LOeuvre | Page 2

Emile Zola
de vue, au milieu, des braises rouges d'un incendie. Les plus minces d��tails apparurent, on distingua les petites persiennes ferm��es du quai des Ormes, les deux fentes des rues de la Masure et du Paon-Blanc, coupant la ligne des fa?ades; pr��s du pont Marie, on aurait compt�� les feuilles des grands platanes, qui mettent l�� un bouquet de superbe verdure; tandis que, de l'autre c?t��, sous le pont Louis-Philippe, au Mail, les toues align��es sur quatre rangs avaient flamb��, avec les tas de pommes jaunes dont elles craquaient. Et l'on vit encore les remous de l'eau, la chemin��e haute du bateau-lavoir, la cha?ne immobile de la dragueuse, des tas de sable sur le port, en face, une complication extraordinaire de choses, tout un monde emplissant l'��norme coul��e, la fosse creus��e d'un horizon �� l'autre. Le ciel s'��teignit, le flot ne roula plus que des t��n��bres, dans le fracas de la foudre.
?Oh! mon Dieu! c'est fini.... Oh! mon Dieu! que vais-je devenir?? La pluie, maintenant, recommen?ait, si raide, pouss��e par un tel vent, qu'elle balayait le quai, avec une violence d'��cluse lach��e.
?Allons, laissez-moi rentrer, dit Claude, ce n'est pas tenable.? Tous deux se trempaient. �� la clart�� vague du bec de gaz scell�� au coin de la rue de la Femme-sans-T��te, il la voyait ruisseler, la robe coll��e �� la peau, dans le d��luge qui battait la porte. Une piti�� l'envahit: il avait bien, un soir d'orage, ramass�� un chien sur un trottoir!... Mais cela le fachait de s'attendrir, jamais il n'introduisait de fille chez lui, il les traitait toutes en gar?on qui les ignorait, d'une timidit�� souffrante qu'il cachait sous une fanfaronnade de brutalit��; et celle-ci, vraiment, le jugeait trop b��te, de le raccrocher de la sorte, avec son aventure de vaudeville. Pourtant, il finit par dire:
?En voil�� assez, montons.... Vous coucherez chez moi.? Elle s'effara davantage, elle se d��battait.
?Chez vous, oh! mon Dieu! Non, non; c'est impossible.... Je vous en prie, monsieur, conduisez-moi �� Passy, je vous en prie �� mains jointes.? Alors, il s'emporta. Pourquoi ces mani��res, puisqu'il la recueillait? D��j��, deux fois, il avait tir�� la sonnette.
Enfin, la porte c��da, et il poussa l'inconnue.
?Non, non, monsieur, je vous dis que non....? Mais un ��clair l'��blouit, encore, et quand le tonnerre gronda, elle entra d'un bond, ��perdue. La lourde porte s'��tait referm��e, elle se trouvait sous un vaste porche, dans une obscurit�� compl��te.
?Madame Joseph, c'est moi!? cria Claude �� la Concierge.
Et, �� voix basse, il ajouta:
?Donnez-moi la main, nous avons la cour �� traverser.? Elle lui donna la main, elle ne r��sistait plus, ��tourdie, an��antie. De nouveau, ils pass��rent sous la pluie diluvienne, courant c?te �� c?te, violemment. C'��tait une cour seigneuriale, ��norme, avec des arcades de pierre, confuses dans l'ombre. Puis, ils abord��rent �� un vestibule, ��trangl��, sans porte; et il lui lacha la main, elle l'entendit frotter des allumettes en jurant. Toutes ��taient mouill��es; il fallut monter �� tatons.
?Prenez la rampe, et m��fiez-vous, les marches sont hautes.? L'escalier, tr��s ��troit, un ancien escalier de service, avait trois ��tages d��mesur��s, qu'elle gravit en butant, les jambes cass��es et maladroites. Ensuite, il la pr��vint qu'ils devaient suivre un long corridor; et elle s'y engagea derri��re lui, les deux mains filant contre les murs, allant sans fin dans ce couloir, qui revenait vers la fa?ade, sur le quai. Puis, ce fut de nouveau un escalier, mais dans le comble celui-l��, un ��tage de marches en bois qui craquaient, sans rampe, branlantes et raides comme les planches mal d��grossies d'une ��chelle de meunier. En haut, le palier ��tait si petit, qu'elle se heurta dans le jeune homme, en train de chercher sa clef. Il ouvrit enfin.
?N'entrez pas, attendez. Autrement, vous vous cogneriez encore.? Et elle ne bougea plus. Elle soufflait, le coeur battant les oreilles bourdonnant, achev��e par cette mont��e dans le noir. Il lui semblait qu'elle montait depuis des heures, au milieu d'un tel d��dale, parmi une telle complication d'��tages et de d��tours, que jamais elle ne redescendrait.
Dans l'atelier, de gros pas marchaient, des mains fr?laient, il y eut une d��gringolade de choses, accompagn��e d'une sourde exclamation. La porte s'��claira.
?Entrez donc, ?a y est.? Elle entra, regarda sans voir. L'unique bougie palissait dans ce grenier, haut de cinq m��tres, empli d'une confusion d'objets, dont les grandes ombres se d��coupaient bizarrement contre les murs peints en gris. Elle ne reconnut rien, elle leva les yeux vers la baie vitr��e, sur laquelle la pluie battait avec un roulement assourdissant de tambour.
Mais, juste �� ce moment, un ��clair embrasa le ciel, et le coup de tonnerre suivit de si pr��s, que la toiture sembla se fendre. Muette, toute blanche, elle se laissa tomber sur une chaise. ?Bigre! murmura Claude, un peu pale lui aussi, en voil�� un qui n'a pas tap�� loin.... Il ��tait temps, on est mieux ici que dans la
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