LOeuvre | Page 3

Emile Zola
rue, hein?? Et il retourna vers la porte qu'il ferma bruyamment, �� double tour, pendant qu'elle le regardait faire, de son air stup��fi��.
?L��! nous sommes chez nous.?
D'ailleurs, c'��tait la fin, il n'y eut plus que des coups l��.. ��loign��s, bient?t le d��luge cessa. Lui, qu'une g��ne gagnait �� pr��sent, l'avait examin��e d'un regard oblique. Elle ne devait pas ��tre trop mal, et jeune �� coup s?r, vingt ans au plus. Cela achevait de le mettre en m��fiance, malgr�� un doute inconscient qui le prenait, une sensation vague qu'elle ne mentait peut-��tre pas absolument. En tout cas, elle avait beau ��tre maligne, elle se trompait, si elle croyait le tenir. Il exag��ra son allure bourrue, il dit d'une grosse voix:
?Hein? couchons-nous, ?a nous s��chera.? Une angoisse la fit se lever. Elle aussi l'examinait, sans le regarder en face, et ce gar?on maigre, aux articulations noueuses, �� la forte t��te barbue, redoublait sa peur, comme s'il ��tait sorti d'un conte de brigands, avec son chapeau de feutre noir et son vieux paletot marron, verdi par les pluies. Elle murmura:
?Merci, je suis bien, je dormirai habill��e.
--Comment, habill��e, avec ces v��tements qui ruissellent!... Ne faites donc pas la b��te, d��shabillez-vous tout de suite.? Et il bousculait des chaises, il ��cartait un paravent �� moiti�� crev��. Derri��re, elle aper?ut une table de toilette et un tout petit lit de fer, dont il se mit �� enlever le couvre-pieds.
?Non, non, monsieur, ce n'est pas la peine, je vous jure que je resterai l��.? Du coup, il entra en col��re, gesticulant, tapant des poings.?la fin, allez-vous me ficher la paix! Puisque je vous donne mon lit, qu'avez-vous �� vous plaindre?... Et ne faites pas l'effarouch��e, c'est inutile. Moi, je coucherai sur le divan.? Il ��tait revenu sur elle, d'un air de menace. Saisie, croyant qu'il voulait la battre, elle ?ta son chapeau en tremblant. Par terre, ses jupes s'��gouttaient. Lui, continuait de grogner. Pourtant, un scrupule parut le prendre; et il lacha enfin, comme une concession: ?Vous savez, si je vous r��pugne, je veux bien changer les draps.? D��j��, il les arrachait, il les lan?ait sur le divan, �� l'autre bout de l'atelier. Puis, il en tira une paire d'une armoire, et il refit lui-m��me le lit, avec une adresse de gar?on habitu�� �� cette besogne. D'une main soigneuse, il bordait la couverture du c?t�� de la muraille, il tapait l'oreiller, ouvrait les draps.
?.Vous y ��tes, au dodo, maintenant!? Et, comme elle ne disait rien, toujours immobile, promenant ses doigts ��gar��s sur son corsage, sans se d��cider �� le d��boutonner, il l'enferma derri��re le paravent.
Mon Dieu! que de pudeur! Vivement, il se coucha lui-m��me: les draps ��tal��s sur le divan, ses v��tements pendus �� un vieux chevalet, et lui tout de suite allong�� sur le dos. Mais, au moment de souffler la bougie, il songea qu'elle ne verrait plus clair, il attendit. D'abord, il ne l'avait pas entendue remuer: sans doute elle ��tait demeur��e toute droite �� la m��me place, contre le lit de fer. Puis, �� pr��sent, il saisissait un petit bruit d'��toffe, des mouvements lents et ��touff��s, comme si elle s'y ��tait reprise �� dix fois, ��coutant elle aussi, dans l'inqui��tude de cette lumi��re qui ne s'��teignait pas. Enfin, apr��s de longues minutes, le sommier cria faiblement, il se fit un grand silence.
?��tes-vous bien, mademoiselle?? demanda Claude d'une voix tr��s adoucie. Elle r��pondit d'un souffle �� peine distinct, encore chevrotant d'��motion.
?Oui, monsieur, tr��s bien.
--Alors, bonsoir.
--Bonsoir.? Il souffla la lumi��re, le silence retomba, plus profond.
Malgr�� sa lassitude, ses paupi��res bient?t se rouvrirent, une insomnie le laissa les yeux en l'air, sur la baie vitr��e.
Le ciel ��tait redevenu tr��s pur, il voyait les ��toiles ��tinceler, dans l'ardente nuit de juillet; et, malgr�� l'orage, la chaleur restait si forte, qu'il br?lait, les bras nus, hors du drap.
Cette fille l'occupait, un sourd d��bat bourdonnait en lui, le m��pris qu'il ��tait heureux d'afficher, la crainte d'encombrer son existence, s'il c��dait, la peur de para?tre ridicule, en ne profitant pas de l'occasion; mais le m��pris finissait par l'emporter, il se jugeait tr��s fort, il imaginait un roman contre sa tranquillit��, ricanant d'avoir d��jou�� la tentation. Il ��touffa davantage et sortit ses jambes, pendant que, la t��te lourde, dans l'hallucination du demi-sommeil, il suivait, au fond du braisillement des ��toiles, des nudit��s amoureuses de femmes, toute la chair vivante de la femme, qu'il adorait.
Puis, ses id��es se brouill��rent davantage. Que faisait-elle? Longtemps, il l'avait crue endormie, car elle ne soufflait m��me pas; et, maintenant, il l'entendait se retourner, comme lui, avec d'infinies pr��cautions, qui la suffoquaient. Dans son peu de pratique des femmes, il tachait de raisonner l'histoire qu'elle lui avait cont��e, frapp�� �� cette heure de petits d��tails, devenu perplexe; mais toute sa logique fuyait, �� quoi bon se casser le crane inutilement? Qu'elle e?t dit la v��rit�� ou qu'elle e?t
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