empruntés à diverses oeuvres de Hændel, pour récréer le public et 
pour laisser aux choristes le temps de souffler. Hændel lui-même dut 
faire quelques concessions de ce genre, car le public anglais ne mordit 
pas tout d'abord au redoutable morceau qu'on lui offrait: l'os qui 
renferme la moelle exquise est parfois dur à casser. Mendelssohn qui, je 
crois, exhuma _Israël_, ajouta quelques très courts récitatifs de sa façon 
entre des choeurs qu'il jugeait trop entassés, et intercala dans la 
partition un air inédit de Hændel. L'arrangement de Mendelssohn fut 
suivi à Bâle. Les récits ajoutés sont suffisamment dans le style de 
Hændel pour ne point choquer; puis on n'est pas fâché de respirer un 
peu entre deux pages trop sublimes. L'air inédit, fort beau en lui-même, 
m'a paru détonner parmi le vaste et religieux ensemble de l'épopée 
d'Israël; cet air est dans le style des opéras de Hændel (qui en écrivit, 
comme on sait, quelque soixante-dix) et il appellerait des paroles 
italiennes. Au reste je n'en veux pas à Mendelssohn pour ces légers 
remaniements; ils n'altèrent point la majesté de l'oeuvre, et la piété de 
Mendelssohn n'est pas douteuse à l'égard de Haendel. Il disait, en 
parlant d'_Israël en Égypte_, que c'était de la musique 
«incommensurable». La fureur de cet adjectif témoigne de l'intense 
admiration que ressentit Mendelssohn, dont le plus grand tort fut, en 
général, d'être une personne trop bien élevée. 
J'imagine qu'un nombre indéterminé de siècles après qu'eut été 
accomplie la délivrance d'Israël, il plut à Jéhova (ou encore à Dieu le
Père) de se donner un spectacle idéal de cet événement, où il avait joué 
le rôle décisif. Il y a bien, dans les plaintes qui ouvrent l'oeuvre 
magnifique, un accent de douleur poignante; mais on peut supposer que 
les patriarches, confesseurs et martyrs passés ou futurs, les saints et les 
saintes, les choeurs de Séraphins et de Trônes qui exécutèrent le 
sublime ouvrage eurent l'art de s'identifier avec les souffrances du 
peuple hébreu, écrasé par la pesante domination de l'Égypte. L'idéal se 
mêle ici merveilleusement au réel, comme dans toute grande oeuvre 
musicale. Les choeurs relatifs aux plaies qui frappèrent la terre de 
Cham respirent à la fois une profonde terreur de la puissance divine et 
une joie sauvage de voir châtier le monstre des eaux, le pharaon blotti 
vainement sous les roseaux du grand fleuve, lui et tout son peuple de 
crocodiles. Mais le chant de triomphe de la fin est bien une 
transcription des joies de la terre faite à l'usage des armées du ciel; 
l'exultation en est à la fois humaine et divine, et quelles trompettes, je 
vous prie, autres que celles des archanges pourraient faire éclater ces 
cris de lumière et ces resplendissantes clameurs? 
Le caractère céleste de l'oeuvre communément attribuée à Hændel (qui 
seul, en effet, pouvait retrouver une telle inspiration) nous frappa tout 
d'abord lorsque, dans l'église à peu près déserte, nous entendîmes 
répéter le duo de soprani qui est sur ces paroles: «Le Seigneur est ma 
force et mon chant; il est devenu mon salut.» Deux voix d'anges, de la 
plus admirable limpidité, deux voix que l'on peut dire chastes, aussi 
éclatantes qu'elles étaient douces, attaquèrent en canon ce beau chant 
de gratitude, tout recueilli, où respire une héroïque tendresse. Pour moi, 
les yeux fermés, j'écoutais se dérouler le cantique dans un mineur suave, 
et les voix évoquaient devant mon esprit l'image de deux êtres de la 
plus radieuse pureté, aux larges ailes étendues. Comme j'étais soulevé 
par les voix lorsqu'elles montaient ensemble dans les régions aiguës! 
Comme certaines notes répétées attestaient bien une foi inébranlable! 
Quel frisson me fit courir dans le corps cette brusque succession des 
deux voix attaquant un sol, coup sur coup, empiétant l'une sur l'autre, et 
se mêlant ensuite dans une pieuse et douce harmonie! Hændel est 
incomparable pour ces sortes d'attaques; et je ne crois pas que 
l'intensité de tels effets puisse être dépassée. Je dois transcrire ici, avec 
respect, les noms de mademoiselle Pia von Sicherer et de mademoiselle
Paravicini, qui ont chanté ce duo: je l'entends encore aussi 
distinctement que si j'étais dans la cathédrale de Bâle. 
Le duo des basses, chanté par MM. Staudigl et Engelberger, fit un 
puissant contraste avec celui des soprani. La première basse, plus riche 
et plus veloutée, s'unissait magnifiquement à l'autre, remarquable par la 
profondeur et la force. Il y eut une surprenante vigueur dans la double 
attaque de la phrase initiale: «Le Seigneur est un homme de guerre!» et 
les syllabes germaniques, avec leurs rudes aspirations et leurs 
roulements de tambours, sonnaient âprement dans la grande nef. Il 
faudrait être bien affadi par les langueurs de la musique moderne, 
toujours saturée de rêve, à la fois voluptueuse et souffreteuse, pour ne 
pas tressaillir de joie dès le prélude instrumental de ce duo, écrit dans le 
plus    
    
		
	
	
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