
Vie politique et religieuse de Talleyrand.--F. D. Comte de ***, Le
Prince de Talleyrand.--Gagern, Ma part dans la politique, Talleyrand
et ses rapports avec les Allemands.--Lamartine, Cours familier de
littérature, M. de Talleyrand.--Sainte-Beuve, Monsieur de
Talleyrand.--Sarrat et Saint-Edme, Loménie, Rabbe, etc.--Le Prince de
Talleyrand et La Maison d'Orléans.--Le Journal de Thomas Raikes,
Londres, 1857.--Essai sur Talleyrand, par sir Henry Lytton-Bulwer,
etc.
Dans sa Confession, il se laisse voir en déshabillé, en chenille, tel qu'il
est, à visage découvert et en pleine lumière, et non comme il se
présente, maquillé, dans le demi-jour discret d'un salon de douairière. À
côté de l'histoire morte, solennelle et menteuse des Mémoires, elle offre

la chronique vivante, naturelle et vraie des confidences; il dit tout ce
qu'il devait taire, il révèle tout ce qu'il devait tenir à dissimuler, en vertu
de son principe d'hygiène: «Le grand jour ne me convient pas.»
Ce n'est pas seulement le pastiche d'une Autobiographie, c'est le Roman
mouvant et vivant des Hommes
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