été en état de tenir tête à Jackson ou à Belcher, dans leurs
meilleurs jours. 
Sa poitrine était un tonneau. 
Ses avant-bras étaient les plus puissants que j'aie jamais vus, avec leurs 
sillons profonds, entre des muscles aux saillies luisantes, comme un 
bloc de roche polie par l'action des eaux. 
Néanmoins, avec toute cette vigueur, c'était un homme lent, rangé, 
doux, en sorte que personne n'était plus aimé que lui, dans cette région 
campagnarde. 
Sa figure aux gros traits, bien rasée, pouvait prendre une expression fort 
dure, ainsi que je l'ai vu à l'occasion, mais pour moi et tous les bambins 
du village, il nous accueillait toujours un sourire sur les lèvres, et la 
bienvenue dans les yeux. Dans tout le pays, il n'y avait pas un mendiant 
qui ne sût que s'il avait des muscles d'acier, son coeur était des plus 
tendres. 
Son sujet favori de conversation, c'était ses rencontres d'autrefois, mais 
il se taisait, dès qu'il voyait venir sa petite femme, car le grand souci 
qui pesait sur la vie de celle-ci était de lui voir jeter là le marteau et la 
lime pour retourner au champ clos. Et vous n'oubliez pas que son 
ancienne profession n'était nullement atteinte à cette époque de la 
déconsidération qui la frappa dans la suite. L'opinion publique est 
devenue défavorable, parce que cet état avait fini par devenir le 
monopole des coquins et parce qu'il encourageait les méfaits commis 
sur l'arène. 
Le boxeur honnête et brave a vu lui aussi se former autour de lui un 
milieu de gredins, tout comme cela arrive pour les pures et nobles 
courses de chevaux. C'est pour cela que l'Arène se meurt en Angleterre 
et nous pouvons supposer que quand Caunt et Bendigo auront disparu, 
il ne se trouvera personne pour leur succéder. Mais il en était autrement 
à l'époque dont je parle. 
L'opinion publique était des plus favorables aux lutteurs et il y avait de 
bonnes raisons pour qu'il en fût ainsi. 
On était en guerre. L'Angleterre avait une armée et une flotte 
composées uniquement de volontaires, qui s'y engageaient pour obéir à 
leur instinct batailleur, et elle avait en face d'elle un pays où une loi 
despotique pouvait faire de chaque citoyen un soldat. 
Si le peuple n'avait pas eu en surabondance cette humeur batailleuse, il 
est certain que l'Angleterre aurait succombé.
On pensait donc et on pense encore que, les choses étant ainsi, une lutte 
entre deux rivaux indomptables, ayant trente mille hommes pour 
témoins et que trois millions d'hommes pouvaient disputer, devait 
contribuer à entretenir un idéal de bravoure et d'endurance. 
Sans doute, c'était un exercice brutal, et la brutalité même en était la fin 
dernière, mais c'était moins brutal que la guerre qui doit pourtant lui 
survivre. 
Est-il logique d'inculquer à un peuple des moeurs pacifiques, en un 
siècle où son existence même peut dépendre de son tempérament 
guerrier? 
C'est une question que j'abandonne à des têtes plus sages que la 
mienne. 
Mais, c'était ainsi que nous pensions au temps de nos grands-pères et 
c'est pourquoi on voyait des hommes d'État comme Wyndham, comme 
Fox, comme Althorp, se prononcer en faveur de l'Arène. 
Ce simple fait, que des personnages considérables se déclaraient pour 
elle, suffisait à lui seul pour écarter la canaillerie qui s'y glissa par la 
suite. 
Pendant plus de vingt ans, à l'époque de Jackson, de Brain, de Cribb, 
des Belcher, de Pearce, de Gully et des autres, les maîtres de l'Arène 
furent des hommes dont la probité était au-dessus de tout soupçon et 
ces vingt-là étaient justement, comme je l'ai dit, à l'époque où l'Arène 
pouvait servir un intérêt national. 
Vous avez entendu conter comment Pearce sauva d'un incendie une 
jeune fille de Bristol, comment Jackson s'acquit l'estime et l'amitié des 
gens les plus distingués de son temps et comment Gully conquit un 
siège dans le premier Parlement réformé. 
C'étaient ces hommes-là qui déterminaient l'idéal. Leur profession se 
recommandait d'elle-même par les conditions qu'elle exigeait, le succès 
y étant interdit à quiconque était ivrogne ou menait une vie de 
débauche. 
Il y avait, parmi les lutteurs d'alors, des exceptions sans doute, des 
bravaches tels que Hickmann, des brutes comme Berks, mais je répète 
qu'en majorité, ils étaient d'honnêtes gens, portant la bravoure et 
l'endurance à un degré incroyable et faisant honneur au pays qui les 
avait enfantés. 
Ainsi que vous le verrez, la destinée me permit de les fréquenter
quelque peu et je parle d'eux en connaissance de cause. 
Je puis vous assurer que nous étions fiers de posséder dans notre village 
un homme tel que le champion Harrison, et quand des voyageurs 
faisaient un séjour à l'auberge, ils ne manquaient pas d'aller faire un 
tour à la forge, rien que pour jouir de sa vue. 
Il valait bien la peine d'être regardé, surtout par un soir de mai, alors 
que    
    
		
	
	
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