neuf ans, s'appelait Fritz. 
La fille, âgée de sept ans et demi, s'appelait Marie. 
C'étaient deux jolis enfants, mais si différents de caractère et de visage, 
qu'on n'eût jamais cru que c'étaient le frère et la soeur. 
Fritz était un bon gros garçon, joufflu, rodomont, espiègle, frappant du 
pied à la moindre contrariété, convaincu que toutes les choses de ce 
monde étaient créées pour servir à son amusement ou subir son caprice, 
et demeurant dans cette conviction jusqu'au moment où le docteur,
impatienté de ses cris et de ses pleurs, ou de ses trépignements, sortait 
de son cabinet, et, levant l'index de la main droite à la hauteur de son 
sourcil froncé, disait ces seules paroles: 
--Monsieur Fritz!... 
Alors Fritz se sentait pris d'une énorme envie de rentrer sous terre. 
Quant à sa mère, il va sans dire qu'à quelque hauteur qu'elle levât le 
doigt ou même la main, Fritz n'y faisait aucune attention. 
Sa soeur Marie, tout au contraire, était une frêle et pâle enfant, aux 
longs cheveux bouclés naturellement et tombant sur ses petites épaules 
blanches, comme une gerbe d'or mobile et rayonnante sur un vase 
d'albâtre. Elle était modeste, douce, affable, miséricordieuse à toutes les 
douleurs, même à celles de ses poupées; obéissante au premier signe de 
madame la présidente, et ne donnant jamais un démenti même à sa 
gouvernante, mademoiselle Trudchen; ce qui fait que Marie était 
adorée de tout le monde. 
Or, le 24 décembre de l'année 17... était arrivé. Vous n'ignorez pas, mes 
petits amis, que le 24 décembre est la veille de la Noël, c'est-à-dire du 
jour où l'enfant Jésus est né dans une crèche, entre un âne et un boeuf. 
Maintenant, je vais vous expliquer une chose. 
Les plus ignorants d'entre vous ont entendu dire que chaque pays a ses 
habitudes, n'est-ce pas? et les plus instruits savent sans doute déjà que 
Nuremberg est une ville d'Allemagne fort renommée pour ses joujoux, 
ses poupées et ses polichinelles, dont elle envoie de pleines caisses 
dans tous les autres pays du monde; ce qui fait que les enfants de 
Nuremberg doivent être les plus heureux enfants de la terre, à moins 
qu'ils ne soient comme les habitants d'Ostende, qui n'ont des huîtres 
que pour les regarder passer. 
Donc, l'Allemagne, étant un autre pays que la France, a d'autres 
habitudes qu'elle. En France, le premier jour de l'an est le jour des 
étrennes, ce qui fait que beaucoup de gens désiraient fort que l'année 
commençât toujours par le 2 janvier. Mais, en Allemagne, le jour des 
étrennes est le 24 décembre, c'est-à-dire la veille de la Noël. Il y a plus, 
les étrennes se donnent, de l'autre côté du Rhin, d'une façon toute 
particulière: on plante dans le salon un grand arbre, on le place au 
milieu d'une table, et à toutes ses branches on suspend les joujoux que 
l'on veut donner aux enfants; ce qui ne peut pas tenir sur les branches, 
on le met sur la table; puis on dit aux enfants que c'est le bon petit Jésus
qui leur envoie leur part des présents qu'il à reçus des trois rois mages, 
et, en cela, on ne leur fait qu'un demi-mensonge, car, vous le savez, 
c'est de Jésus que nous viennent tous les biens de ce monde. 
Je n'ai pas besoin de vous dire que, parmi les enfants favorisés de 
Nuremberg, c'est-à-dire parmi ceux qui à la Noël recevaient le plus de 
joujoux de toutes façons, étaient les enfants du président Silberhaus; 
car, outre leur père et leur mère qui les adoraient, ils avaient encore un 
parrain qui les adorait aussi et qu'ils appelaient parrain Drosselmayer. 
Il faut que je vous fasse en deux mots le portrait de cet illustre 
personnage, qui tenait dans la ville de Nuremberg une place presque 
aussi distinguée que celle du président Silberhaus. 
Parrain Drosselmayer conseiller de médecine, n'était pas un joli garçon 
le moins du monde, tant s'en faut. C'était un grand homme sec, de cinq 
pieds huit pouces, qui se tenait fort voûté, ce qui faisait que, malgré ses 
longues jambes, il pouvait ramasser son mouchoir, s'il tombait à terre, 
presque sans se baisser. Il avait le visage ridé comme une pomme de 
reinette sur laquelle a passé la gelée d'avril. A la place de son oeil droit 
était un grand emplâtre noir; il était parfaitement chauve, inconvénient 
auquel il parait en portant une perruque gazonnante et frisée, qui était 
un fort ingénieux morceau de sa composition fait en verre filé; ce qui le 
forçait, par égard pour ce respectable couvre-chef, de porter sans cesse 
son chapeau sous le bras. Au reste, l'oeil qui lui restait était vif et 
brillant, et semblait faire non seulement sa besogne, mais celle de son 
camarade absent, tant il roulait rapidement autour d'une chambre dont 
parrain Drosselmayer désirait d'un seul regard embrasser    
    
		
	
	
	Continue reading on your phone by scaning this QR Code
 
	 	
	
	
	    Tip: The current page has been bookmarked automatically. If you wish to continue reading later, just open the 
Dertz Homepage, and click on the 'continue reading' link at the bottom of the page.
	    
	    
