les philosophes et les médecins. 
§ I. -- Définitions diverses de l'observation et de l'expérience. 
On a quelquefois semblé confondre l'expérience avec l'observation. 
Bacon paraît réunir ces deux choses quand il dit: «L'observation et 
l'expérience pour amasser les matériaux, l'induction et la déduction 
pour les élaborer: voilà les seules bonnes machines intellectuelles.» Les
médecins et les physiologistes, ainsi que le plus grand nombre des 
savants, ont distingué l'observation de l'expérience, mais ils n'ont pas 
été complètement d'accord sur la définition de ces deux termes: 
Zimmermann s'exprime ainsi: «Une expérience diffère d'une 
observation en ce que la connaissance qu'une observation nous procure 
semble se présenter d'elle-même; au lieu que celle qu'une expérience 
nous fournit est le fruit de quelque tentative que l'on fait dans le dessein 
de savoir si une chose est ou n'est point[2].» Cette définition représente 
une opinion assez généralement adoptée. D'après elle, l'observation 
serait la constatation des choses ou des phénomènes tels que la nature 
nous les offre ordinairement, tandis que l'expérience serait la 
constatation de phénomènes créés ou déterminés par l'expérimentateur. 
Il y aurait à établir de cette manière une sorte d'opposition entre 
l'observateur et l'expérimentateur; le premier étant passif dans la 
production des phénomènes, le second y prenant, au contraire, une part 
directe et active. Cuvier a exprimé cette même pensée en disant: 
«L'observateur écoute la nature; l'expérimentateur l'interroge et la force 
à se dévoiler.» 
Au premier abord, et quand on considère les choses d'une manière 
générale, cette distinction entre l'activité de l'expérimentateur et la 
passivité de l'observateur paraît claire et semble devoir être facile à 
établir. Mais, dès qu'on descend dans la pratique expérimentale, on 
trouve que, dans beaucoup de cas, cette séparation est très-difficile à 
faire et que parfois même elle entraîne de l'obscurité. Cela résulte, ce 
me semble, de ce que l'on a confondu l'art de l'investigation, qui 
recherche et constate les faits, avec l'art du raisonnement, qui les met en 
oeuvre logiquement pour la recherche de la vérité. Or, dans 
l'investigation il peut y avoir à la fois activité de l'esprit et des sens, soit 
pour faire des observations, soit pour faire des expériences. 
En effet, si l'on voulait admettre que l'observation est caractérisée par 
cela seul que le savant constate des phénomènes que la nature a 
produits spontanément et sans son intervention, on ne pourrait 
cependant pas trouver que l'esprit comme la main reste toujours inactif 
dans l'observation, et l'on serait amené à distinguer sous ce rapport 
deux sortes d'observations: les unes passives, les autres actives. Je
suppose, par exemple, ce qui est souvent arrivé, qu'une maladie 
endémique quelconque survienne dans un pays et s'offre à l'observation 
d'un médecin. C'est là une observation spontanée ou passive que le 
médecin fait par hasard et sans y être conduit par aucune idée 
préconçue. Mais si, après avoir observé les premiers cas, il vient à 
l'idée de ce médecin que la production de cette maladie pourrait bien 
être en rapport avec certaines circonstances météorologiques ou 
hygiéniques spéciales; alors le médecin va en voyage et se transporte 
dans d'autres pays où règne la même maladie, pour voir si elle s'y 
développe dans les mêmes conditions. Cette seconde observation, faite 
en vue d'une idée préconçue sur la nature et la cause de la maladie, est 
ce qu'il faudrait évidemment appeler une observation provoquée ou 
active. J'en dirai autant d'un astronome qui, regardant le ciel, découvre 
une planète qui passe par hasard devant sa lunette; il a fait là une 
observation fortuite et passive, c'est-à-dire sans idée préconçue. Mais si, 
après avoir constaté les perturbations d'une planète, l'astronome en est 
venu à faire des observations pour en rechercher la raison, je dirai 
qu'alors l'astronome fait des observations actives, c'est-à-dire des 
observations provoquées par une idée préconçue sur la cause de la 
perturbation. On pourrait multiplier à l'infini les citations de ce genre 
pour prouver que, dans la constatation des phénomènes naturels qui 
s'offrent à nous, l'esprit est tantôt passif, ce qui signifie, en d'autres 
termes, que l'observation se fait tantôt sans idée préconçue et par hasard, 
et tantôt avec idée préconçue, c'est-à-dire avec intention de vérifier 
l'exactitude d'une vue de l'esprit. D'un autre côté, si l'on admettait, 
comme il a été dit plus haut, que l'expérience est caractérisée par cela 
seul que le savant constate des phénomènes qu'il a provoqués 
artificiellement et qui naturellement ne se présentaient pas à lui, on ne 
saurait trouver non plus que la main de l'expérimentateur doive toujours 
intervenir activement pour opérer l'apparition de ces phénomènes. On a 
vu, en effet, dans certains cas, des accidents où la nature agissait pour 
lui, et là encore nous serions obligés de distinguer, au point de vue de 
l'intervention manuelle, des expériences actives et des expériences 
passives. Je suppose qu'un physiologiste veuille étudier la digestion et 
savoir ce qui se passe dans l'estomac d'un animal vivant; il    
    
		
	
	
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