Isabelle 
 
The Project Gutenberg EBook of Isabelle, by Andre Gide This eBook 
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Title: Isabelle 
Author: Andre Gide 
Release Date: February 11, 2004 [EBook #11042] 
Language: French 
Character set encoding: ISO Latin-1 
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ISABELLE. 
par
ANDRÉ GIDE. 
 
A ANDRÉ RUYTERS. 
Gérard Lacase, chez qui nous nous retrouvâmes au mois d'Aoüt 189., 
nous mena, Francis Jammes et moi, visiter le château de la 
Quartfourche dont il ne restera bientôt plus que des ruines, et son grand 
parc délaissé où l'été fastueux s'éployait à l'aventure. Rien plus n'en 
défendait l'entrée: le fossé à demi comblé, la haie crevée, ni la grille 
descellée qui céda de travers à notre premier coup d'épaule. Plus 
d'allées; sur les pelouses débordées quelques vaches pâturaient 
librement l'herbe surabondante et folle: d'autres cherchaient le frais au 
creux des massifs éventrés; à peine distinguait-on de ci de là, parmi la 
profusion sauvage, quelque fleur ou quelque feuillage insolite, patient 
reste des anciennes cultures, presque étouffé déjà par les espèces plus 
communes. Nous suivions Gérard sans parler, oppressés par la beauté 
du lieu, de la saison, de l'heure, et parce que nous sentions aussi tout ce 
que cette excessive opulence pouvait cacher d'abandon et de deuil. 
Nous parvînmes devant le perron du château, dont les premières 
marches étaient noyées dans l'herbe, celles d'en haut disjointes et 
brisées; mais, devant les portes-fenêtres du salon, les volets résistants 
nous arrêtèrent. C'est par un soupirail de la cave que, nous glissant 
comme des voleurs, nos entrâmes; un escalier montait aux cuisines; 
aucune porte intérieure n'était close ... Nous avancions de pièce en 
pièce, précautionneusement car le plancher par endroits fléchissait et 
faisait mine de se rompre; étouffant nos pas, non que quelqu'un pût être 
là pour les entendre, mais, dans le grand silence de cette maison vide, le 
bruit de notre présence retentissait indécemment, nous effrayait presque. 
Aux fenêtres du rez-de-chaussée plusieurs carreaux manquaient; entre 
les lames des contrevents un bignonia poussait dans la pénombre de la 
salle à manger, d'énormes tiges blanches et molles. 
Gérard nous avait quittés; nous pensâmes qu'il préférait revoir seul ces 
lieux dont il avait connu les hôtes, et nous continuâmes sans lui notre 
visite. Sans doute nous avait-il précédés au premier étage, à travers la 
désolation des chambres nues: dans l'une d'elles une branche de bois
pendait encore au mur, retenue à une sorte d'agrafe par une faveur 
décolorée; il me parut qu'elle balançait faiblement au bout de son lien, 
et je me persuadai que Gérard en passant venait d'en détacher une 
ramille. 
Nous le retrouvâmes au second étage, près de la fenêtre dévitrée d'un 
corridor par laquelle on avait ramené vers l'intérieur une corde tombant 
du dehors; c'était la corde d'une cloche, et je l'allais tirer doucement, 
quand je me sentis saisir le bras par Gérard; son geste, au contraire 
d'arrêter le mien, l'amplifia: soudain retenti un glas rauque,si proche de 
nous, si brutal, qu'il nous fit péniblement tressaillir; puis lorsqu'il 
semblait déjà que se fût refermé le silence, deux notes pures tombèrent 
encore, espacées, déjà lointaines. Je m'étais retourné vers Gérard et je 
vis que ses lèvres tremblaient. 
--Allons-nous en, fit-il. J'ai besoin de respirer un autre air. 
Sitôt dehors il s'excusa de ne pouvoir nous accompagner: il connaissait 
quelqu'un dans les environs, dont il voulait aller prendre des nouvelles. 
Comprenant au ton de sa voix qu'il serait indiscret de le suivre, nous 
rentrâmes seuls, Jammes et moi, à La R. où Gérard nous rejoignit dans 
la soirée. 
--Cher ami, lui dit bientôt Jammes, apprenez que je suis résolu à ne 
plus raconter la moindre histoire, que vous ne nous ayez sorti celle 
qu'on voit qui vous tient au coeur. 
Or les récits de Jammes faisaient les délices de nos veillées. 
--Je vous raconterais volontiers le roman dont la maison que vous vîtes 
tantôt fut le théâtre, commença Gérard, mais outre que je ne sus le 
découvrir, ou le reconstituer, qu'en dépouillant chaque événement de 
l'attrait énigmatique dont ma curiosité le revêtait naguère ... 
--Apportez à votre récit tout le désordre, qu'il vous plaira, reprit 
Jammes. 
--Pourquoi chercher à recomposer les faits selon leur ordre
chronologique, dis-je; que ne nous les présentez-vous comme vous les 
avez découverts? 
--Vous permettrez alors que je parle beaucoup de moi, dit Gérard. 
--Chacun de nous fait-il jamais rien d'autre! repartit Jammes. 
C'est le récit de Gérard que voici. 
 
I 
J'ai presque peine à comprendre aujourd'hui l'impatience qui m'élançait 
alors vers la vie. A vingt-cinq ans je n'en connaissais rien    
    
		
	
	
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