L'irrésolution de ce prince fut le salut de la France. Hubert du Bourg, à qui il avait les plus grandes obligations pour lui avoir conservé sa couronne, était tout son conseil. Ce ministre, gagné peut-être par la régente de France, comme on l'en soup?onnait en Angleterre, s'opposa, presque seul, à la proposition qu'on fit au roi de passer en France, et son avis fut suivi. Il se fit même, cette année, une trève d'un an entre les deux couronnes: ce qui n'empêcha pas le roi d'Angleterre d'envoyer un corps de troupes anglaises au comte de Bretagne. Ayant fait avec ces troupes, jointes aux siennes, quelques courses sur les terres de France, il fut cité à Melun, pour compara?tre à la cour des pairs; et, sur le refus qu'il fit de s'y rendre, on le déclara déchu des avantages que le roi lui avait faits par le traité de Vend?me. Ensuite ce prince partit de Paris avec la reine régente, et marcha avec son armée pour aller punir le comte de Bretagne. Louis vint mettre le siége devant le chateau de Bellesme, place très-forte, qui avait été laissée en la garde du comte, par le traité de Vend?me. La place fut prise en peu de temps par capitulation. Aussit?t après, les Anglais, mécontens du comte de Bretagne dont les grands projets n'avaient abouti à rien, moins par sa faute que par celle de leur roi, retournèrent en Angleterre.
Quelque ascendant que le roi, conduit par les conseils de la reine sa mère, e?t pris sur ses vassaux par la promptitude avec laquelle il avait réprimé leur audace, cependant la France n'en était pas plus tranquille; et l'on voyait sous ce nouveau règne, comme sous les derniers rois de la seconde race, et sous les premiers de la troisième, tout le royaume en combustion par les guerres particulières que les seigneurs se faisaient les uns aux autres pour le moindre sujet; mais elles faisaient un bon effet, en suspendant les suites de la jalousie et de la haine que la plupart avaient contre la régente. Comme l'état se trouvait assez tranquille cette année, elle négocia heureusement avec plusieurs seigneurs qu'elle mit dans les intérêts du roi son fils, en les déterminant par ses graces, par ses bienfaits, et par ses manières agréables et engageantes à lui rendre hommage de leurs fiefs; affermissant par ce moyen, autant qu'il lui était possible, l'autorité de ce jeune prince; mais elle ne put rien gagner sur le comte de Bretagne.
C'était un esprit indomptable, qui, voyant la plupart des vassaux du roi divisés entre eux, ne cessait de cabaler, et fit si bien, par ses intrigues auprès du roi d'Angleterre, que ce prince se détermina enfin à prendre la résolution de faire la guerre à la France, et d'y passer en personne.
L'année précédente, il avait assemblé à Portsmouth une armée nombreuse. Il s'était rendu en ce port avec tous les seigneurs qui devaient l'accompagner; mais, lorsqu'il fut question de s'embarquer, il se trouva si peu de vaisseaux, qu'à peine eussent-ils suffit pour contenir la moitié des troupes. Henri en fut si fort irrité contre Hubert du Bourg, son ministre et son favori, qu'il fut sur le point de le percer de son épée, en lui reprochant qu'il était un tra?tre qui s'était laissé corrompre par l'argent de la régente de France. Le ministre se retira pour laisser refroidir la colère de son ma?tre. Quelques jours après, le comte de Bretagne étant arrivé pour conduire, dans quelqu'un de ses ports, l'armée d'Angleterre, selon qu'on en était convenu, il se trouva frustré de ses espérances: néanmoins, comme il s'aper?ut que le roi, après avoir jeté son premier feu, avait toujours le même attachement pour son ministre, il prit lui-même le parti de l'excuser, et il réussit si bien qu'il le remit en grace, s'assurant, qu'après un pareil service, du Bourg ne s'opposait plus à ses desseins.
Avant de partir pour retourner en Bretagne, le comte voulut donner une assurance parfaite de son dévouement au roi d'Angleterre: il lui fit hommage de son comté de Bretagne, dont il était redevable au seul Philippe-Auguste, roi de France; et, comme il savait que plusieurs seigneurs de Bretagne étaient fort contraires au roi d'Angleterre, il ajouta, dans son serment de fidélité, qu'il le faisait contre tous les vassaux de Bretagne, qui ne seraient pas dans les intérêts de l'Angleterre. Henri, en récompense, le remit en possession du comté de Richemont et de quelques autres terres situées en Angleterre, sur lesquelles le comte avait des prétentions. Il lui donna de plus cinq mille marcs d'argent pour l'aider à se soutenir contre le roi de France, et lui promit qu'au printemps prochain il l'irait joindre avec une belle armée.
Le comte étant de retour et assuré d'un tel appui, ne ménagea plus rien: il eut la hardiesse de

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