retraite. Trois 
nouvelles détonations retentirent, presque en même temps. Jean avait 
fait feu de ses deux pistolets et la Roche de celui qui lui restait. Au 
milieu de la fumée produite par cette triple explosion, il fut impossible 
de préciser l'étendue du résultat: cependant, un homme vida les étriers, 
roula à terre et l'issue du combat était plus que douteuse, lorsqu'une 
troupe de gens d'armes déboucha d'un taillis voisin. 
--A moi, à moi! clama Guillaume de la Roche, distinguant les couleurs 
de ses pennons. 
Aussitôt les nouveaux venus piquèrent des deux, et les agresseurs, dans
la prévision qu'ils seraient accablés par le nombre, tournèrent bride et 
s'enfuirent au galop. 
Le marquis détacha quelques hommes à leur poursuite, puis il mit pied 
à terre pour savoir quelle était la victime de l'attentat contre sa personne. 
Jean de Ganay voulut aider de la Roche dans cette perquisition, mais un 
coup d'oeil l'arrêta. Couvert de sang et de poussière, le blessé haletait 
sourdement sous son enveloppe de fer. Il avait été atteint au défaut de 
l'épaulière droite et se tordait en proie à d'horribles tortures. Guillaume 
de la Roche s'approcha de lui, appuya son genou sur sa poitrine, 
déboucla les jugulaires de son heaume, enleva la coiffure et examina un 
instant la figure du routier. 
--Qui es-tu? lui demanda-t-il. 
--A boire! j'ai soif, je brûle, pour l'amour du ciel, donnez-moi à boire! 
répondit l'inconnu d'une voix étranglée. 
Sur l'ordre de Guillaume de la Roche, un des hommes d'armes courut à 
une source voisine, puisa de l'eau avec son morion et l'apporta au blessé 
qui but avidement ce liquide rafraîchissant. 
--Ah! continua-t-il, cela fait du bien! 
--Mais qui es-tu? à qui appartiens-tu? réitéra le marquis. 
L'étranger garda le silence. 
--Parle, ou je te perfore comme un misérable hérétique, poursuivit la 
Roche avec un geste significatif. 
--Monseigneur! fit le malheureux en tremblant d'effroi. 
--Parleras-tu? 
--Eh bien! balbutia-t-il d'un ton si bas que Guillaume fut obligé de se 
baisser jusqu'à sa bouche pour l'entendre, je suis à la solde du duc de 
Mercoeur.
--Du duc de Mercoeur! Ah! je m'en doutais... C'était lui qui avait une 
aigrette noire, n'est-ce pas? 
--Je l'ignore. 
--Jour de Dieu, tu mens, soudard! 
--Non, monseigneur, je vous le jure sur les os de mon bienheureux 
patron. 
--Cuides-tu me leurrer par tes impostures! 
--Je souffre, oh! je souffre peines et châtiments infernaux, râlait le 
routier que les tiraillements de douleurs étouffaient. 
--Qu'on lui enlève sa cuirasse et qu'on l'attache sur un cheval, enjoignit 
Guillaume de la Roche en sautant en selle. Nous sommes peu éloignés 
du manoir; là, il sera pansé par notre barbier, et demain il subira un 
interrogatoire. Vous m'en répondez sur votre col. 
Bientôt la petite troupe sa mit en marche, ayant à sa tête les deux 
gentilshommes. 
--L'infâme! marmottait le marquis entre ses dents, me tendre une 
embuscade! Il n'a pas plus de courage qu'une poule mouillée. Qu'il 
m'appelle donc en champ clos, s'il a tant de griefs contre moi, et nous 
verrons... 
Se tournant soudain vers Jean de Ganay, il ajouta: 
--J'espère, mon ami, que vous n'avez reçu aucun heurt? 
--Non, messire; grâce au ciel, les croquants ne m'ont pas atteint. Mais 
sauriez-vous, d'aventure, qui était le chevalier déloyal auquel ils 
obéissaient? 
Le marquis fixa son interlocuteur avec sévérité et fronça les sourcils. 
--Pardon, dit Jean déconcerté par la dureté de ce regard incisif.
--Votre curiosité est excusable, vicomte, reprit de la Roche en 
changeant de ton. Au surplus, il est heure que je vous initie aux secrets 
de la famille dans laquelle vous désirez entrer. Ne rougissez pas; je sais 
que vous êtes affolé de ma nièce, Laure de Kerskoên; et je crois que la 
demoiselle ne vous voit pas d'un trop mauvais oeil. Aussi dois-je vous 
confier certaines affaires de nature fort grave, avant que d'accomplir un 
projet qui me coûtera peut-être la vie. Me jurez-vous que dans le cas où 
je viendrais à périr, vous prendriez Laure de Kerskoên pour femme et 
légitime épouse? 
--Je le jure sur la garde de mon épée! dit solennellement Jean de Ganay. 
--Votre serment me suffit. Apprenez maintenant que j'ai dans le duc de 
Mercoeur, gouverneur de la belle province de Bretagne, un implacable 
ennemi, qui depuis vingt-cinq ans a tout mis en oeuvre pour flétrir 
l'écusson des de la Roche, et déshonorer leur chef. Voici le motif de 
cette haine. Le duc s'était épris de ma soeur cadette, Adélaïde de la 
Roche, la mère de Laure. Comme il était homme de moeurs dissolues et 
perverses, mon père lui refusa la main de sa fille qu'il maria au comte 
Alfred Kerskoên. Dès lors, de Mercoeur nous voua une inimitié que le 
temps n'a fait qu'accroître. Après avoir répandu sur ma soeur des bruits 
odieux, il appela son mari en combat singulier et le tua. Puis, les mains 
dégouttantes du sang de    
    
		
	
	
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