LUscoque | Page 2

George Sand
pages. Mais, heureusement pour nous, nos pauvres contes ont paru dignes de l'index de Sa Saintet�� (ce dont, �� coup s?r, personne n'e?t jamais ��t�� s'aviser), et Sa Majest�� l'empereur d'Autriche, qu'on ne s'attendait gu��re non plus �� voir en cette affaire, faisant ex��cuter �� Venise tous les index du pape, il n'y a pas de danger que mon conte y arrive et y re?oive le plus petit d��menti.
?D'abord qu'est-ce qu'un Uscoque? demandai-je au moment o�� l'honn��te Zuzuf essuyait sa barbe et ouvrait la bouche pour commencer son r��cit.
--Ignorant! dit l'abb��. Le mot uscocco vient de scoco, lequel, en langue dalmate, signifie transfuge. L'origine et les diverses fortunes des Uscoques occupent une place importante dans l'histoire de Venise. Je vous y renvoie. Il vous suffira de savoir maintenant que les empereurs et les princes d'Autriche se servirent souvent de ces brigands pour d��fendre les villes maritimes contre les entreprises des Turcs. Pour se dispenser de payer cette terrible garnison, qui ne se f?t pas content��e de peu, l'Autriche fermait les yeux sur leurs pirateries; et les Uscoques faisaient main basse sur tout ce qu'ils rencontraient dans l'Adriatique, ruinaient le commerce de la r��publique, et d��solaient les provinces d'Istrie et de Dalmatie. Ils furent longtemps ��tablis �� Segna, au fond du golfe de Carnie, et, retranch��s l�� derri��re de hautes montagnes et d'��paisses for��ts, ils brav��rent les efforts r��it��r��s qu'on fit pour les d��truire. Vers 1615, un trait�� conclu avec l'Autriche les livra enfin sans appui �� la vengeance des V��nitiens, et le littoral de l'Italie en fut purg��. Les Uscoques cess��rent donc de faire un corps, et, forc��s de se disperser, ils se r��pandirent dans toutes les mers, et grossirent le nombre des flibustiers qui, de tout temps et en tous lieux, ont fait la guerre au commerce des nations. Longtemps encore apr��s l'expulsion de cette race f��roce et brutale entre toutes celles qui vivent de meurtre et de rapine, le nom d'Uscoque demeura en horreur dans notre marine militaire et marchande. Et c'est ici l'occasion de vous faire remarquer la distance qui existe entre le titre de corsaire donn�� par lord Byron �� son h��ros, et celui d'uscoque que portait le n?tre. C'est �� peu pr��s celle qui s��pare les bandits de drame et d'op��ra moderne des voleurs de grands chemins, les aventuriers de roman des chevaliers d'industrie; en un mot, la fantaisie de la r��alit��. Ce n'est pas que notre Uscoque ne f?t, comme le corsaire Conrad, de bonne maison et de bonne compagnie. Mais il a plu au po?te d'en faire un grand homme au d��no?ment; et il n'en pouvait ��tre autrement, puisque, n'en d��plaise �� notre ami Zuzuf, il avait oubli�� peu �� peu le personnage de son conte ath��nien pour ne plus voir dans Conrad que lord Byron lui-m��me. Quant �� nous, qui voulons nous soumettre �� la v��rit�� de la chronique et rester dans le positif de la vie, nous allons vous montrer un pirate beaucoup moins noble.
--Un corsaire en prose, dit Zuzuf.
--Il a beaucoup d'esprit et de gaiet�� pour un Turc,? me dit Beppa en baissant la voix.
L'histoire commen?a enfin.
* * * * *
Au commencement o�� ��clata, vers la fin du quinzi��me si��cle, la fameuse guerre de Mor��e, ��tant doge Marc-Antonio Giustiniani, Pier Orio Soranzo, dernier descendant de la race ducale de ce nom, achevait de manger �� Venise une immense fortune. C'��tait un homme encore jeune, d'une grande beaut��, d'une rare vigueur, de passions fougueuses, d'un orgueil effr��n��, d'une ��nergie indomptable. Il ��tait c��l��bre dans toute la r��publique par ses duels, ses prodigalit��s et ses d��bauches. On e?t dit qu'il cherchait �� plaisir tous les moyens d'user sa vie, sans en venir �� bout. Son corps semblait ��tre �� l'��preuve du fer, et sa sant�� �� celle de tous les exc��s. Pour ses richesses, ce fut diff��rent; elles ne tard��rent pas �� succomber aux larges saign��es qu'il y faisait tous les jours. Ses amis, voyant sa ruine approcher, voulurent lui faire des remontrances et l'engager �� s'arr��ter sur la pente fatale qui l'entra?nait; mais il ne voulut faire attention �� rien, et aux plus sages discours il ne r��pondait que par des plaisanteries ou des rebuffades, appelant l'un p��dant, traitant l'autre de J��r��mie batard, priant ceux qui ne trouveraient pas son vin bon d'aller boire ailleurs, et promettant des coups d'��p��e �� ceux qui reviendraient lui parler d'affaires. Ce fut ainsi qu'il fit jusqu'au bout. Lorsque enfin, toutes ses ressources ��puis��es, il se vit dans l'impossibilit�� absolue de continuer son train de vie, il se mit pour la premi��re fois �� r��fl��chir s��rieusement �� sa position. Apr��s s'��tre bien consult��, il ne vit pour lui que trois partis �� prendre: le premier ��tait de se casser la t��te et de laisser ses cr��anciers se d��brouiller comme ils pourraient au milieu des d��bris
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