serrent plus doucement
Et sous les flottantes cravates de soie
Battent plus fort les coeurs des 
amants. 
Mais comme le chef d'orchestre comique et discret
A cessé de 
gesticuler en mesure,
Les petits souliers s'arrêtent à regret
Et les 
couples s'en vont dans les embrasures. 
C'est l'heure où les amoureux demeurent songeant
Et chuchotent tout 
bas dans l'ombre des croisées:
Le chef d'orchestre en sa tabatière 
d'argent
A repris du fin tabac d'Espagne à priser. 
VUILLARD 
La douceur des pantoufles de laine
Qu'une chère main a brodées de 
fleurs
Et la tiédeur du thé qui s'évapore,
O mon amie,
Réchauffent 
mon corps,
Réchauffent mon coeur
A demi endormis. 
Tout autour de nous le souvenir traîne
Ainsi qu'un chat maigre sur le 
plancher;
Tout autour de nous le souvenir rôde
Et l'antique marbre 
noir est jonché
Des clairs pétales jaunes
D'une rose. 
La nudité sournoise de ton cou charmant
Et beau comme un frais 
bouquet
Réveille un moment mon désir de vieux faune,
Mais je me
mens à moi-même
Sans doute, ou je n'ose. 
Et je me verse simplement
En Roméo trop fatigué
Qui n'use de nul 
piment,
Un peu plus de crème. 
LES AUDACIEUX 
Froissons les jupes! 
Que le jet d'eau mélancolique jette
Au clair de lune ses volutes
Tant 
qu'il voudra;
Poussons la fenêtre
Et prenons la belle en nos bras:
C'est l'heure, messieurs,
C'est l'heure ou jamais d'être
Audacieux. 
Plus n'est besoin des cordes aux lucarnes
Ni des airs langoureux de 
flûtes
Dans la bise des carrefours:
Voleurs d'amour
N'ont point 
peur du gendarme!
Voici les jolies roses dans le linge blanc;
Il ne 
faut plus de flûtes,
Ni de guitares, ni d'aveux tremblants,
Car où 
sont les galants cérémonieux
Que vous fûtes,
Messieurs?... 
Froissons les jupes! 
L'EAU CLAIRE 
Se contenter du sourire divin
D'un visage qu'on aime,
D'un verre 
d'eau sans vin
Et d'une tarte à la crème. 
Faire ce rêve:
S'enivrer du parfum d'une rose brisée
Et des deux 
lèvres
Ouvertes pour le baiser. 
Vivre en somme d'amour et d'eau claire
Tant qu'on aime,
Puis 
s'endormir à jamais au son d'un vieil air
Mélancolique de Bohème. 
Et dire que cela même est folie
De demander si peu
Et qu'il faudra 
mourir un jour sans sou ni jolie
O mon Dieu!... 
SOUS LE BALCON
Qu'il gèle à pierre fendre, qu'importe!
L'amour est plus fort que tout;
Un tourlourou fait le troubadour
Sous une porte. 
La lune dans la nue
Met sa double corne;
Un couple contre le mur 
orne
Un peu plus un mari biscornu. 
Mais moi j'allonge en vain
Sous le balcon un nez rougi
De froid et 
non de vin:
La belle en sa chambre a soufflé la bougie. 
LE TRÈFLE BLANC 
Je m'assieds dans l'herbe bleue:
Qu'il est joli le trèfle blanc;
La fille 
embrasse le galant
Et l'amour danse tout autour d'eux;
Qu'il est joli, 
le vieil enfant! 
Où est le temps où moi aussi
Je faisais l'amoureux,
Le temps de 
Berthe et de Lucie
Et de la femme du marchand de Dreux;
Où est le 
temps des coeurs tremblants;
Et de ma barbe noire et de vos blonds 
cheveux,
Où est le temps? 
Derrière la haie les galants s'en vont
Et l'amour à leurs trousses sourit;
La jeune herbe bleue tremble dans le vent
Et moi, qui reste seul, je 
me morfonds
A regarder le trèfle blanc
Et tirer sans répit les poils 
gris
De mon menton. 
BROUWER 
Je m'abrite sous la haie
Et bien caché de l'indiscret,
Prestement je 
baisse mes braies. 
Mon cher Brouwer, il me faudrait
Pour décor propice
Un de tes 
paysages hollandois
Où l'on voit le cul rose de quelque bon drille;
Mais ici je n'ai que prés et forêt,
Avec là-bas un joli bouleau tout droit;
Mon fusil brille
Contre la barrière de bois
Où mon chien pisse,
Et je fais ce que fait le Roi.
LE RETOUR 
Toits bleus d'ardoise et murs de brique rose
Au milieu des arbres,
Sur qui la brume gris d'argent se pose.
Que mon coeur est sensible à 
votre charme! 
Je pousse la porte:
Bon aubergiste me voici;
La dinde est-elle bien 
farcie
Et la servante accorte? 
Je m'assieds près de la croisée
Humant l'odeur des fleurs avec celle 
des plats;
Le chat ronronne, l'oie s'effare,
Mais la commère n'est 
plus là
Et je ne vois hélas! que l'image brisée
Du fin peuplier dans 
l'eau de la mare. 
LE POMMIER TORDU 
Il y a un pommier tordu
Dans le pré;
Jeune femme en ta maison, 
qu'as-tu
A soupirer? 
Il y a un vieil homme gris
Près du feu;
Ne soupire donc pas pour si 
peu:
Le chat au grenier guette la souris. 
Il y a un oiseau qui chante sur la branche;
Il y a un garçon qui siffle 
sur la route;
Vieux mari, fais chauffer la soupe:
Ta femme reviendra 
dimanche. 
LA PINTE VIDE 
Un homme menace et la femme crie
Comme une pie borgne;
Un 
enfant longuement sanglote;
Ainsi va la vie. 
Pourtant le printemps tremble et dans l'air attiédi
Traînent des 
souffles de bonheur et de lilas;
Pourtant le vieil amour a passé là
Jadis. 
Hélas! jeunesse est loin
Et voici la pinte et la bourse vides;
Il ne
reste plus maintenant que ride
Et chagrin. 
CHRONIQUES
DU TEMPS DE PHILIPPE VIII 
A LA TERRASSE 
Au temps où Moréas montrait son nez
Et sa moustache
Dans les 
cafés de Montparnasse,
Le vieux cheval de fiacre
Était de roses 
couronné,
Au temps de Moréas.
Monsieur Lintilhac
D'ire 
protestait:
«Qu'on harnache
D'un vil cuir
Cette carcasse
De 
baudet!»
Sur quoi, tous de rire. 
Et tandis qu'un nuage flottant
Au-dessus de Paris
Filait dans 
l'espace,
La brise fine du printemps
Portait    
    
		
	
	
	Continue reading on your phone by scaning this QR Code
 
	 	
	
	
	    Tip: The current page has been bookmarked automatically. If you wish to continue reading later, just open the 
Dertz Homepage, and click on the 'continue reading' link at the bottom of the page.
	    
	    
