pendant la nuit, avec beaucoup de noblesse, dans la ville de Troyes pour la défendre; et ce secours fit reprendre coeur aux habitans qui parlaient déjà de se rendre.
Le roi, sur cet avis, envoya aussit?t commander, de sa part, aux confédérés de mettre bas les armes, et de sortir incessamment des terres de Champagne. Ils étaient trop forts et trop animés pour obéir à un simple commandement. Ils continuèrent leurs ravages; mais se voyant prévenus par le seigneur de Joinville, ils s'éloignèrent un peu des murailles de Troyes, et allèrent se camper dans une prairie voisine, ayant le jeune duc de Bourgogne à leur tête. Louis, qui avait bien prévu qu'il ne serait pas obéi, avait promptement assemblé son armée; et, s'étant fait joindre par Matthieu II du nom, duc de Lorraine, il vint en personne au secours du comte de Champagne.
Les approches du souverain, dont on commen?ait à ne plus si fort mépriser la jeunesse, étonnèrent les rebelles. Ils envoyèrent au-devant de lui le supplier de leur laisser vider leur querelle avec le comte de Champagne, le conjurant de se retirer, et de ne point exposer sa personne dans une affaire qui ne le regardait point. Le roi leur répondit qu'en attaquant son vassal, ils l'attaquaient lui-même, et qu'il le défendrait au péril de sa propre vie. Quand ce jeune prince parlait de la sorte, il était dans sa quinzième année, et commen?ait déjà à développer ce courage et cette fermeté qui lui étaient naturels, et dont la reine, sa mère, lui avait donné l'exemple, et lui avait enseigné l'usage qu'on devait en faire. Sur cette réponse, les rebelles lui députèrent de nouveau pour lui dire qu'ils ne voulaient point tirer l'épée contre leur souverain, et qu'ils allaient faire leur possible pour engager la reine de Chypre à entrer en négociation avec le comte Thibaud, sus la discussion de leurs droits. Le roi répliqua qu'il n'était point question de négociation, qu'il voulait, avant toutes choses, qu'ils sortissent des terres de Champagne; que, jusqu'à ce qu'ils en fussent dehors, il n'écouterait ni ne permettrait au comte d'écouter aucune proposition. On vit, en cette occasion, l'impression que fait la fermeté d'un souverain armé qui parle en ma?tre à des sujets rebelles. Ils s'éloignèrent dès le même jour d'auprès de Troyes, et allèrent se camper à Jully. Le roi les suivit, se posta dans le lieu même qu'ils venaient d'abandonner, et les obligea de se retirer sous les murs de la ville de Langres, qui n'était plus des terres du comté de Champagne.
Ce qui contribua beaucoup encore à ce respect forcé qu'ils firent para?tre pour leur souverain, fut la diversion que le comte de Flandre, à la prière de la régente, fit dans le comté de Boulogne, dont le comte, qui était le chef le plus qualifié des ligués, fut obligé de quitter le camp pour aller défendre son pays. On le sollicita en même temps de rentrer dans son devoir, en lui représentant qu'il était indigne d'un oncle du roi de para?tre à la tête d'un parti de séditieux, et combien étaient vaines les espérances dont on le flattait pour l'engager à se rendre le ministre de la passion et des vengeances d'autrui. La crainte de voir toutes ses terres désolées, comme on l'en mena?ait, eut tout l'effet qu'on désirait. Il écrivit au roi avec beaucoup de soumission, et se rendit auprès de sa personne, sur l'assurance du pardon qu'on lui promit.
Pour ce qui est du différend de la reine de Chypre avec le comte de Champagne, le roi le termina de cette manière: la princesse fit sa renonciation aux droits qu'elle prétendait avoir sur le comté de Champagne, à condition seulement que Thibaud lui donnerait des terres du revenu de deux mille livres par an, et quarante mille livres une fois payées. Le comte n'étant pas en état de fournir cette somme, le roi la paya pour lui, et le comte lui céda les comtés de Blois, de Chartres et de Sancerre, avec la vicomté de Chateaudun[1]. Le roi, par ce traité, tira un grand avantage d'une guerre dont il avait beaucoup à craindre; mais elle ne fut pas entièrement terminée.
[Note 1: L'acte de cette vente est rapporté par Ducange, dans ses Observations sur l'Histoire de saint Louis, par Joinville.]
Le comte de Bretagne, principal auteur de cette révolte, et dont l'esprit était très-remuant, n'oublia rien pour engager le roi d'Angleterre à seconder ses pernicieux desseins. Il lui envoya l'archevêque de Bordeaux, et plusieurs seigneurs de Guyenne, de Gascogne, de Poitou et de Normandie, qui passèrent exprès en Angleterre pour presser Henri de profiter des conjonctures favorables qui se présentaient de reconquérir les provinces que son père avait perdues sous les règnes précédens. Ils l'assurèrent qu'il lui suffisait de passer en France avec une armée, pour y causer une révolution générale.

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