notre arbre de Noël; car, depuis le matin, j'entends un grand 
remue-ménage dans le salon, où il nous est défendu d'entrer. 
--Et moi, dit Fritz, il y a dix minutes à peu près que j'ai reconnu; à la 
manière dont Turc aboyait, que le parrain Drosselmayer entrait dans la 
maison. 
--O Dieu! s'écria Marie en frappant ses deux petites mains l'une contre 
l'autre, que va-t-il nous apporter, ce bon parrain? Je suis sûre, moi, que 
ce sera quelque beau jardin tout plant d'arbres, avec une belle rivière 
qui coulera sur un gazon brod de fleurs. Sur cette rivière, il y aura des 
cygnes d'argent avec des colliers d'or, et une jeune fille qui leur 
apportera des massepains qu'ils viendront manger jusque dans son 
tablier.
--D'abord, dit Fritz, de ce ton doctoral qui lui était particulier, et que ses 
parents reprenaient en lui comme un de ses plus graves défauts, vous 
saurez, mademoiselle Marie, que les cygnes ne mangent pas de 
massepains. 
--Je le croyais, dit Marie; mais, comme tu as un an et demi de plus que 
moi, tu dois en savoir plus que je n'en sais. 
Fritz se rengorgea. 
--Puis, reprit-il, je crois pouvoir dire que, si parrain Drosselmayer 
apporte quelque chose, ce sera une forteresse, avec des soldats pour la 
garder, des canons pour la défendre, et des ennemis pour l'attaquer; ce 
qui fera des combats superbes. 
--Je n'aime pas les batailles, dit Marie. S'il apporte une forteresse, 
comme tu le dis ce sera donc pour toi; seulement, je réclame les blessés 
pour en avoir soin. 
--Quelque chose qu'il apporte, dit Fritz, tu sais bien que ce ne sera ni 
pour toi ni pour moi, attendu que, sous le prétexte que les cadeaux de 
parrain Drosselmayer sont de vrais chefs-d'oeuvre, on nous les reprend 
aussitôt qu'il nous les a donnés, et qu'on les enferme tout au haut de la 
grande armoire vitrée où papa seul peut atteindre, et encore en montant 
sur une chaise, ce qui fait, continua Fritz, que j'aime autant et même 
mieux les joujoux que nous donnent papa et maman, et avec lesquels 
on nous laisse jouer au moins jusqu'à ce que nous les ayons mis en 
morceaux, que ceux que nous apporte le parrain Drosselmayer. 
--Et moi aussi, répondit Marie; seulement, il ne faut pas répéter ce que 
tu viens de dire au parrain. 
--Pourquoi? 
--Parce que cela lui ferait de la peine que nous n'aimassions pas autant 
ses joujoux que ceux qui nous viennent de papa et de maman; il nous 
les donne, pensant nous faire grand plaisir, il faut donc lui laisser croire 
qu'il ne se trompe pas. 
--Ah bah! dit Fritz. 
--Mademoiselle Marie a raison, monsieur Fritz, dit mademoiselle 
Trudchen, qui, d'ordinaire, était fort silencieuse et ne prenait la parole 
que dans les grandes circonstances. 
--Voyons, dit vivement Marie pour empêcher Fritz de répondre quelque 
impertinence à la pauvre gouvernante, voyons, devinons ce que nous 
donneront nos parents. Moi, j'ai confié à maman, mais la condition
qu'elle ne la gronderait pas, que mademoiselle Rosé, ma poupée, 
devenait de plus en plus maladroite, malgré les sermons que je lui fais 
sans cesse, et n'est occupée qu'à se laisser tomber sur le nez, accident 
qui ne s'accomplit jamais sans laisser des traces très désagréables sur 
son visage; de sorte qu'il n'y a plus à penser à la conduire dans le 
monde, tant sa figure jure maintenant avec ses robes. 
--Moi, dit Fritz, je n'ai pas laissé ignorer à papa qu'un vigoureux cheval 
alezan ferait très-bien dans mon écurie; de même que je l'ai prié 
d'observer qu'il n'y a pas d'armée bien organisée sans cavalerie légère, 
et qu'il manque un escadron de hussards pour compléter la division que 
je commande. 
A ces mots, mademoiselle Trudchen jugea que le moment convenable 
était venu de prendre une seconde fois la parole. 
--Monsieur Fritz et mademoiselle Marie, dit-elle, vous savez bien que 
c'est l'enfant Jésus qui donne et bénit tous ces beaux joujoux qu'on vous 
apporte. Ne désignez donc pas d'avance ceux que vous désirez, car il 
sait mieux que vous-mêmes ceux qui peuvent vous être agréables. 
--Ah! oui, dit Fritz, avec cela que, l'année passée, il ne m'a donné que 
de l'infanterie quand, ainsi que je viens de le dire, il m'eût été très 
agréable d'avoir un escadron de hussards. 
--Moi, dit Marie, je n'ai qu'à le remercier, car je ne demandais qu'une 
seule poupée, et j'ai encore eu une jolie colombe blanche avec des 
pattes et un bec roses. 
Sur ces entrefaites, la nuit étant arrivée tout à fait, de sorte que les 
enfants parlaient de plus bas en plus bas, et qu'ils se tenaient toujours 
plus rapprochés l'un de l'autre, il leur semblait autour d'eux sentir les 
battements d'ailes de leurs anges gardiens tout joyeux, et entendre dans 
le lointain une musique douce et mélodieuse comme    
    
		
	
	
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