du Luxembourg jusqu'à 
notre terrasse
L'odeur des marronniers fleuris. 
LE NAIN 
Je venais d'allumer mon feu de bois sec
Et de m'asseoir de fort 
indolente sorte
Dans mon vieux fauteuil de velours d'Utrecht
Quand 
on gratta doucement à ma porte. 
«Est-ce toi, dis-je, ma douce Colombine,
Fluette fée en robe à vertes 
dentelles,
Ou toi, sire Arlequin de triste mine,
Qui viens céans 
rallumer ta chandelle?» 
Mais ce n'était ni Colombine, ni son duc,
Ni même quelque oiseau 
déplumé d'Edgar Poë:
La porte s'ouvrit à mon nain caduc
Qui avait 
une mitre pour chapeau. 
Il portait sous le bras quelque volume
Énorme à reliure de parchemin,
L'histoire de Krespel ou d'Ulalume
Sans doute, à fermoir d'or et 
filet de carmin. 
Il le posa sur un livre d'André Gide;
(C'était d'adorables _Chansons 
de Bilitis_);
Il regarda narquois mon encrier vide;
Ota sa mitre
mirobolante et sortit. 
DEVANT L'OBÉLISQUE 
Dimanche: bon Parisien va-t-en
Rêver d'amour
Vers Auteuil ou le 
Point-du-Jour:
Le bateau-mouche t'attend. 
Voire file jusqu'à Meudon
Ou Saint-Cloud;
Feuille morte au bois 
est mol édredon
Et Madame n'a pas peur du loup. 
Le brouillard bleu de Seine argente les collines;
Le paysage est 
exquis
Comme un croquis
De Stanislas Lépine. 
Déjà l'agile violoniste
Frotte l'archet de colophane;
Dans les yeux 
clairs mi-clos des femmes
Un éclat singulier persiste. 
La cloche sonne
Pour l'embarquement;
Allez les belles et les 
amants:
Sur le ponton ne reste-t-il personne? 
Clique amoureuse, adieu: mieux vaut laisser ici
Tout seul devant 
l'obélisque
Le birbe barbu, certes! mais trop triste
Que je suis. 
LES TROIS ÉCUS 
Il n'y a qu'un coquelicot dans le pré
Avec trois marguerites autour;
Il n'y a qu'un coquebin dans le bourg
Pour trois filles à marier. 
Ainsi s'en va la République, tout cloche:
Que de fois hélas! que de 
fois
Je n'ai eu qu'un écu en poche
Quand il en fallait trois. 
LA FLEUR SÈCHE 
J'avais ouvert un vieux bouquin poudreux
De _Poèmes anciens et 
romanesques_, ce matin,
A la page marquée d'une fleur sèche de 
thym,
Que nous avons, chère souris, souvent lue tous deux.
Je rêvais doucement de celle
Que tu sais bien et qui partit je ne sais 
où,
Séduite sans doute par l'escarcelle
D'un vieil amoureux radoteur 
et fou. 
Je regardais la lune au travers des branches
D'un cerisier mort qu'on 
n'a pas abattu,
Quand la bise, je crois, ou ma manche
Tourna la 
page rongée par tes dents pointues. 
Est-ce le simple froissement du papier,
Ou quelque autre mystérieuse 
cause,
Qui te fit sauver ainsi, à pieds
Légers, à pieds fourrés de bas 
gris et roses? 
Est-ce cela vraiment? Ou d'avoir vu la lumière
Hésitante du jour qui 
se lève,
Qui te fit fuir, chère souris coutumière,
Comme mon rêve, 
comme mon rêve ... 
JEUX D'EAU 
Les jeux d'eau dans le parc et la ribambelle
Des fous,
Le coeur 
troublé des belles
Et le coeur ironique et tendre qui bat sous
Le gilet 
de velours de Maurice Ravel,
L'inquiète qui rougit sous l'ombrelle
Et le gredin qui se met à genoux
Devant elle,
La guitare fausse que 
joue
Un doigt rebelle,
La vasque, le vieil arbre, la cascatelle
Et 
l'arc fin de lune dans le soir d'août,
Tout cela dans mon souvenir 
infidèle
En accord très doux
Se mêle ... 
SUR L'AVENUE MONTSOURIS 
Le petit jour est gris souris;
La chiffonnière avec sa hotte
Cherche 
un trésor dans l'avenue
Montsouris;
La bique maigre et biscornue
Du maraîcher trotte
Sur le pavé. 
Ma jolie voisine déjà levée
A sa croisée paraît
Et le coeur tendre 
qu'en vain j'offre
Bat plus fort sous l'étoffe
Vraiment trop mince du 
gilet:
Aimerai-je de la sorte et sans halte
Jusqu'au dernier souffle?
Le jour devient couleur de craie
Et cette belle qui par-dessus tout 
me plaît
De sa fenêtre peut voir sur l'asphalte
Le poète Klingsor 
avec sa boîte au lait
Et ses pantoufles. 
FRANCIS JAMMES 
Il a plu. Le matin sourit
A travers ses pleurs;
La grenouille saute 
dans l'étang
Et sur un roseau droit du Christ,
Le beau 
martin-pêcheur
En habit bleu clair à la hussarde,
Avec son plumet 
rouge éclatant,
Monte la garde. 
Francis Jammes, dormez-vous encor?
Le joli lièvre roux
Essuie la 
fine pluie
De ses moustaches
Et le vieil âne à l'oeil humide tâche
D'attraper enfin la fleur d'or
Du pissenlit:
Francis Jammes, Francis 
Jammes, dormez-vous? 
Il n'est plus un grelot de mule qui se taise
Et ne fasse un concert 
féerique
Sous l'accompagnement sourd des coups
De trique;
Il 
n'est plus un soulier du cordonnier d'Orthez
Qui ne résonne sur le 
pavé;
Ah! l'heure n'est plus de rêver
Du cousin des Indes ou 
d'Amérique:
Francis Jammes, Francis Jammes, dormez-vous? 
DU BOUT DE LA RUE DU BAC 
Du bout de la rue du Bac
Je regarde le paysage printanier,
Les 
bateaux bleus dans l'eau vert pomme,
Les linges clairs des mariniers,
Le Louvre rose du vieux Roi,
Et sur
Saint-Germain l'Auxerrois
Un ciel aussi fin qu'un tamis d'azur;
Du bout de la rue du Bac
Tout 
paraît pur;
Tout est paré de couleurs vives comme
Une aquarelle de 
Signac. 
Bateliers, bateliers, pourquoi donc partez-vous?
Ce paysage ne peut-il 
suffire?
Laissez le gouvernail et le souci
Et vous, charmantes mains, 
laissez les clés;
Le temps fera le ton de ces pierres plus doux,
Mais 
je ne serai plus hélas! ici
Pour regarder cette eau couler,
Ni ma folle
jeunesse s'enfuir. 
RÊVERIE D'AUTOMNE 
Monsieur le professeur Trippe
A son gibus de poil de lièvre
Et sa 
redingote noire qui se fripe
Sur son maigre derrière. 
Monsieur le professeur est assis
Sur le banc vert du jardin anglais
Et tourne ses pouces d'encre noircis
Sur son    
    
		
	
	
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