Letourneur en tête de la liste, et d'y 
ajouter ensuite quarante-cinq noms inconnus, sur lesquels il serait 
impossible de fixer un choix. De cette manière, la préférence était 
forcée pour les cinq candidats que les conventionnels voulaient appeler 
au directoire. 
Ce plan fut fidèlement suivi; seulement un nom venant à manquer sur 
les quarante-cinq, on ajouta Cambacérès, qui plaisait fort au nouveau 
tiers et à tous les modérés. Quand la liste fut présentée aux anciens, ils 
parurent assez mécontens de cette manière de forcer leur choix. Dupont 
(de Nemours), qui avait déjà figuré dans les précédentes assemblées, et 
qui était un adversaire déclaré, sinon de la république, au moins de la 
convention, Dupont (de Nemours) demanda un ajournement. «Sans 
doute, dit-il, les quarante-cinq individus qui complètent cette liste, ne 
sont pas indignes de votre choix, car, dans le cas contraire, on 
conviendrait qu'on a voulu vous faire violence en faveur de cinq 
personnages. Sans doute ces noms, qui arrivent pour la première fois 
jusqu'à vous, appartiennent à des hommes d'une vertu modeste, et qui 
sont dignes aussi de représenter une grande république; mais il faut du 
temps pour parvenir à les connaître. Leur modestie même, qui les a 
laissés cachés, nous oblige à des recherches pour apprécier leur mérite, 
et nous autorise à demander un ajournement.» Les anciens, quoique 
mécontens de ce procédé, partageaient les sentimens de la majorité des 
cinq-cents, et confirmèrent les cinq choix qu'on avait voulu leur 
imposer. Larévellière-Lépaux, sur deux cent dix-huit votans, obtint 
deux cent seize voix, tant il y avait unanimité d'estime pour cet homme 
de bien; Letourneur en obtint cent quatre-vingt-neuf, Rewbell cent 
soixante-seize, Sieyès cent cinquante-six; Barras cent vingt-neuf. Ce 
dernier, qui était plus homme de parti que les autres, devait exciter plus 
de dissentimens, et réunir moins de voix. 
Ces cinq nominations causèrent une grande satisfaction aux 
révolutionnaires, qui se voyaient assurés du gouvernement. Il s'agissait 
de savoir si les cinq directeurs accepteraient. Il n'y avait pas de doute 
pour trois d'entre eux, mais il y en avait deux auxquels on connaissait 
peu de goût pour la puissance. Larévellière-Lépaux, homme simple,
modeste, peu propre au maniement des affaires et des hommes, ne 
trouvait et ne cherchait de plaisir qu'au Jardin des Plantes, avec les 
frères Thouin; il était douteux qu'on le décidât à accepter les fonctions 
de directeur. Sieyès, avec un esprit puissant qui pouvait tout concevoir, 
une affaire comme un principe, était cependant incapable par caractère 
des soins du gouvernement. Peut-être aussi, plein d'humeur contre une 
république qui n'était pas constituée à son gré, il paraissait peu disposé 
à en accepter la direction. Quant à Larévellière-Lépaux, on fit valoir 
une considération toute-puissante sur son coeur honnête: on lui dit que 
son association aux magistrats qui allaient gouverner la république, 
était utile et nécessaire. Il céda. En effet, parmi ces cinq individus, 
hommes d'affaires ou d'action, il fallait une vertu pure et renommée; 
elle s'y trouva par l'acceptation de Larévellière-Lépaux. Quant à Sieyès, 
on ne put vaincre sa répugnance; il refusa, en assurant qu'il se croyait 
impropre au gouvernement. 
Il fallut pourvoir à son remplacement. Il y avait un homme qui jouissait 
en Europe d'une considération immense, c'était Carnot. On exagérait 
ses services militaires, qui cependant étaient réels; on lui attribuait 
toutes nos victoires; et bien qu'il eût été membre du grand comité de 
salut public, collègue de Robespierre, de Saint-Just et de Couthon, on 
savait qu'il les avait combattus avec une grande énergie. On voyait en 
lui l'union d'un grand génie militaire à un caractère stoïque. La 
renommée de Sieyès et la sienne étaient les deux plus grandes de 
l'époque. On ne pouvait mieux faire, pour la considération du directoire, 
que de remplacer l'une de ces deux réputations par l'autre. Carnot fut en 
effet porté sur la nouvelle liste, à côté d'hommes qui rendaient sa 
nomination forcée. Cambacérès fut encore ajouté à la liste, qui ne 
renferma que huit inconnus. Les anciens cependant n'hésitèrent pas à 
préférer Carnot; il obtint cent dix-sept voix sur deux cent treize, et 
devint l'un des cinq directeurs. 
Ainsi Barras, Rewbell, Larévellière-Lépaux, Letourneur et Carnot, 
furent les cinq magistrats chargés du gouvernement de la république. 
Parmi ces cinq individus, il ne se trouva aucun homme de génie, ni 
même aucun homme d'une renommée imposante, excepté Carnot. Mais 
comment faire à la fin d'une révolution sanglante, qui, en quelques 
années, avait dévoré plusieurs générations d'hommes de génie en tout 
genre? Il n'y avait plus dans les assemblées aucun orateur
extraordinaire; dans la diplomatie, il n'y avait encore aucun négociateur 
célèbre. Barthélemy seul, par les traités avec la Prusse et l'Espagne, 
s'était attiré une espèce de considération, mais il n'inspirait aucune 
confiance aux patriotes. Dans les armées, il se formait déjà de grands 
généraux, et il s'en préparait de plus grands encore; mais il n'y avait 
maintenant aucune supériorité    
    
		
	
	
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